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lundi 11 mars 2013

44 - Solitude et communauté


Communauté, ici, c'est au sens d'un ensemble de personnes qui ont quelque chose en commun qui les rassemble, les unit autour d'une sorte de point  central, ce qui génère une action commune, mais qui n'est pas forcément collective. 


Sans doute ai-je eu la chance de vivre cette expérience à plusieurs époques dans ma vie, et même de continuer à la vivre actuellement avec un groupe porteur d'espérance. Cela m'a ouvert et a entretenu un certain « souffle », une ampleur, une certaine vision (de l'homme notamment), un projet mobilisateur des dynamismes partagés, parce qu'il y a une perspective commune, qui génère un engagement dans la durée.


Faire l'expérience d'un "esprit communautaire" qui signifie un certain sens des autres, de leur respect, de la conscience d'un bien commun dépassant le bien personnel, c'est-à-dire au fond quelque chose qui transcenderait nos individualismes, fut sans doute parmi les meilleures choses qui me furent apportées par la vie.

Par ailleurs, il y a en moi ce goût pour l'aventure personnelle, sa singularité, comportant un peu paradoxalement une certaine défiance vis-à-vis du collectif, alors que je viens d'en évoquer les bienfaits. Mais cela me semble autant nécessaire de disposer d'une solitude choisie. Sans doute parce qu'alors elle vient en complémentarité avec l'aventure collective, perceptible dans sa profondeur à la mesure où on est allé soi-même en explorer les composantes fondamentales.   Moi qui ai souffert d'une enfance de solitude, j'ai mis du temps à réaliser à quel point l'être humain est fondamentalement un être social. Comprendre que cette dimension est inscrite au plus profond de la personne, qui ne peut s'accomplir uniquement par elle-même, et qu'il nous faut rejoindre des appartenances fécondes et fondatrices pour « se faire homme ». 

*

Pourquoi j'évoque tout cela ? Quel rapport avec la spiritualité, Dieu,… ?
C'est-à-dire qu'il y a toujours en moi cette question : Dieu serait-il celui qui nous propose de nous rassembler pour l'aventure commune ? L'aventure d'une humanité en marche… Mais dans ce cas-là… Pas n'importe quelle Aventure !

Il y a quelque temps je cherchais son nom. J'envisageais : « Amour ».
N'est-ce pas là ce que l'homme recherche le plus fondamentalement depuis toujours : aimer et d'être aimé ? Avec bien sûr tous les ratés que cela comporte, mais aussi toute la beauté d'accomplissement quand l'amour s'épanouit vraiment.

Quelles expériences ai-je de l'amour réussi ? Je ne vais pas m'étendre à les exposer, mais j'en ai de particulièrement belles et réussites. Tout autant que je traîne mon lot de ratages amer et parfois désespérant. Garderais-je au final ce qui aura valeur d'éternité ? l'Amour qui se sera accompli ou du moins aura parcouru un certain chemin d'accomplissement en moi et autour de moi.

J'ai mis une majuscule, non pour me valoriser moi-même, mais parce que cet Amour vient de bien Ailleurs que de moi. J'ai bien souvent exposé ce vécu-là.

Si (me voilà toujours et encore avec cette réserve du « si »…) Si, cet amour venait de Dieu, s'il était Dieu, alors pourquoi résisterais-je encore ?… Est-ce que ma seule résistance ne consiste pas à maintenir mon « si », ce qui me permet de biaiser, de dévier, de prendre mes aises, de me tenir à distance, d'aménager mon « petit moi » bien protégé, ouaté, tranquille… Pourquoi je ne me précipite pas vers ces bras ouverts, et je pense ici à Th. d'Avila évoquée dans des commentaires récents, cette ardente amante de son Dieu, au point qu'on l'avait prise pour folle.

Je balbutie encore dans tout cela…
Au final, ma question centrale est peut-être celle-ci : 
— qu'y a-t-il donc de commun à tous les êtres humains ? Qu'y a-t-il donc qui les rejoignent tous, au-delà des cultures, des croyances, des religions, des idéologies et de toutes ces choses ?
Je cherche une réponse qui soit d'ordre « spirituel », c'est-à-dire de ces aspirations les plus profondes qui brûlent au fond des coeurs. Loin de moi de négliger et encore moins de rejeter toutes les autres approches de type scientifique, anthropologiques, ethnographiques, sociologiques ou médicales, etc. mais au-delà de tous les constats que l'on peut faire sur l'homme et son évolution, y a-t-il quelque chose de totalement central et commun dans le domaine de la « spiritualité ».

