Seuls existent les commencements,
les aurores nouvelles,
qui nous tirent de nos nuits.
Être toujours voyageur de l'Aube.

mercredi 25 janvier 2017

96 - Vraies et fausses promesses

Dans l'Ancien Testament, il est souvent question d'une promesse. Dieu promet quelque chose à son peuple. Quelque chose qui sera « mieux ». Sortir d'une condition ancienne, pour une condition nouvelle. La promesse est souvent faite à un leader, chargé d’entraîner un peuple dans une Aventure. Abraham vers une terre nouvelle. Moïse vers la terre promise pour faire sortir un peuple de l'esclavage.
Enfin bref, il est très souvent question de quitter un endroit pour un autre, l'espérance au cœur, par fidélité à celui qui a promis. Une confiance dans la divinité.


Dans la Bible, le peuple croit en cette réalisation, c'est pour cela qu'il se met en marche. Et puis, il y a des déceptions, des errements. Le désir de revenir en esclavage parce qu'on n'était pas si maltraité que cela, alors qu'au désert on a le sentiment que la fin (la faim) s’en vient. Certes, la divinité intervient, redonne espérance, ravive des cœurs. Mais quand même… reste ce sentiment que la marche n’aboutit pas là où l'on croyait qu'était la Terre nouvelle.

*

Aujourd'hui, en France, nous sommes en pleine période électorale. C'est aussi le temps des promesses. Demain, c'est promis, nous ferons ce que nous n’avons pas fait hier. Sauf que les chemins proposés sont multiples, pour ne pas dire contradictoires, et qu'un peuple doute de plus en plus de ces vaines promesses entendues depuis des lustres, alors que, apparemment, le fameux bonheur espéré n'arrive toujours pas. On devient grincheux et revendicatif : 
— Alors ! Alors ! Ça vient oui ou m… ! 

Ce n'est pas comme dans la Bible. Les promesses, on finit par ne plus y croire et on se méfie de plus en plus de celui ou celle qui les fait. On veut un guide que l'on pourrait suivre, mais aucun n’est suffisamment crédible. Le doute a prit le dessus, la défiance est reine et la désespérance s'installe. Comme c'est insupportable, on finit par se dire qu'il est préférable toutefois de « faire comme si ». Sans doute que celui qui nous plaît vaguement remplira le contrat qu'on va lui acheter contre notre bulletin de vote. Ou alors, on ne vote plus, laissant tout à vau-l’eau, chacun pour soi, et Dieu pour personne.

*

Dans le Nouveau Testament, qui raconte l'histoire de Jésus, ainsi que celle de ses premiers adeptes, il y a aussi une promesse. Est-ce la même que celle de la Bible ancienne ou que celle de l'homme politique qui réclame les suffrages du peuple ?

La religion chrétienne, inventée après la mort de Jésus, — et en essayant de ne pas être trop caricatural, — tient sensiblement un discours global disant : aujourd’hui sur terre, c'est très dur pour chacun, demain, après votre mort, ce sera le paradis merveilleux. Patience, patience !

Si, dans une certaine « modernité religieuse », il est question d'un chemin qui commence aujourd'hui, il n'en est pas moins présenté comme plus ardu et difficile que source de joie et de bonheur ici et maintenant. La promesse que c'est le bon chemin, l’unique,  s'enracine dans une affirmation : ça fonctionne parfaitement, à cause de la vie, la mort et la résurrection de Jésus, désormais appelé Christ, Fils de Dieu, Dieu lui-même. 

*

L'homme politique dit : « le changement c'est maintenant », sauf qu'on attend toujours. Et qu'il y a quelques jours encore dans les diverses primaires (droite et gauche confondues), il est quand même toujours affirmé : ça ira mieux demain !
Grâce à moi évidemment dit : le candidat numéro un, le candidat numéro deux, le candidat numéro trois, candidat numéro quatre, etc. etc.
À chacun de choisir celui qui formule des promesses dont on tirera un bénéfice personnel. Les plus lucides des électeurs déclarent qu'ils choisiront le moins pire dans les mensonges. Il s'agit plus d'un vote par élimination, que d'un vote d'adhésion.

*

En réalité, pour qu'une promesse soit vraie, il faut que, d'une certaine manière, elle soit déjà-là. C'est  le mystère de la profondeur spirituelle, parce qu'on fait l'expérience d'un déjà-là qui va advenir.
C’est ce que Jésus propose.
C’est ainsi que je comprends le mieux cette parabole du Royaume :

Jésus dit : «Le royaume des Cieux est comparable à une graine de moutarde qu’un homme a prise et qu’il a semée dans son champ. C’est la plus petite de toutes les semences, mais, quand elle a poussé, elle dépasse les autres plantes potagères et devient un arbre, si bien que les oiseaux du ciel viennent et font leurs nids dans ses branches.» 

