Seuls existent les commencements,
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qui nous tirent de nos nuits.
Être toujours voyageur de l'Aube.

samedi 26 octobre 2013

57 - Gratitude


Ces jours-ci me revenait souvent à l'esprit et au coeur cette attitude de gratitude que j'ai déjà évoquée à plusieurs reprises. Gratitude envers la Vie, gratitude envers celui (ceux) qui en est (en sont) l'origine.
Plus le temps passe, plus je ressens la nécessité de m'enraciner dans cette attitude. Il m'arrive parfois de penser au « ravi de la crèche provençale » qui manifeste la joie, l'extase, le ravissement qu'est pour lui la naissance de Jésus. Je l'évoque, parce que me revient en mémoire, à l'oreille, « La pastorale des santons de Provence », ce vieux vinyle que l'on écoutait dans mon enfance à la maison à l'époque de Noël. On le dit parfois « l'idiot du village ». Bienheureux que cet idiot-là.
On le dit aussi   « simple d'esprit », en pensant « imbécile ». Et moi je dirais, bien heureux celui qui a l'esprit simplifié, désencombré, purifié, qui a éliminé toutes les scories et les bêtises qu'on a pu lui inculquer au long de l'existence, et qui empêchent le plus souvent « l'essentiel » de se manifester. Et en l'espèce, toutes les idioties des religions, pour m'en tenir au cadre de ce blog…

La gratitude suppose un dépouillement. Je le ressens de plus en plus. Pour remercier, il faut se montrer humble et vulnérable. Il faut renoncer au « tout m'est dû », qui est la grande loi contemporaine. Il faut renoncer à revendiquer un quelconque « dû » de la part de Dieu. Comme si Dieu avait l'obligation de nous apporter tout ce dont nous avons besoin, alors il y a bien longtemps qu'il nous offre tout ce qui est nécessaire pour « être » et notamment « être libre dans notre humanité personnelle », et probablement dans l'humanité des hommes, au moins potentiellement. (C'est bien là un des messages essentiels de l'Évangile : une Libération de l'Homme dans l'homme…)

Il me semble que dans le rapport au divin on a deux possibilités principales :
— réclamer, revendiquer, râler, et toutes choses de ce genre…
— Remercier pour tout ce qui est donné, encore et toujours…

J'essaye d'opter pour la deuxième possibilité.
La première est légitime, elle est même peut-être incontournable parfois, elle est d'ailleurs symbolisée dans certaines « figures » de la Bible, mais elle doit être transcendée, sinon on tourne en rond, et d'une certaine manière on ne sort pas d'une forme d'infantilisme.

La deuxième possibilité (le remerciement) m'ouvre beaucoup plus radicalement au jaillissement de la vie en moi. C'est le constat que je fais. Je me sens alors beaucoup plus accueillant, à la fois de moi-même, des autres, de mon environnement.
Je rentre d'un déplacement de 48 heures dans les Vosges.   Ma compagne était du voyage. Tout au long de le route, nous nous sommes émerveillés de la beauté des paysages d'automne, il y avait du soleil abondant dans les arbre aux couleurs merveilleuses de cette saison. Nous nous le sommes dit souvent. Cela nous rapprochait. Le but du voyage était une rencontre importante et qui fut absolument merveilleuse. Nous avons rencontré un homme passionné par son artisanat, qui nous a offert 3 heures de bonheur. On a partagé un moment rare. De notre coté c'était évident, mais lui aussi a été très heureux de cette rencontre, et c'était visible. Il nous l'a dit,  et ce n'était pas une "attitude commerciale"…

Aujourd'hui me voici en bord de mer, temps doux pour la saison, grand soleil. J'ai participé à une assemblée générale où j'ai pris plusieurs fois la parole pour faire clarifier ce qui devait l'être. Je fus clair, net, précis, tenace, et…. courtois… Plusieurs personnes m'ont remercié à la fin pour mes interventions. Je relate cela parce que j'étais comme "habité"  de cette attitude évoquée plus haut, qui me rendait comme "apte au meilleur de moi-même" (sans pour autant être dans je ne sais quelle perfection… qui n'existe pas de toute façon !…).

Ce sont ces faits vécus qui m'ont fait écrire : La deuxième possibilité (le remerciement) m'ouvre beaucoup plus radicalement au jaillissement de la vie en moi. C'est le constat que je fais. Je me sens alors beaucoup plus accueillant, à la fois de moi-même, des autres, de mon environnement.