Je ne suis pas attiré par une recherche livresque, par accumulation de connaissances, je suis attiré par une recherche intuitive (avec évidemment toutes ses limites…), Mais qui est de nature à me satisfaire suffisamment quant au sens de ma vie, d'autant que je n'ai aucune prétention d'enseigner quoi que ce soit à quiconque, et que je perds de plus en plus toute volonté de convaincre… Quoique !…

Me contentant d'une sorte d'auto observation, je constate qu'il y a pour moi deux tendances lourdes et incontournables qui sont comme les deux jambes pour marcher :
— j'ai besoin d'être enraciné dans ma foi (je n'ai pas dit foi chrétienne) 
— j'ai besoin d'être arrimé à une communauté de croyants (je n'ai pas dit de chrétiens)

Ces deux besoins apparaissent aussi vitaux que ma respiration, et d'ailleurs ils sont  la trame de fond de ma vie.
Ces deux besoins me permettent la mise en oeuvre de mes dynamismes centraux, ceux qui me poussent à apporter ma petite part à l'aventure des hommes.

*

Ce billet me semble assez décousu, et cependant j'ai le sentiment qu'il m'apporte plus que ce qu'il contient…





20 commentaires:

  1. Qu'il est difficile pour moi de commenter ici. Mais enfin, pour une fois, je me lance, comme on dit.
    J'aime pour ma part assez la solitude et m'imagine mal appartenir à une communauté, quelle qu'elle soit.
    Ou alors il faut que ce soit une communauté très réduite et qui serait liée par l'amour (une grande fratrie aimante, des amis chers, etc...

    Mais, je pense aussi avoir besoin d'être arrimé, comme vous le dites, à une communauté de croyants. Pourquoi, par exemple, s'attacher à lire tel ou tel blog, autrement?

    Il n’empêche que je n'aime pas "l'effet de groupe" (genre parti politique où il est bienvenu de penser tous pareil, par exemple).
    Je ne me rallie qu'avec les gens dont je partage les idées, m'en éloigne si elles deviennent différente des miennes.

    J'aime cet endroit. Je lis tout. Même si souvent, je ne commente pas. C'est si intime que l'on ose à peine "s'incruster" dans la discussion.

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    1. le Voyageur12 mars, 2013

      Je comprends que cela puisse être difficile de commenter. Mais là, tu le fais très bien…
      L'arrimage et l'appartenance que tu évoques, ce sont ces communautés très réduites comme tu en parles, où les gens se sentent reliés par l'amour, ou à tout le moins le respect et l'empathie, ce qui n'est pas incompatible avec une certaine confrontation, au contraire.
      « l'effet de groupe », que tu évoques, relève de la manipulation, au sens de chercher à faire adhérer à une pensée qui n'est pas la sienne, ou seulement partiellement la sienne. Il faut donc s'en méfier. Mais il existe aussi un effet de groupe positif qui relève d'un enrichissement véritable et peut générer des forces transformantes.

      Merci d'avoir « osé ». J'apprécie !

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  2. Chic! Un nouveau billet!Une question qui m'interpelle...
    "Qu'y a-t-il donc de commun à tous ces êtres humains?"
    Et la réponse qui me vient à l'esprit : Un coeur qui bat, un souffle, un mouvement qui rythme la vie et notre relation au monde.
    La solitude et l'esprit communautaire ne sont pas incompatibles , je dirais même qu'ils ont chacun leur importance vitale. Il est nécessaire même si parfois c'est douloureux, de se retrouver seul face au miroir de notre vécu pour remettre en question ce que notre égo nous voile! Les erreurs sont le propre de l'homme, et elles nous permettent d'avancer quand on peut en faire l'analyse et la synthèse. Se connaître mieux soi-même fait grandir et évoluer notre conscience, permet d'accéder à son propre épanouissement et à un bonheur d'être qui ne demande qu'à pouvoir être partagé, c'est ainsi qu'on accède à cet esprit communautaire dont tu parles. De "petit" on élargit le cercle et de "grand" on est aussi confronté à notre petitesse, nos faiblesses.
    De la solitude à la socialisation, l'homme est entraîné dans un mouvement vital, comme la respiration est dans le mouvement de l'inspire et de l'expire, comme la mer est dans le flux et le reflux, la vie trouve sens dans ce mouvement de recherche du bonheur fait aussi de tous les "si" ou "ça" !!!
    Ma spiritualité , c'est ce qui me conduit à penser qu'il existe une force énergétique très particulière , comme un aimant (en terme d'attraction, répulsion) AIMANT , AIMABLE !!! A nous le choix!
    L'AMOUR, c'est comme un soleil qui éclaire, qui réchauffe, qui lorsqu'il brille chaque matin au réveil dynamise le corps et l'esprit, invite à l'espérance d'une journée que je peux rendre belle ou taciturne selon ma liberté d'être ou de ne pas être dans cet instant à vivre et à partager.
    J'ai besoin de gagner confiance en moi et surtout en cette part de moi qui est à aimer et à faire vivre et j'ai comme vous le désir de partager mes expériences et mes réflexions dans un groupe où comme dans un orchestre quand les instruments sont accordés, la symphonie peut commencer. C'est une histoire de vibrations, non ?
    Nous sommes tous des pierres vivantes sur ce chemin que nous partageons. Bonne journée!
    Brigitte

