Seuls existent les commencements,
les aurores nouvelles,
qui nous tirent de nos nuits.
Être toujours voyageur de l'Aube.

jeudi 5 avril 2012

22 - rupture et reliance

Sur ce thème global, il y aura plusieurs billets.
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Bernadette Soubirous, - ma copine d'enfance et aujourd'hui parfois mon phare dans le brouillard, - était interrogée par la bonne soeur de service :
— qu'est-ce Que Dieu ?
Elle attendait évidemment la réponse officielle écrite noir sur blanc dans le livre de catéchisme, et comme Bernadette n'avait rien appris par coeur, elle balbutia cette réponse :
- Dieu… Dieu EST amour !


Alors, si Dieu existe, s'il est cela, on peut dire plus largement : Dieu EST relation.
Par essence. Par nature. Nous, les humains nous somment EN relation (ou pas !), Ce qui n'est pas tout à fait la même chose. Nous ne sommes pas LA relation, nous en sommes un des membres, une des parties.

Je fais ce préalable à ce qui suit, comme une affirmation. C'est une affirmation balbutiante. Elle comporte son aspect mystère. Si je précise, c'est parce que je veux aborder trois rencontres, ou plutôt deux et un événement qui aura l'aspect de « rencontrer autrement ».

La rencontre de ma future compagne

C'était un petit groupe de jeunes dont le dénominateur commun était un jésuite qui les avait rassemblés pour leur parler et leur faire expérimenter une de ces nouvelles « approches psychologiques » qui commençaient à fleurir au début des années 70. La plupart de ces jeunes se connaissaient plus ou moins entre eux.
Pour d'obscures raisons, je croyais me rendre à une conférence sur Carl Rogers, un américain, un des pionniers de la psychologie humaniste, qui commençait à faire florès en France et dont je venais de lire le livre : « Le développement de la personne ».
En guise de conférence, je suis tombé sur ce jésuite, dont j'ignorais tout auparavant, et sur ce groupe, un peu comme un cheveu sur la soupe.

— « Vous êtes inscrit ? », me dit le jésuite. Ah bon ! Il fallait s'inscrire… Je m'apprête à rebrousser chemin, me demandant dans quel guêpier je suis tombé… Mais ce bougre de jésuite a plutôt une bonne tête. Il me convainc de rester, au moins jusqu'à la pause en milieu de matinée : « après, si ça vous intéresse pas, vous partirez… »
Le problème, c'est que dès la première demi-heure, cela m'a intéressé, et la demi-heure suivante cela m'a passionné…
À la pause, il vient vers moi :
— « Alors ? Ça vous plaît semble-t-il ? »
Pas difficile, je devais avoir les yeux qui brillent, parce qu'il avait eu des propos qui me semblaient lumineux. Tout à coup il y avait comme des coups de projecteurs à l'intérieur de moi, dans mon psychisme tellement troublé à l'époque, dans la noirceur que je ressentais et cette sorte de désespoir qui aurait fini par m'envahir et peut-être m'engloutir. J'étais encore sous le coup de la rupture de mon « premier amour » et des dégâts intérieurs que cela avait provoqués. j'ai eu tout à coup le sentiment qu'une page nouvelle allait peut-être s'ouvrir pour moi.
Et puis, un jésuite qui ne parle pas de Dieu toutes les trois phrases, c'était singulier.

Alors il m'a proposé un tour dans le parc durant la pause. Trois filles s'étaient jointes. J'ai pensé, il y a ses groupies ! L'une d'elles était ma future compagne…

Je n'en dirai pas plus ici, si ce n'est que le midi on s'est retrouvé assis à la même table pour le déjeuner, (par hasard ? hum ! hum !). Elle m'a demandé si je faisais du cheval et du ski… J'ai montré mes cannes, disant « Pour le ski, je n'ai que les bâtons ! » Elle se confondit en excuses. Elle avait oublié que… Enfin que… Et moi, j'étais le plus heureux des hommes. À ses yeux, je n'étais pas un Zandicapé…

Plus tard, elle m'écrira une chanson à la guitare, toute en douceur, et je lirai entre les notes… Elle avait emprunté le refrain à Saint-Exupéry : « l'essentiel est invisible… »

Environ un an et demi plus tard, on se mariera, à l'église, bien sûr ! On avait voulu une co-célébration. Ce fameux jésuite et l'abbé L. (dont je parle dans mon livre). 
- Je n'évoquerai pas ici la querelle lamentable avec le curé de la paroisse qui, la veille du mariage, n'osant même pas nous dire les choses en face, mit un billet dans la boîte aux lettres, disant qu'en raison du décret du Vatican machin truc et du Canon bidule-couille, il était hors de question que des « laïcs » prennent la parole à la tribune dans l'église, où seul le prêtre a le droit de parler. (On lui avait indiqué que mon père et un ami donnerait un petit témoignage personnel sur leur couple). Il n'avait fait aucune remarque, certes on n'avait bien senti que ça ne lui plaisait pas beaucoup… Mais enfin il n'avait pas brandi l'interdit, à ce moment-là, c'est-à-dire quelques semaines avant… L'hypocrite attendit la veille au soir comme je l'ai dit. Encore un curé qui compte au nombre de mes détestations ! Manque de courage ! Manque de couilles ! Manque de tout ! - Donc je n'en parlerai pas… (Comment ça, c'est ce que vient de faire ?)… -