Voilà, tout est dit dans une petite histoire aussi simple et tellement évidente. Pourquoi quelqu’un que l’on va qualifier de sensé, planterait-t-il une toute petite graine, s’il n’avait pas la « certitude intérieure » qu'elle deviendra une immense plante potagère nourrissante pour longtemps. Si ce n'est pour toujours. Nourrissante pour soi-même et pour d'autres.
S'il fallait raccrocher un concept religieux, ce serait « l'acte de foi ». C'est-à-dire une véritable action concrète, comme ici : celle de faire l'effort de planter. Après… ça poussera….

Promesse d'abondance toute simple… enfin toute simple… Il faut pour cela rentrer de soi-même et personnellement dans le Royaume.
(Et sur ce sujet j'ai déjà écrit suffisamment… pour expliquer ce qu'est le Royaume pour moi)

Pour que la promesse s’accomplisse pleinement, il faut l'accueillir, autrement que  du bout des doigts ou du bout des lèvres, avec une forme de suspicion ou de doute, (j'ai peur de m'approcher du divin, on sait jamais… ça pourrait être  grave pour moi…).
Un peu comme on dirait : J’ai peur d’aimer et d’être aimé, ça pourrait m’être néfaste, mais quand même j’aimerais bien qu’on m’aime ! …

Accueillir la Promesse  dans un élan, celui de l'amoureux qui se jette dans les bras de l'autre parce qu'il sait que c'est là, dans ce « toi-et-moi » qu'elle s'accomplit. 
Jusqu’au jour où ce « toi-et-moi » devient un « toi-EST-moi », sans fusion ni confusion. Non pas une fusion dans un Grand Tout où l'on est indifférencié dans un magma, ni dans une juxtaposition d’un simple côte à côte d’indifférence gentille.
Il faut le côte à côte, mais relié « par  le dedans ». Être UNS tout en étant singulier…. 





16 commentaires:

  1. j'ai cette altitude intérieure...
    "Pour que la promesse s’accomplisse pleinement, il faut l'accueillir, autrement que du bout des doigts ou du bout des lèvres, avec une forme de suspicion ou de doute, (j'ai peur de m'approcher du divin, on sait jamais… ça pourrait être grave pour moi…"

    M'approcher assez pour participer "de loin", mais pas trop près pour ne pas être prise dans un engrenage....
    Il y a beaucoup à réfléchir à propos de ce billet
    Les deux derniers paragraphes me parlent particulièrement!

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    1. Le lapsus de la première phrase me fait sourire par rapport à la suite…

      j'ai connu le « balancement » que tu évoques… un pas en avant deux pas en arrière… deux pas en avant un pas en arrière… j'en ai gardé le souvenir que c'était relativement épuisant…

      Reste à définir pour toi de quoi est fait "l'engrenage" ( négatif je suppose) qui serait pire que cette attirance tout en restant au loin…
      Pour ma part il m'arrive de me dire : si j'avais su j'y serais allé plus vite ! Non pas dans l'engrenage, mais dans la libération.

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  2. Il est connu que l'illusion se présente toujours les portes grandes ouvertes... c'est WOW ! pour ensuite se rétrécir se rétrécir jusqu'à la déception la plus part du temps. Le Vrai lui se présente sous une forme presque imperceptible au début et le chemin s'élargit, s'élargit, sans que l'on puisse jamais en voir la fin... Alors oui, un grain de sénevé... cela me convient parfaitement.
    "Accueillir la Promesse dans un élan, celui de l'amoureux... " Oui oui oui ! kéa

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    1. Je vois que l'on se rejoint.
      À l'illusion, j'oppose toujours la « réalité intérieure », c'est-à-dire la perception profonde que les ressentis intimes au niveau de l'être sont l'émanation par le dedans d'un Royaume de Paix. Il n'est nulle part ailleurs que dans ces profondeurs-là, qui nous relient à d'autres par le tréfonds de nous-mêmes, certes de manière ténue, mais palpable toutefois. Et c'est en cela que c'est une Force.