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    1. Le Voyageur12 mars, 2013

      Merci pour ce commentaire. Tout cela est très bien dit.
      je soulignerai volontiers cet aspect du collectif qui remet en question ce que notre ego nous voile.
      Et aussi la vibration !

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  3. - depuis peu je participe à une petite communauté de croyants au sens où tu le dis (environ dix personnes. Ce sont Des gens en recherche, qui se penchent sur des textes qui nourrissent et forcent à la réflexion
    Ce ne sont pas mes amis, je ne cherche pas à les voir en dehors de nos petites rencontres.
    Pourtant ce qui se passe entre nous est fort, et nous oblige chacun à avancer sur le chemin de la foi, à partir surtout de l'Evangile..
    participer à ce petit groupe est quelque chose de nouveau pour moi: je suis une solitaire, et si j'ai autrefois participé à un groupe de ce type, c'était pour l'animer, pas pour être comme les autres une personne simplement en chemin...
    Merci pour ce billet riche... décousu dis-tu? je n'ai pas cette impression

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    1. le Voyageur12 mars, 2013

      J'ai aussi cette double expérience d'animateur ou de participant… D'un côté comme de l'autre je me sentais en chemin, mais pas tout à fait à la même place quand même.
      Ce qui m'intéresserait : c'est quel "plus" cela t'apporte par rapport à une recherche solitaire ( au-delà des seules interactions fortes entre les personnes).

      je ne demande pas un complément de commentaire… Je pose juste la question pour inviter à un regard de ce côté-là…
      :-)

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  4. "L'aventure d'une humanité en marche"
    Tout est dit.
    Un texte bien "cousu" et non pas décousu.
    Je reviendrai plus tard sur ce texte... Maty

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  5. Ils respirent.
    L'esprit commun à l'humain est ce souffle pour moi, ce qui provoque parfois le hoquet dans l'espace du coeur lorsque le sentiment a éteint les processus discursifs et ouvert un coeur béat, à l'image de l'iconographie christique.

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    1. le Voyageur12 mars, 2013

      un coeur béat... et aussi un coeur béant...

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    2. exactement
      c'est de là que le monde du sentiment s'engouffre...

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  6. J'ai moi,aussi fait l'expérience de l'animation et de la participation à un groupe de réflexion.
    En tant qu'animateur, c'est face à soi-même qu'on expose un sujet où on livre sa propre expérience en "pâture" à un groupe en recherche. On a le "trac", on ose se dire et on recueille la satisfaction d'avoir apporté une pierre à l'édifice.
    En tant que participant, on recueille l'expérience des uns et des autres sans avoir de jugement particulier, juste se rendre compte qu'il n'y a pas de différences , surtout, qu'on est un être normal avec ses forces et ses faiblesses et qu'on apprend de tous et chacun , qu'on renforce son petit moi( ou sa foi!) pour le (ou la )faire grandir et advenir à plus de confiance en la vie.
    Merci de m'avoir invitée à un regard sur ce point particulier.
    Donner et recevoir, c'est peut-être bien là que se situe l'expérience de l'humain que nous sommes à travers une recherche de réflexion en solitaire et en groupe où l'interaction renvoie à sa propre donnée et avancée en la matière!
    Brigitte

    .

