Seuls existent les commencements,
les aurores nouvelles,
qui nous tirent de nos nuits.
Être toujours voyageur de l'Aube.

mardi 28 février 2017

98 - Le Libérateur asservi (partie 1)


1. - Le constat de la religion chrétienne.

la religion intellectualise et conceptualise le divin.
Elle le décline en théories diversifiées, parfois contradictoires, et sujet à querelles théologiques.
Chacun cherche naturellement à faire prévaloir sa position intellectuelle et la pertinence de son raisonnement élaboré, affiné, construit, circonstancié, démontré à coup de :  « donc… » - « il en résulte que… »  - « on peut en déduire sans se tromper que… » - « il est ainsi démontré… » Etc.Etc. Bref, en matière de spiritualité, de mysticisme , des subtilités du Vivre,  on est dans le « CQFD »…  emballé c'est pesé !


Cette griserie intellectuelle procure des satisfactions du mental puissantes et intentes. Elle peut occuper une vie entière, du soir au matin et du matin au soir. On devient ainsi un « savant de Dieu », appelé aussi « théologien ». En comparant, compilant, structurant, démontrant, raisonnant, au fil des années des siècles, on sait désormais parfaitement « ce qu'il en est de Dieu ». Une si longue réflexion menée sur plusieurs siècles ne peut qu'établir les vérités définitives sur le sujet.

En conséquence de la conceptualisation du divin, une religion doit décliner un certain nombre de pratiques que tout un chacun se doit de respecter : 
Dogmes, credos, obligations cultuelles,  règles de conduite et de comportement, listes d'interdits,  réglementations de toutes sortes. 
Pour veiller à la bonne application de ces principes, préceptes et obligations, il est nécessaire d'installer une hiérarchie pyramidale et dirigeante. À défaut ce serait la débandade…

Ce système hiérarchique génère des procédures chargées d'établir et de veiller au respect de l'ensemble défini et immuable (la Tradition) : grosso modo il s'agira de process dualistes : autoriser/interdire ; récompenser/sanctionner ; inclure/exclure ; juger/pardonner ; condamner/porter au pinacle ; sacré/vulgaire ; prêtres/laïcs ; décideurs/exécutants ; commandement/soumission  ; hommes -qui-commandent/femmes-obéissantes;  etc.

Lorsqu'une religion existe depuis des siècles elle multiplie à l'envie l'ensemble de ses process, au point qu'une poule n'y reconnaîtrait plus ses poussins… Ainsi fleurissent des théologies multiples, contradictoires entre-elles, sur chaque point précis des concepts religieux savamment élaborés, et généralement défendus bec et ongles à la fois par les adeptes du principe considéré, et tout aussi bec et ongles par les opposants…
Cela se termine par un rapport de force où  l'autorité supérieure tranche, le plus souvent pour des raisons obscures et impalpables que l'on appelle « motions de l'Esprit Saint ».
Une fois que l'on a tranché dans le vif, on se sépare. Cela s'appelle un schisme.
Ainsi de cette longue liste des « hérésies » qui ont fait l'objet de querelles au fil des siècles. Pour les résoudre on s’est  entretué, torturé, étripé, supplicié, brûlé vif, et autres raffinements sanglants dont les hommes ont le secret.
À titre purement indicatif et non exhaustif, voici quelques hérésies de la religion chrétienne (catholicisme en particulier = considéré comme « la vraie religion ») qui furent combattues et châtiées comme il se devait  :

 Arianisme ; Gnoticisme ; Marcionisme ; Novatianisme ; Ebionites ; Cyrénaïques ; Donatisme ; Artotyrites ; Macédonianisme ; Nestorianisme ; Monophysisme ; Monoénergisme ; Pélagianisme ; Premier iconoclasme ;  Deuxième iconoclasme ; Schisme photien ; Filioque ;Tétragamie ; Schisme de 1054 ; Athinganes ; Néomessalianisme ; Phoundagiagites ; Paulicianisme ; Bobomiles ; Adoptianisme ; Schisme d’Aquilée ;  Prédestinationisme ; Dulcinistes ; Catharisme Etc. Etc.


2. - Jésus a-t-il voulu « tout cela » ?

* La chrétienté a toujours affirmé qu’elle agissait « en Son Nom ». Convaincue de faire « la Volonté du Seigneur » (en tout cas elle fit celle du saigneur….), et « celle de Dieu ».

