Seuls existent les commencements,
les aurores nouvelles,
qui nous tirent de nos nuits.
Être toujours voyageur de l'Aube.

dimanche 20 octobre 2013

56 - Lenteur


J'ai pris de la distance avec l'autre endroit où j'écris.
Cela m'est apparu comme une nécessité. La nécessité est une action « qui doit obligatoirement être réalisée ». En l'espèce, l'obligation s'enracine en une sollicitation qui vient de plus loin que moi, et, y répondre prend la forme d'une obligation morale, qui libère  de la liberté intérieure, de la paix, de la sérénité, de la douceur d'avancer dans la direction qui m'est indiquée. Cela est totalement manifeste à l'instant où j'écris ces mots. Après avoir publié le billet qui se situe là-bas, j'ai à présent la confirmation du bien-fondé de ma décision.  Le signe intérieur en est la grande paix qui m'habite.


Parfois, je me sens d'une lenteur crasse. J'ai intitulé ce billet « lenteur », parce que j'ai relu ce que j'écrivais ici il y avait exactement un an  Il me fallait entrer dans une relation de confiance avec le divin. De totale confiance. Car en ce domaine, j'imagine mal qu'il puisse y avoir des compromis frelatés, des demi-mesures, des atermoiements. Il y a nécessairement quelque chose de l'ordre d'une radicalité.
Cette radicalité m'est bien trop souvent apparue comme une obligation venue de l'extérieur, comme un commandement, une contrainte, bref, un truc pénible, chiant, moralisateur, dont il faut se débarrasser au XXIe siècle ! Mais, c'était un peu comme le capitaine Haddock et son fameux sparadrap qui revient sans cesse se coller à lui alors qu'il fait tout ses efforts pour s'en débarrasser…
Ça peut occuper longtemps ce genre de choses. Tout comme on tente de chasser une mouche indésirable avec des gestes d'agacement, en faisant du surplace, alors qu'il suffit de continuer la route pour qu'elle s'en aille…

En l'espèce, la radicalité, c'est une adhésion par le dedans. Une adhésion qui ressemble à celle des amants qui se précipitent l'un vers l'autre pour s'unir. « S'adhérer ».

En relisant ce texte d'il y a un an, je me disais, non sans une sorte de désolation un peu accablante, que j'avais, une fois encore, traîné en chemin… Comme une sorte de petite consolation, me revenait cette phrase de mon maître à penser, qu'il prononçait comme un constat entre sagesse et vague à l'âme : « Hélas, les cheminements sont lents… »

Ils sont peut-être lents, mais ils se font.

Le constat d'avoir traîné ne peut justifier une précipitation qui serait comme un feu de paille. Il faut sans doute un facteur déclenchant, une sorte d'effet catalyseur, parce que les choses sont prêtes, et que la « réaction intérieure », (comme on dit la réaction chimique sous l'effet du catalyseur) va alors pouvoir s'effectuer.
Contre toute attente, l'élément déclenchant  fut la lecture d'une interview du nouveau pape à ses copains jésuites. 
J'ai côtoyé quelques jésuites à l'âge adulte. Ils furent pour moi des personnes marquantes positivement. Le nouveau pape est un jésuite. Ce ne sont pas ses propos sur ce qu'il faudrait faire, changer, vivre, dans la boutique église, qui m'ont intéressé. Ça, c'est son job de pape. qu'il se débrouille avec ses prélats !…  C'est l'homme spirituel  qui m'a intéressé, forcément. C'est-à-dire ce qu'il a dit à propos de la foi, de rechercher Dieu. En particulier les propos suivants :