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    1. le Voyageur13 mars, 2013

      Oui, Brigitte, donner et recevoir, comme les deux mouvements de notre respiration pour vivre.
      Cela rejoint d'ailleurs deux fondamentaux de l'être humain : l'aspiration à donner et le besoin de recevoir.
      c'est cela qui humanise je crois. D'ailleurs, si, comme on l'entend souvent dans les religions il fallait sans cesse donner et donner encore (ce qui n'est pas en soi contestable), à quoi cela servirait s'il n'y avait pas en vis-à-vis quelqu'un qui a besoin de recevoir ?
      Donner, évidemment. Mais apprendre à recevoir, cela n'est pas toujours aussi évident qu'il y paraît. (Enfin, je parle pour moi…)

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    2. C'est vrai ce que tu dis, entre donner et recevoir, c'est le recevoir le plus difficile à mettre en oeuvre!
      C'est en faisant un travail sur moi que j'ai compris -(mais ça est venu comme ça, sans vraiment que je l'attende)- l'enjeu qu'il y avait d'accepter "le recevoir". Trop donner peut étouffer l'autre et l'empêcher d'accéder à son autonomie.( ça s'expérimente avec l'éducation des enfants)
      En effet, c'est en acceptant de recevoir de l'autre, qu'on lui permet aussi de faire l'expérience du don.
      Accepter, recevoir la vie qui nous est donnée sans avoir rien demandé au départ, ce n'est pas facile pour tout le monde. Il y a des êtres qui viennent au monde avec déjà des handicaps, des blessures sans comprendre pourquoi ils ont déjà ces épreuves à dépasser, il y en a d'autres qui sont aux prises avec la difficulté à traverser ce qui leur arrive (deuil, maladie...). Grandir en humanité demande de l'humilité, je crois.
      Ne t'inquiète pas, tu n'es pas le seul en difficulté par rapport au recevoir. ça vient avec le temps donné au temps , c'est le chemin qui est intéressant et on ne doit pas se décourager de l'emprunter, il mène à mieux vivre.
      Brigitte

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  7. Je ressens aussi les deux besoins dont tu parles.
    Poutant, les mots "foi" et "communauté de croyants" même si tu spécifies qu'il ne s'agit pas de religion catholique, me font l'effet de " met réchauffé" depuis trop longtemps.

    Croyants pour moi égale croyances
    et les croyances quelle qu'elles soient, je n'y crois pas.
    Il n'est pas suffisant de croire, il faut savoir
    et savoir pour moi c'est d'aller rejoindre cet endroit en moi qui sait.
    Pas un savoir qui dit "ceci est vrai et cela est faux"
    "je sais et vous ne savez pas"
    tout le monde peut avoir accès à ce savoir là.
    C'est autre chose, comme un endroit de certitude enfoui profondément en Soi.
    À cet endroit il n'y en a plus de croyances.

    Évidemment on est pas obligé d'avoir le même point de vue pour se comprendre et se compléter. Même les antagonismes peuvent se compléter. kéa

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    1. le Voyageur13 mars, 2013

      Je comprends bien à propos des expressions citées. J'avais moi-même hésité, notamment à employer « communauté de croyants », à cause des relents catholiques.
      Mais c'est une démarche que je tente ! Réhabiliter quelques-unes de ces expressions-là, pour en retrouver, si possible, une certaine valeur originelle. J'avais pensé « une communauté d'ardents ! », Mais ça fait un peu secte d'illuminés !

      Cela dit, je suis d'accord sur ce que tu dis à propos des croyances.

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  8. La souffrance ? La survie ? La finitude ? donner un sens à la présente vie ?
    Je n'ose parler de la quête du bonheur car j'ai l'impression que cela est bien plus récent que je ne le pense.






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    1. Je ne saisis pas très bien le sens de ta dernière phrase…

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    2. En effet, je suis pas du tout rentrée dans ma pensée...
      Car j'ai peur de ne pas être suffisamment certaine de ma réflexion...

      Je pensais à la quête du bonheur aussi pour ce commun entre les êtres humains que tu questionnes....

      Je pensais au chasseur cueilleur... je me suis dis
      "Pouvaient-ils être en quête de bonheur ?"
      Chasser et vivre, se posaient-ils seulement la question du bonheur ?

      Du coup, je n'avais pas oser aller plus loin, surtout que je ne suis pas assez informée côté socio....

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    3. Quand est apparu le concept de bonheur ? Je ne sais... Épicure en parle (3 siècles avant JC) Les 1 ers hommes préoccupés de manger et survivre Pouvaient-ils ressentir un état de plénitude ?

      L'origine du mot est : accroître, faire grandir...
      C'est peut-être cela le bonheur : faire grandir en humanité , soi et les autres'...
      Et non pas rechercher de multiples plaisirs et satisfactions.... ,?

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