* Jésus a très fréquemment fustigé la religion de son temps. Il a critiqué toute l'hypocrisie religieuse dont il était témoin. Ceux qui connaissent un peu l'Évangile, n'ont pas manqué de lire les propos sympathiques qu'il a l'égard des scribes et les pharisiens (les curés et théologiens de l'époque…) :

« (…) Faites donc et observez tout ce qu'ils vous disent ; mais n'agissez pas selon leurs oeuvres. Car ils disent, et ne font pas. Ils lient des fardeaux pesants, et les mettent sur les épaules des hommes, mais ils ne veulent pas les remuer du doigts. Ils font toutes leurs actions pour être vus des hommes.  (….) ils aiment la première place dans les festins, et les premiers sièges dans les synagogues ; ils aiment à être salués dans les places publiques, (…)   (…) Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites ! parce que vous ressemblez à des sépulcres blanchis, qui paraissent beaux au dehors, et qui, au dedans, sont pleins d'ossements de morts et de toute espèce d'impuretés. (…) vous paraissez justes aux hommes, mais, au dedans, vous êtes pleins d'hypocrisie et d'iniquité. (…) Serpents, race de vipères ! (…)



* Sa vie, son œuvre, ses propos, démontrent à l'évidence qu'il n'a jamais désiré quoi que ce soit qui ressemble à la religion chrétienne telle qu'on la connaît. Prétendre le contraire relèverait de l'hypocrisie qu'il dénonçait lui-même.

* Dans l'épisode passionnant appelé « de la Samaritaine », il précise que le lieu de la rencontre, n'est pas un temple une église ou un quelconque bâtiment sacré, mais qu'on le retrouve « en esprit et en vérité », c'est-à-dire au fond de soi-même, Là où est le Royaume. J’ai développé tout cela dans plusieurs billets. Notamment les  - 79 -  ; - 80 - ; - 81 - ;  - 82 - 

Autrement dit, il s'agit d'une aventure intérieure. Elle est à la fois très personnelle, est en même temps communautaire. Pour cela Jésus a rassemblé autour de lui des hommes et des femmes que l'on appelle « disciples et/ou apôtres ». parce que, historiquement, c'est lui qui est l'origine et qui enseigne en premier, quelque chose qui inaugure une nouveauté, que l'on ne peut découvrir que « de l'intérieur ». Le mot enseignement peut être piégé dans la mesure où il s’agirait d'apprendre des leçons comme à l'école. L'enseignement consiste à susciter l'intériorité de l'autre, à favoriser une sorte d'éveil par le dedans.

C'est ce qui s'est passé dans les premiers temps. Des communautés ont partagé et entretenu la mémoire de cet homme après son départ.
Il en est souvent ainsi dans nos existences. Pour ma part, j'ai eu le sentiment de commencer à connaître mon père « par le dedans » bien des années après son décès ; par des échanges avec ceux qui l'ont connu, par ses traces écrites, par mes souvenirs revisités, j'ai découvert la puissance et l'intensité de son amour. Rien de véritablement très extraordinaire, mais tout cela je ne l'avais pas vu.

Et puis… l'homme étant ce qu'il est, avec son goût du pouvoir, d'être le chef, on a commencé à se quereller, se diviser. Totalement l'inverse de ce que Jésus attendait : être serviteur. Ils ont oublié l'engueulade et le savon qu'il leur avait passé quand trois ou quatre  d'entre eux avaient demandé lequel était le meilleur, le plus grand… Alors on embraya sur  les querelles intestines entre Paul, Barnabé, et d'autres… Et puis un jour, cerise sur le gâteau, un Empereur romain (Constantin)  s'est converti et on a installé une religion d'État !… Qui demeure encore dans bien des pays sur la planète… Bref ! C'était le début du commencement de la fin… on voit où on en est aujourd’hui avec un État pontifical : le Vatican, ses grenouillages, ses réseaux souterrains, sa diplomatie secrète, son silence sous Hitler, ses compromissions avec la mafia, le sandale de la Banque du Vatican, ses prélats millionnaires qui sont censés vivre « dans la pauvreté », etc. etc. 
OK, il y a aussi tout un staff d’organismes caritatifs et de bienfaisance, qui sont toujours prêts à aider du moment que l'on accepte les « bonnes paroles » et quelques pratiques religieuses. (telle la prière, par exemple). Chaque bon(ne) chrétien(ne) a « ses pauvres » à s'occuper, dans un paternalisme religieux bien compris. Il paraît que c'est une bonne manière de « gagner son ciel ».

Et il y a aussi des « hommes et femmes de bonne volonté » qui ont l’espoir d’un changement et oeuvrent à celui-ci en interne. Force est cependant de constater que depuis des décennies, ces tentatives de renouvellement par l’interne n’obtiennent que de piètres résultats. J'admire ces persévérants qui ne désespèrent pas de réussir à percer le mur épais et haut de la « Tradition » avec la pointe d'une épingle à nourrice…



À suivre… items à venir :
3. — Qu'est-ce que Jésus voulait ?
4. —  Pourquoi le message de Jésus est-il entravé par une religion ?
5. — Pourquoi tant de personnes semblent avoir besoin d'une religion ? 


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8 commentaires:

  1. "Et il y a aussi des « hommes et femmes de bonne volonté » qui ont l’espoir d’un changement et oeuvrent à celui-ci en interne."
    oui il y a des gens comme ça, j'en connais
    Evidemment ils ne sont pas légion... mais il faut bien commencer ...