— « Rencontrer Dieu en toute chose n'est pas un eurêka empirique. (…) Ce n'est pas ainsi que l'on rencontre Dieu. On le rencontre dans la brise légère ressentie par Élie. Les sens qui perçoive Dieu  sont les sens spirituels. (…) Il faut une attitude contemplative : sentir que l'on va par un bon chemin de compréhension et d'affection à l'égard des choses et des situations. Le signe en est celui d'une paix profonde. (…)   Dans ce chercher Dieu, il reste toujours une zone d'incertitude. Elle doit exister. Si quelqu'un dit qu'il a rencontré Dieu avec une totale certitude et qu'il n'y a aucune marge  d'incertitude, quelque chose ne va pas. C'est pour moi une clé importante. Si quelqu'un à la réponse à toutes les questions c'est la preuve que Dieu n'est pas en lui. Cela veut dire que c'est un faux prophète qui utilise la religion à son profit. Les grands guides ont toujours laissé un espace au doute. (…) L'incertitude se retrouve dans tout vrai discernement qui est ouvert à la confirmation de la consolation spirituelle. (…) Avec la volonté de trop expliciter nous trouverons seulement un Dieu à notre mesure. »

Est-ce que ces propos m'ont appris quelque chose ?
Non ! C'est bien ainsi que je perçois les choses depuis pas mal de temps...
Mais ce qui a changé quelque chose, c'est que ces paroles soient dans la bouche d'un pape.… D'une certaine manière, elles ratifient que je n'avais pas tort dans mon combat « anti religion ». Ce n'est pas pour autant que je pousse des cris de victoire.  Loin de moi l'idée de penser : « Ah ! Ah ! Il y vient lui aussi à critiquer les siens ! Une église qui ne cesse de proférer qu'elle détient toutes les vérités  sur tout fait dans tous les domaines !…Et qui veut imposer sa morale à toute la planète !  ». Cela n'aurait aucun sens. Et je ne pense pas ainsi. Cela ne libère de rien du tout. Là n'est pas mon état d'esprit aujourd'hui. 

Non, probablement que ce qui est le plus important ce sont ses propos sur le fait qu'il y a toujours une incertitude. Et que, finalement, la vraie foi comporte intrinsèquement cette part d'incertitude. Mais que ce n'est pas pour autant quelque chose de « mauvais, répréhensible, voire sacrilège de douter !... » comme on me l'avait fait avaler et comme cela s'était  incrusté en moi.
Ce n'est pas non plus une sorte « d'excuse » pour justifier que l'on peut rester dans une forme d'attentisme de bon aloi, dans le p'tet-ben-qu'oui / p'tet-ben-qu'non des agnostiques.

Donc voilà.
Comme écrivait il y a peu quelqu'un que je lis, déjà évoqué ici :
« La foi, ce n’est pas, fondamentalement, une histoire de trucs auxquels il faudrait adhérer, Les sept dons de l’Esprit, la virginité de Marie, la marche sur les eaux, etc. Non, la foi c’est la suite de l’ami, la poursuite du frère, ou peut-être mieux encore, le consentement à se laisser poursuivre par celui qui nous saisit. »

Il me semble que j'ai cette foi-là.

13 commentaires:

  1. merci pour ce message qui me parle bcp!!
    Première réaction à te lire:Oui, les cheminements sont lents... et c'est exact qu'on les voudrait plus rapides, plus évidents, plus radicaux
    Est-ce dû au fait de cheminer...(parcourir des sentiers de montagne, c'est lent... et c'est sans doute bien ainsi!) ou est-ce dû à notre "paresse" à continuer dans un chemin qu'on sait pourtant bon pour soi?

    Deuxième réaction: cet extrait du pape je l'ai lu avec un étonnement presque incrédule: QUOI? un pape reconnait non seulement qu'il n'a pas toutes les certitudes, mais que sur le chemin de la foi, il est bon de douter, de se remettre en question, de chercher, ...Ce qui n'empêche pas une profonde confiance intérieure qui s'alimente à cette recherche elle-même (difficile à expliquer ça...)
    Ne plus mettre l'accent sur la morale, ou les dogmes de la foi, mais sur la rencontre avec quelqu'un, "le consentement à se laisser poursuivre par celui qui nous saisit"...c'est on de lire ça... quelque chose de nouveau est en train de surgir...
    Mon problème à moi, c'est que je sais que ce consentement est LE bon chemin pur moi, et que je laisser reposer tout ça "pour quand je serai tout-à-fait prête à me laisser saisir"
    Alors oui, le temps file...