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  3. " ...émanation par le dedans d'un Royaume de Paix." (tellement bien dit Alain)
    Il faut l'avoir goûté pour savoir que ça existe et c'est pourquoi la foi basée sur des enseignements et des croyances peut disparaître subitement dans des situations difficiles lorsque la personne se dit "si Dieu existe comment peut-il laisser faire ça ?" kéa

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    1. Oui, comme tu le dis très bien « l'avoir goûté »… et c'est là sans doute un grand enjeu. Il faut sans doute rencontrer, à la fois des personnes qui en ont fait l'expérience, et qui savent proposer une sorte de pédagogie d'y parvenir soi-même. Un enseignement par l'intérieur et l'exemplarité.
      L'enseignement des croyances sous forme de « savoirs », peut très bien remplir le cerveau sans toucher le cœur. Il y a une différence entre, d'une part l'enseignant et l'élève, et d'autre part le maître et le disciple…
      Je connais une femme sûr-diplômée en théologie… mais qui, bien évidemment, ne croit pas en Dieu ! Et je ne l'ai jamais entendu rendre contre d'une quelconque expérience spirituelle.
      Mais, elle a tout lu, et tout appris : elle peut donc donner des cours savant de théologie…

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    2. "Il faut sans doute rencontrer, à la fois des personnes qui en ont fait l'expérience, et qui savent proposer une sorte de pédagogie d'y parvenir soi-même. Un enseignement par l'intérieur et l'exemplarité."
      Personnellement je ne sais pas si c'est possible autrement ! kéa

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    3. "Personnellement je ne sais pas si c'est possible autrement "
      Voila ! tu confirmes mon intuition...
      Question de transmission...

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  4. Je n'ai vécu d'expérience spirituelle qu'en amour humain et c'est tout pour moi.Le divin me ramène à la foi de mon enfance avec Jésus Marie et Joseph les apôtres de belles histoires... Mais quand on commence à parler de la rémission des péchés par Jésus mort sur la croix pour en venir à bout de nos péchés ou encore de la résurrection de la chair , de la gloire de la virginité de la vierge ou l'appel de Dieu etc; cela m'énerve au plus haut point. Je suis trop bien sur la terre j'aime trop la terre pour avoir envie d'une vie ailleurs.
    Je pense à la mort comme tout le monde . J'en espère je ne sais quoi peut être seulement de retrouver ceux que j'aime.

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    1. "Retrouver ceux que j'aime"... c'est ce que j'espère aussi.
      Pour ce qui est des croyances Charlotte je suis exactement au même point que toi. Les croyances n'ont aucune signification pour moi. Ce qui me parle moi c'est l'expérience et je me reconnais beaucoup dans les propos de Etty Hillesum : "Je me recueille en moi-même. Et ce « moi-même », cette couche la plus profonde et la plus riche en moi où je me recueille, je l’appelle « Dieu ». Si tu n'as pas lu "Une vie bouleversée" de Etty Hillesum, je te le conseille vivement. kéa

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    2. "Je n'ai vécu d'expérience spirituelle qu'en amour humain et c'est tout pour moi"
      Existe-t-il un autre chemin que celui-là ?
      Mais où donc la rencontre avec le divin pourrait-elle se faire qu'ailleurs que « en amour » ?
      Enfin, sauf si on croit que « le divin » est un simple concept, plus ou moins intellectuel.
      C'est d'ailleurs bien de la pure conceptualisation que tu évoques ensuite dans le baratin ecclésiastique.
      évidemment, conceptualiser Dieu : c'est beaucoup moins risqué !
      ( Je me permets de rappeler que Jésus détestait tout cela…)

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  5. Ne dit-on pas, mais ce n'est pas dans la Bible, que les promesses n'engage que ceux qui y croient?

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    1. Mais qui croient à quoi au fond ?
      En la personne qui promet, tout en sachant que c'est un leurre ? auquel cas c'est de l'inconscience et/ou de la naïveté....
      Ou, en la promesse en tant que telle parce qu'on a déjà en soi "ce qu'il faut" pour sa réalisation, les prémices en quelque sorte. Et qu'un certain "ensemble" (à plusieurs) fera la réalisation.

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  6. Je ne vois ce billet qu'aujourd'hui. Vilain flux RSS..

    Pour moi, le royaume c'est maintenant, et si dans un après que je ne connais pas, je serai peut-être à comprendre que je me suis plantée, tant pis. C'est maintenant que je vis ma vie. pas pour des promesses d'un futur qui chantera; mais d'un présent qui essaye déjà de chanter un peu.

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    1. Le royaume maintenant, c'est tout à fait comme cela que je conçois les choses.
      Il n'y a de plénitude d'existence que dans l'instant, qui prend alors valeur éternelle ( c'est-à-dire présent sans cesse continué).
      Probablement que le présent chante plus souvent qu'on ne l'entend…
      peut-être avons-nous à agrandir nos oreilles !
      ;-)

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