C'est l'abbé L. qui prononça le sermon, puisqu'il me connaissait de longue date.
Je n'ai retenu que cette phrase :
— « à travers [prénom de ma compagne], c'est Dieu qui aime Alain, à travers Alain c'est Dieu qui aime  [prénom de ma compagne].

Aujourd'hui, je retiens trois choses :
. Ce que je disais plus haut : Dieu EST relation.
. Pour ce qui est de l'amour et de son origine ressentie en soi, celui-ci transcende la personne, me transcende, au sens de ce plus que soi au en soi dont j'ai souvent parlé sur mon autre blog.

. Mais est-ce que je fais un lien entre les deux choses ci-dessus ?

Telle est la question centrale.

(à suivre : la relation à ma compagne
 - texte écrit -  Accord de ma compagne - j'hésite cependant à sa publication)

7 commentaires:

  1. Cela ne répondra pas à ta question, mais ceci c'est quelque chose que j'ai vécu.

    Je travaillais entre autre à l'hôpital Saint Vincent de Paul, en chirurgie et en réanimation. Une jeune fille polyhandicapé (cerveau sans circonvolution) avait subi une intervention qui avait mal tournée et elle avait des doses de morphine très importante.

    Sa maman que je connaissais bien, venait tous les jours, et quand cette femme arrivait, M. sortait de sa torpeur pour "boire" littéralement sa mère des yeux. A ce moment là, elle était là, elle était présente, et elle écoutait sa maman qui me parlait de sa fille.
    Le jour de son décès, elle a choisi (parce que cela moi j'y crois) de partir juste à un moment où sa mère venait de s'absenter. elle était partie rejoindre sa jumelle qui elle était décédée à la naissance.

    A cette époque là, il ne fallait pas me parler de Dieu, je n'avais pas besoin de lui pour faire ma vie et me conduire (je dirais que aujourd'hui ce n'est pas le besoin, mais le désir qui fonctionne chez moi), mais ce que j'ai vu dans ce regard d'une jeune fille qui était cataloguée plante verte était justement cet amour qui transcende la personne et dont on ne sait pas d'où il vient. Par la suite j'ai reçu cela comme un cadeau qui m'ouvrait les yeux sur autre chose que je n'appelais pas encore l'Esprit Saint, mais qui s'en rapprochait.

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  2. Je ne sais pas poser les interrogations de ma vie en des termes religieux. ça m'est impossible... J'imagine qu'une relation entre deux êtres, mariés devant Dieu, pour ces deux personnes pour qui DIEU a un sens, j'imagine que les fondements sont solides...

    comme je vis toutes sortes de relations mouvantes, précaires, quelques fois nocives, d'autres fois purement d'usage. Je pose juste des questions :

    La rencontre se fait à travers une passion, un engagement commun à l'extérieur, en dehors de la relation elle-même... DIEU ! une quête spirituelle... ?

    La rencontre charnelle ne saurait être une expérience spirituelle en dehors des liens sacrés du mariage ?

    Pour moi, le sentiment religieux n'est pas celui d'une élite bourgeoise et bien-pensante, ce sentiment en tout cas n'est plus celui qui fait marcher le monde, à coup de sabre et de goupillon,

    aujourd'hui on ne sabre plus que le champagne

    quand au goupillon : il ne manque pas de symbolisation phallique à cette société : des grattes ciel de Hong Kong à New York.

    J'exagère ?

    en tout cas je digresse...

    :))

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  3. Spontanément, j'écrirais que la rencontre avec votre compagne était un clin d’œil de Dieu. Après, votre liberté et votre responsabilité à tous les deux étaient de répondre ou pas à cette proposition d'amour sous Son regard. Il me semble que l'amour entre une homme et une femme est une de nos façons de percevoir et de participer à l'Amour qui relie le Père et le Fils. L'amour humain gagne alors une (infinité ?) dimension supplémentaire.
    J'utilise le vocabulaire que je connais (un peu) et je suis certaine qu'il est possible de le dire avec le langage bouddhiste ou ... mais je ne pourrai pas dire mieux que le Père L.

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  4. le Voyageur10 avril, 2012

    Giboulée,
    comme toi, je crois que certaines personnes partent à un moment où elles le « choisissent ». Ou tout du moins où elles consentent…
    Je crois pouvoir témoigner de cela concernant mon père.