Et Dieu dans tout ça ? Puisque  ce blog se centre sur cette question….
Et bien … il me semble que le divin m'habitait… sans pour autant "me dire" quoi que ce soit sur ce qu'il convenait d'être ou de faire, non, juste une Présence qui se manifeste, et dont je me sens "le canal". Je pense que Dieu ne parle qu'exceptionnelllement…. C'est nous les bavards… Il se contente d'être Présence. On le "reconnait" alors… ou pas…
Ecrire cela est acte de Foi…
C'est encore rare chez moi.
Mais je suis bien "obligé", le ressentant ainsi, je ne peux plus seulement dire que c'est "le jaillissement de la vie bonne"….
"Plus" est en moi, il semble qu'il porte un nom…

20 commentaires:

  1. Merci pour ce partage. je suis admirative ! ton texte me parle.

    C'est vrai que parfois j'ai l'impression que ce que je fais, j'écris ou je dis m'est comme "soufflé" !
    Quel cheminement cette route vers la rencontre de soi et du divin qui nous habite!

    Les Vosges, c'est chez moi, si seulement j'avais pu te rencontrer.

    Brigitte

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    1. le Voyageur27 octobre, 2013

      Oui, comme tu dis : "souflé"...
      C'et aussi le propre de l'inspiration créatrice ou même "intellectuelle".
      Reste à discerner ce qui "vient du divin" ? Ou alors faut-il dire tout est divin ?
      L'est probablement ce qui vient du fond de l'Être, mais la source d'inspiration n'est pas toujours cette "zone" de la personne... (enfin il me semble.... encore un terrain à explorer...)
      Merci de la fidélité à ce blog.

      Pour les Vosges, nous étions à Mirecourt, chez un Luthier célèbre, à propos du violon de grande valeur de ma belle-mère (violoniste professionnelle - désormais quasi impotente, et qui n'en joue plus).

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  2. Mon meilleur ami... L'infini!
    Ce pouvoir qui crée l'univers, le soutient réside aussi en moi.
    La gratitude est la plus grande place donnée pour ressentir ce divin en moi.
    Remercier pour tout ce qui a été, est et sera est si doux à vivre. Maty

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    1. Le Voyageur27 octobre, 2013

      Il me semble en effet que c'est une attitude fondamentale.
      Et même "fondatrice" (et au moins élément de fondation) de la relation au divin.

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  3. Merci Alain je pense te rejoindre totalement. Parfois quand on demande un truc à ce dieu qui est censé être tout puissant, on est tellement centré sur ce qu'on veut, qu'on ne se rend pas compte que la réponse à été donnée, mais autrement et parfois il faut des années pour s'en rendre compte.

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    1. le Voyageur27 octobre, 2013

      Oui, oui, pour cette centration...
      Et cependant Jésus dit : "Demandez et vous recevrez"....
      Ça suppose sans doute de le connaître... connaitre ce qu'il est en capacité de donner (probablement pas la fortune au Loto, où de gagner la guerre en massacrant les hérétiques....).
      Et puis il n'est pas dit que l'on recevra... ce qu'on a demandé....

      Ça me donne un ressenti qui fera peut être l'objet d'un futur billet....

      Merci, c'est toujours un grand plaisir de te lire ici.

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  4. La gratitude est un intense sentiment de paix intérieure. Je pense à une collègue de mon âge, qui est perpétuellement dans la colère. Ce remous intérieur permanent lui enlève toute possibilité de se rendre compte de tout ce qu'elle a. un mari aimant, deux enfants magnifiques, intelligents, travailleurs, une belle maison, des champs à perte de vue comme jardin...
    Cette colère qui se manifeste par des pamphlets, des lettres, des actions mais aussi une attitude continuelle de râlerie, de vindicte, et presque de haine, lui ronge l'âme. Aucune fissure apparente par laquelle le divin pourrait s'insinuer, mais ce n'est qu'apparent, et cache mal, sans nul doute une énorme souffrance intérieure.
    A l'aune de sa révolte perpétuelle, je mesure ma chance d'être une "ravie de la crèche". De m'extasier comme tu l'as fait sur un arbre, une feuille, un banc.
    Merci Alain. Ton texte (que pour une fois j'ai eu le temps de lire et de m'approprier) me fait beaucoup de bien.