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    1. À la question sur la lenteur, je pense que chacun peut chercher la réponse pour lui-même… Mais, si c'est lent, et comme on entend souvent : Raison de plus pour ne pas traîner inutilement en route !

      À propos du pape : il ne faut pas non plus sortir le texte de son contexte… Il s'agit d'une interview qu'il donne à un jésuite… Pour les jésuites… Et publiée dans une revue jésuite… Il n'engage donc pas sa « parole officielle de pape ». Reste que… Il est pape !…

      Sinon, je crois en effet qu'il s'agit d'une « rencontre avec quelqu'un » qui, justement ne semble pas… Être n'importe qui… Une rencontre où l'on se laisse rencontrer et une rencontre on se laisse transformer.

      Pour ce qui est de ce que tu appelles « ton problème » je crois assez fondamentalement que l'on ne sera jamais prêt… Et donc si on attend « d'être prêt » rien ne peut se faire…

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  2. Ce sont les hommes ( les humains) qui me conduisent ou me font découvrir le spirituel, le divin. (?)..en moi.
    Ton texte est si riche qu'il m'oblige à réfléchir sur toutes les questions que tu soulèves...


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    1. Oui, je crois que ça passe toujours par des hommes… ( Des humains… Hommes ou femmes…!!).
      En matière divine, c'est d'ailleurs ce que dit Jésus : « je suis la porte ».
      je ne sais comment sont les gens par rapport à l'Évangile, mais moi j'ai souvent médité cette histoire-là exprimée dans l'Évangile de Jean (10, 1-10).

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  3. " Se laisser poursuivre par celui qui nous saisit" : Oui, ce doit bien être cela !
    Mais la liberté de ce choix nous appartient; Et pour adhérer, il faut d'abord se débarrasser de nos peurs, cultiver notre terre intérieure, débroussailler notre regard, notre pensée, accepter de panser nos blessures... Cette graine de foi semée peut-être à notre insu en notre terre intérieure nécessite un long chemin pour émerger, grandir et nous faire découvrir au fil du temps, combien elle renferme en elle le meilleur, c'est -à-dire la certitude d'un choix de vie qui nous mène à l'infini de nos possibles.
    Et ce cheminement prend du temps, il est semé de doute, il nécessite des remises en questions, vouloir tout comprendre et donner des explications à tout , ça fait parfois tourner en rond, mais l'aventure vaut le coup qu'on la tente puisqu'en acceptant la part de mystère qui l'habite , on s'aperçoit un jour qu'on gagne en confiance et qu'on devient plus serein face à notre histoire...
    Mais pourquoi j'écris "on"? Je devrais bien écrire à la première personne puisque je parle par rapport à ma propre expérience de vie!
    Le doute fait bien partie de ma foi puisque c'est lui qui me permet d'avancer sur ce chemin où la liberté de choix m'invite à toujours plus de confiance à me faire mais à faire aussi à l'autre. Je crois que je possède les clés mais il manque encore le vrai déclic... et pourtant c'est moi qui détient le penne de la porte à ouvrir!
    Adhérer pleinement, en confiance totale, voici l'enjeu ! L'alchimie est ce grand mystère!
    "Une adhésion qui ressemble à celle des amants qui se précipitent l'un vers l'autre pour s'unir"
    ça me fait penser à l'histoire des aimants: deux pôles s'attirent et se collent. Mais alors, s'aimer soi-même dans notre positif et négatif, notre yin et notre yang, laisser circuler le Qi, cette énergie vitale que le divin déverse en chacun de nous, se sentir relié entre terre et ciel , entrer dans cette relation d'amour gratuit qui donne à notre avenir d'homme et de femme une raison d'entrer dans plus d'humanité, une raison d'espérer et de vivre en suivant Celui qui est venu nous sauver, ça parle et ça fait sens.
    S'il me manque l'amour, l'amitié, je ne suis rien . Et répondre à l'invitation de Jésus, ce n'est pas rien!
    Merci pleinement pour cette réflexion que tu nous fais partager sur ton cheminement. Et ta paix et ta confiance sont peut-être contagieuses ! Peu importe la longueur du chemin et des apprentissages pourvu que l'on connaisse cette force de vie qui nous habite.
    Brigitte

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    1. Le Voyageur24 octobre, 2013

      … Je me demandais en effet pourquoi tu disais « on »… Car il me semblait bien que tu référais à une expérience personnelle...
      :-)

      merci d'exposer et de témoigner de ton propre chemin.