    Mais l'essentiel est pour moi un "merci" du témoignage que tu rapportes de cette jeune fille. Cet amour qui transcende la personne et dont, à certains moments, on a la manifestation presque « tangible ».

    Reste le : d'où vient-il ?
    Toi tu dis le Saint Esprit.
    Moi… Je ne sais pas encore…

    Et enfin… Qu'on arrête de parler de légumes et de plantes vertes concernant ces personnes…
    c'est tellement facile de fuir de cette manière la réalité humaine…

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  5. le Voyageur10 avril, 2012

    K.


    Je garde surtout tes questions… et moins tes digressions…
    Je n'ai pas forcément de réponse pour toi. Je suppose que si tu les poses ce n'est pas seulement par spéculation intellectuelle…
    Sans répondre à chacune d'elles, elles suscitent en moi quelques réflexions :

    . L'engagement à deux dans le mariage, religieux ou laïque, (peu importe), je le différencie du couple cohabitant qui fait des enfants, sans avoir manifesté et signifier un engagement "public", comme dit la formule : devant Dieu (si on a une croyance) et devant les hommes (si on ce sens membres d'une collectivité).
    À mes yeux, ce n'est pas neutre la tendance sociétale d'aujourd'hui de ce non-engagement envers la société, car ce n'est pas rien pour une société tout entière que la réduction du mariage à la seule sphère de l'engagement privé. Cela inaugure-t-il d'un nouveau paradigme ? Où cela mène-t-il à une régression dont on se mordra les doigts plus tard ? Je n'ai pas de réponse… Je ne suis pas devin, et de toute façon je serai mort…


    . Il me semble que les fondements sont ou seront solides si on décide de s'engager ensemble pour qu'ils le soient. Évidemment tout est dans l'aléa du « ensemble ». (Et je pense que tu en sais quelque chose toi-même…) Les croyants ajoutent : « avec la grâce de Dieu ». Pour eux cela fait sens. Cela oriente certains choix, par une sorte de délibération intérieure et donc, bien plus qu'au regard de principes extérieurs décidés par des églises ou des religions… S'il s'agit d'un surmoi religieux, je ne donne pas cher de la pérennité… Il est bien évident que tout cela va beaucoup plus loin que la seule extériorité du « mariage à l'église avec une belle robe et des propos lénifiants du curé »

    . La rencontre charnelle peut être une expérience spirituelle qui concerne tout un chacun. Elle fait appel à cet amour qui transcende au-delà de ce que l'on croyait accessible, jusqu'à ce que l'on en fasse l'expérience.
    Ce n'est sans doute pas « pour rien » que les grands mystiques ont évoqué l'amour de Dieu en termes d'amour charnel avec des mots et des métaphores d'un érotisme bien plus puissant que ce dont sont capables certains écrivains !…
    (Je citerai ma copine Thérèse d'Avila et ses orgasmes mystiques…).
    Quant au lien qui unit un homme et une femme, (je parle bien du lien, pas de l'aventure amoureuse), il faut l'observer en soi-même pour ce qu'il est, pour la manière dont on le ressent. À chacun de dire s'il a ou non une dimension « sacrée » à ses propres yeux : c'est-à-dire ayant une valeur supérieure à soi-même en tant que personne.

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  6. le Voyageur10 avril, 2012

    Nicole,
    j'aime assez l'idée de répondre, ou non, à une proposition d'amour qui nous est faite.
    D'ailleurs, l'amour nous est toujours proposé en premier par quelqu'un d'autre que nous-mêmes.
    C'est le parent qui propose son amour à l'enfant.
    Pas l'inverse.
    Ainsi en est-il, sans doute, de toutes les formes de l'amour humain…
    Quant à l'amour divin… C'est plus compliqué peut-être…

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  7. J'admire ta façon d'écrire et de répondre sur le lien.

    Il ne peut pas y avoir d'amour, d'amitié, de parentalité sans engagement ferme, total. C'est impossible. Cette culture de la liberté est une culture de l'enfermement en soi-même, un soi-même dévorant, annihilant, où l'autre est un objet de satisfation et de désir (pas de sentiment) au mieux ou un support d'emmerdements, au pire.

    Le matin, à l'école, je regarde tous ces enfants perdus qui vont intégrer la structure éducative, à un pas de leur parents disloqués, isolés en eux-mêmes. Qu'est-ce qui fait ces enfants si tristes si ce n'est l'abandon de l'engagement total que leur devraient leurs parents. Mais non, on préfèrera retouver sa liberté, devenir (enfin!) une femme ou un homme libre. On sacagera tout sous l'autel d'un soi-disant retour à soi.

    J'arrête là; je vais devenir cinglant...

    J'ai fait mon choix; je suis prêt d'eux!

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