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    1. heu.... C'est commencé depuis des siècles… et tous ceux qui ont « voulu changer quelque chose » se sont faits virer ! C'est ce que j'explique dans ce texte… d'où ma dernière phrase…
      C'était pas il y a trois siècles… c'était dans les 30/40 dernières années…
      je crois que les énormes formes de passivité et de résistance sont bien trop puissantes…
      c'est pour ça que j'ai quitté toute religion. Par fidélité à Jésus.

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  2. Je pourrais résumer ma position sur le fait religieux par cette belle phrase de Kamel Daoud, écrivain algérien:
    "" La religion est un transport collectif. Moi, je préfère aller vers Dieu seul et à pied"

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    1. La citation est intéressante… et en dit long…
      je ne suis pas non plus un chaud partisan des transports collectifs et voyages organisés…
      mais « y aller seul ». Je pense qu'il manque quand même quelque chose…

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  3. Charlotte06 mars, 2017

    Jésus n'a pas créé une religion, je suis d'accord avec toi. Il nous a transmis un message, un enseignement dont le plus important est de nous aimer les uns les autres. Qu'il soit ou non le fils de Dieu n'a pour moi pas d'importance c'est "l'homme " qui me touche; Et si lui est fils de Dieu je peux bien être moi aussi un enfant de Dieu.Je crois de plus en plus qu'il est en moi puis que je lui parle parfois tout bas comme je peux le faire avec certains que je porte en moi, que j'ai aimés et qui m'ont guidés et aimés mais qui ne sont
    plus là.

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    1. « C'est l'homme qui me touche » dis-tu en parlant de Jésus.
      Il me semble que c'est un bon chemin : se laisser toucher...
      Quand je lis ce qu'il est rapporté de lui, c'est ce que j'essaye de faire.
      Et dès lors, c'est toujours différent, renouvelée, approfondi…
      c'est une affaire de relation : de lui à moi, et de moi à lui.
      C'est en cela que c'est intéressant, d'autant que se gars et déroutant à plus d'un titre !

      Ensuite : fils de Dieu ou Dieu le fils… cela suppose une adhésion un postulat de base d'un Dieu qui a tout créé de toute éternité. Et en ce sens, si on adopte ce point de vue, chaque humain est fils de Dieu, en tant que principe créateur.
      Ce débat là m'intéresse de moins en moins…

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  4. Cela me fait penser à l'un de mes petit-fils. Il a demandé à faire sa première communion cette année, il va d'ailleurs la faire fin mai, en Bretagne. Ses parents ont accepté sa décision, mais ils commencent à le regretter. En fait, on leur demande d'aller à la messe un dimanche par mois en famille, ce qu'ils ont fait jusqu'à présent, pour accompagner leur fiston dans cette préparation. Mais dernièrement, mon fils ayant eu un problème de santé, ma belle-fille l'a emmené aux urgences un dimanche matin, emmenant avec elle les deux petits qu'elle ne pouvait pas laisser tous seuls. Cela tombait un dimanche où ils auraient dû aller à la messe en famille, mais vu les circonstances, ils n'ont bien sûr pas pu y aller. Cela n'a pas empêché les personnes qui s'occupent de la préparation de la communion de faire de grosses remontrances à ma belle-fille et d'être carrément désagréables avec elle. Elle en a été estomaquée, alors que jusqu'à présent ils avaient toujours été présents, et ils se demandent, dans ces conditions, s'ils vont aller plus loin après la communion, vu le manque de tolérance et de compréhension de la part de ces personnes. Cela va à l'encontre de ce qu'ils ressentent et de leur démarche. Ton texte m'a fait penser à cela, Alain.

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    1. Bel exemple, s'il en est, de ces personnes psycho-religioso-rigides, qui mettent en avant des pratiques cultuelles, plutôt que de vivre de "l'esprit" proposé par Jésus.
      Rien ne change fondamentalement en ce domaine : il faut « respecter les obligations du culte », définies par la hiérarchie catholique. C'est bien plus important que d'aimer son voisin, ou son petit camarade de classe…
      L'important, pour les parents, c'est l'intérêt qu'ils portent à ton petit fils, au-delà de ces bêtises des catéchistes, en revenant à ce qu'il peut exprimer du pourquoi de sa demande. Ce qu'elle lui permet de mieux vivre pour lui-même et pour les autres.
      Ce qu'il a de positif « dans son cœur » est bien plus important que le respect de pratiques externes. Même si celles-ci peuvent apparaître comme valable, à condition que toutes ces choses-là ne soient pas animées par des personnes qui ont une foi purement sociologique et culturelle, sans expérience spirituelle personnelle.
      Quand Jésus proposait de laisser venir à lui les enfants, ce n'était pas pour leur donner des leçons de morale ou de pratiques des cultes, mais parce qu'il voyait la beauté de leur cœur d'enfant… et, en conséquence, leur proximité avec « le divin ».

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