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  4. Il y a une chose dont je ne doute absolument pas !
    cet espace que ne saurais décrire et que je ressens en moi
    que cela soit tout puissant, je n'en doute pas
    enfin, je sais par expérience que je n'ai pas à en douter
    pourtant si, en lui parlant, je refais toujours les mêmes demandes
    (pas des demandes pour posséder plus, mais pour le ressentir encore plus)
    c'est donc que je doute qu'il m'écoute.
    Est-ce douter de Dieu ça ?

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    1. Le Voyageur24 octobre, 2013

      Évidemment, je ne peux pas répondre à ta place à cette question…
      Je ne peux pas non plus n'en rien dire, d'autant que cela me semble une question très importante.
      Alors voilà, bien modestement, en me fondant un peu sur ce que j'ai pu tenter d'observer.
      Parfois on se comporte ainsi avec Dieu (le divin…)
      -- Oh hé ! Dieu ! Tu m'écoutes ou tu penses à autre chose !! J'attends moi !! (Si je puis me permettre ce langage familier…)
      Et Dieu qui répond :
      -- Mais qu'est-tu crois ? Figure-toi que j'ai répondu !! C'est toi qui "ne voit pas" ma réponse ! .... Change de lunettes tu vas voir.... ah ben oui, tu t'attendais à autre chose sans doute..... :-)

      Je réponds d'une manière un peu plaisante, mais c'est une réponse sérieuse !!

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  5. Bonjour Alain, je viendrai donc dorénavant te lire ici. D'autant plus que ce que tu écris me parle, sans pour cela que j'ai besoin de le commenter. Mais ce que tu dis correspond en partie à mon état d'esprit actuel, tes mots résonnent en moi, et en ce moment, j'ai besoin de tels mots.
    Belle journée à toi, à bientôt.

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    1. Tu comptes parmi mes plus fidèles lectrices…
      Alors, si ce que j'écris ici te parle… Je ne peux que m'en réjouir !
      À bientôt donc…

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  6. Dans ce que tu racontes de toi, et dans ce que je perçois de toi, j'ai comme l'impression que cette amour de Dieu, cette foi, cette Présence, ce Mystère tu l'as (re)connais déjà bien, et je suis presque persuadée que tu la ressens.
    Néanmoins, j'ai l'impression également que tu ne te permets pas de le reconnaître totalement en toi par crainte qu'on puisse relier ton amour de Dieu à celle de l'église catholique, car c'est souvent là que tu as le moins reconnu la présence de Dieu dans les actes des hommes de la religion.
    Ainsi, tu n'arriverais peut-être pas à accepter cet état de fait ?
    Me tromperai-je ?

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    1. C'est un peu cela en effet.
      Rien ne m'énerve plus que de m'entendre dire : tu es un chrétien qui s'ignore !
      Et par ailleurs, dans la religion catholique, je n'ai pas trouvé la divinité à laquelle Jésus se réfère dans les Évangiles.
      Comme si l'église catholique avait maintenu un « vieux dieu », plus « vendable » que la proposition venant de Jésus.
      Toute mon éducation fut qu'on ne pouvait pas séparer l'un et l'autre. Le Dieu de Jésus-Christ était forcément adossé à l'église de Jésus-Christ que celui-ci avait voulu…
      or, il n'en est rien.
      Jésus n'a pas voulu la religion qui s'est installée après sa mort. Vu qu'elle ressemble tellement à l'ancienne religion qu'il détestait…

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    2. Tu me parles d'une histoire dont je ne connais pas grand chose encore. Du coup, difficile pour moi d'en comprendre tout le sens.
      Mais j'ai bien noté les références que tu m'as donné par mail (merci d'ailleurs !!!)

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