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    1. le Voyageur28 octobre, 2013

      Cela me réjouis que mon texte puisse te faire du bien...
      Ta collègue a très certainement une (des) souffrance(s) intérieures enfouies, dont elle n'a peut être même pas conscience. La perpétuelle colère débouchant sur des sentiments et attitudes haineuses en est souvent le signe. Ce mode de "défense" (qui anesthésie la souffrance intolérable) est difficile à contourner, parce qu'il faudrait accepter de "baisser la garde" et de laisser "remonter" une souffrance lointaine, ce qui suppose d'avoir trouver des points solides au niveau de l'être profond. Autrement dit de porter un autre regard sur soi-même... Et ce chemin-là ne se fait pas en peu de temps....
      (J'en sais quelque chose à propos de mes attitudes vindicatives à l'égard de la Religion....)
      Merci de ton commentaire

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  5. "j'étais comme "habité" de cette attitude évoquée plus haut, qui me rendait comme "apte au meilleur de moi-même"
    Oui, ça m'arrive de plus en plus souvent aussi de me sentir pleinement "habitée", et ce que je dis dans cet état ne provient pas de mon ego, mais ce sont des mots qui me sont donnés et qui me relient au meilleur de moi-même
    Pas le moindre orgueil alors parce que j'ai particulièrement bien parlé, ou animé... je SAIS que tout cela vient de plus loin que moi-même
    Il suffit que je lâche prise et me confie à cette présence en moi, qui sait ce qui est bon pour moi et pour les autres avec lesquels je suis...
    Merci pur ce texte qui me parle et me rejoint

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    1. le Voyageur28 octobre, 2013

      Oui, c'est tout à fait ça.
      À propos de : "il suffit que je lâche prise" je me demande souvent quelle(s) ..."chose(s)"... (mot volontairement vague), je dois lâcher... ce qui n'est pas toujours si évident à cerner....

      Et le "il suffit" me fait toujours sourire....(moi aussi je dis : il suffit....) parce que c'est quand même pas si simple que ça "en situation" de rester constamment présent à "l'être profond" et agir à partir de lui.
      Il faut beaucoup avoir assaini sa sensibilité et avoir apaisé les manifestations intempestives de celle-ci....
      Mais bon, l'essentiel est sans doute de bien distinguer en soi ces différences de niveaux.
      Je vois tant de gens dans la confusion à ce sujet....

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    2. pour moi, lâcher prise, c'est réaliser (et c'est quasi de l'ordre d'un tilt!) que je m'accroche "bêtement" au désir de paraître, de parler le mieux possible, de dire les bons mots etc
      Je voulais dire que j'en prends conscience de plus en plus vite... afin de rectifier le tir
      La plupart du temps je ne m'acccoche pas parce que je suis alors en contact avec ce qui s'apparente à la Vie en moi... c'est le bon chemin, même s'il me faut faire volte face
      Et cela va toujours dans le sens d'une pacification, c'est quand même mieux que le stress de celle qui veut paraître parfaite!!

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  6. Agnostique tendance athée je te lis avec, forcément, un regard différent puisque détaché du divin. Il n'empêche que, cette différence mise à part, je me sens très proche de ce que tu dis. Faire le choix "plus fort que soi" (dont on pourrait dire qu'il est d'inspiration divine...) de la gratitude apporte infiniment plus de satisfaction que celui de patauger dans la plainte, la revendication, le ressentiment.

    En me réjouissant de ce qui m'apporte paix, satisfaction, plaisir, douceur, quelle qu'en soit l'intensité et la durée, je rajoute encore au bonheur ressenti :)
    C'est tellement simple qu'on peut se demander ce qui empêche tant d'entre nous de saisir ces éclats de joie...

    Merci pour cette réflexion

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    1. le Voyageur28 octobre, 2013

      Je suis bien d'accord sur ce : plus de satisfaction.
      Il faut croire que nous avons un coté "couillon" à patauger là où tu dis...
      Merci de passer par ici.
      Tes propos sont toujours enrichissants de l'échange.

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  7. "Agnostique tendance athée je te lis avec, forcément, un regard différent puisque détaché du divin." cette phrase de PIERRE m’interpelle... j'y perçois un clivage intellectuel... Comme si l'approche psy et scientifique du relationnel et de l'humain fermait les portes à la dimension spirituelle. Pire, comme si la spiritualité ne pouvait se concevoir que sous le dogme de la religion! Ignorant ou sceptiques : le divin est en chacun de nous et les agnostiques ou athées n'en sont heureusement pas épargnés! ;)

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    1. Je n'ai peut-être pas compris ton propos, Julie, mais pour ma part je ne perçois pas le clivage intellectuel que tu mentionnes : je considère que l'approche spirituelle a tout autant de légitimité que celle qui est psy ou scientifique (?). Chaque approche à ses particularités et il me semble qu'elles s'enrichissent les unes des autres. Par contre, je distingue clairement spiritualité et religion.

      Si j'ai fait fait part de ma différence de perception avec celle d'Alainx c'est surtout par rapport à une approche personnelle... qui, en ce qui me concerne, est détachée du divin. Et là c'est ta dernière phrase qui m'interpelle, quand tu écris que « le divin est en chacun de nous ». Culturellement, je veux bien entendre que c'est une notion qui nous imprègne, mais tu sembles aller plus loin. Si tu veux bien m'éclairer... :)

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    2. Je me suis peut être doute mal exprimée... :)

      Pour moi le divin c'est notre part spirituelle. On dit divin, on dit Dieu ok. Mais Dieu et le divin ce n'est pas la religion. Et Dieu a de plus de multiples visages ou apparences. Car c'est l'amour. Cet amour qui est présence à l'instant, conscience à la vie,détaché du Je/jeu de l'ego et de son acolyte le mental (psy)
      L'amour divin, c'est l’élévation de notre part spirituelle (âme) à l'acmé de la présence pure à la vie. Cette présence pure ce n'est pas la gamme de nos émotions humaines, si imprévisibles, despotiques, aléatoires..., c'est de l'ordre du sentiment inaltérable qui nous pose dans le Soi, l'ETRE.

      Je dis que seule cette élévation spirituelle, cette recherche du divin (ou de Dieu dans le sens le plus dégagé de tout dogme religieux) peut nous conduire à la pleine satisfaction d'une vie. Je dis mieux, cette recherche là, ce travail aussi... transforme radicalement notre rapport à la finitude en général et à la mort en particulier :)

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    3. le Voyageur30 octobre, 2013

      Je dois vous remercier tous les deux, Pierre et JulieM pour cet échange qui permet des précisions importantes.
      Julie, je signe volontiers ton texte. Tu dis en quelques phrases ce que je tente de développer maladroitement sur ce blog.

      A Pierre je dirais volontiers que le divin n'est pas qu'imprégnation culturelle mais il l'est aussi : ("l'habitus" comme disait Bourdieu), il est aussi "essence de l'homme" (la perception d'un "plus-que-soi en soi) qui transcende les cultures et que l'on retrouve partout, y compris chez les plus anciennes collectivités humaines.
      "Par chez nous" les judéo-chrétiens, les représentations religieuses et les religions elles-mêmes ont occulté et rétréci le concept de "divin". (et c'est quand même un comble....) au profit de rites réifiés et de dictats moraux. (j'excepte ici quelques grands spirituels et quelques mystiques).

      Je reviendrai sans doute sur tout ça dans d'autres billets (en essayant de rester en proximité avec mon expérience personnelle, sinon c'est du brassage conceptuel, certes intéressant, mais limité....)

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    4. Personnellement il m'est difficile d'adhérer au concept de divin, et plus encore à celui de "Dieu", même sans me référer au religieux. Peut-être parce que le religieux est, par essence, fondé autour du concept de divinité(s). C'est pourquoi je me dis plus tôt athée : selon moi dieu(x) n'existe(nt) pas.

      Pour autant je me retrouve bien dans l'idée d'élévation spirituelle et me reconnais donc dans ce que tu dis, Julie, comme je me retrouvais dans ce que disait Alainx. J'adhère aussi à l'idée de l'Amour "plus grand que soi" (oui, on dit que Dieu est amour... et on peut donc inverser cette affirmation). Mais dès que j'entend/lis "Dieu", je ne peux m'empêcher d'y voir une entité plus ou moins anthropoïde, ce qui ne correspond pas du tout à ce que j'imagine de la susdite "élévation spirituelle".

      Bon, difficile d'aller plus en avant sur l'espace restreint d'un fil de commentaires mais le sujet m'intéresse :)

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  8. Je te rejoins dans tes mots pleinement.
    Et comme une porte qui s'est entrouverte je sens dans tes mots une certaine forme de sérénité.
    C'était fort agréable de te lire et de partager ce moment là à travers tes mots.

    Je vais donc m'arrêter là-dessus ce soir et reviendrai cheminer plus tard avec toi.

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