Seuls existent les commencements,
les aurores nouvelles,
qui nous tirent de nos nuits.
Être toujours voyageur de l'Aube.

mercredi 15 novembre 2023

127 — Réconciliations


« Va d'abord te réconcilier avec ton frère » (Évangile de Matthieu 5,24)

Cette phrase se situe dans un long discours de Jésus à la foule  « sur la montagne ». Ça commence par le passage dit des béatitudes (heureux celui …). Heureux les pauvres en esprit, les affligés, les débonnaires, ceux qui ont soif de justice, miséricordieux, les cœurs purs qui procurent la paix, les persécutés pour la justice,… quelle histoire !

 Et puis nous sommes qualifiés de sel de la terre et de lumière du monde, c'est pas n'importe quoi non plus.


Plus loin, il rappelle les paroles des anciens « Tu ne tueras point sinon tu seras jugé ». Et c'est là que Jésus va plus loin : «quiconque se met en colère contre son frère mérite d'être puni par les juges ». Alors, avant de faire tes rituels religieux (aller à la messe dirait-on au pratiquant d'aujourd'hui), si ton frère a quelque chose contre toi, va d'abord te réconcilier avec lui.
Et c'est valable dans les deux sens a-t-il mentionné précédemment « celui qui traite son frère avec mépris doit tout autant être puni par le juge ».

Tout ça semble quand même rude et pas évident. Jésus donne l'impression de nous enguirlander. En tout cas il a une fermeté claire et nette. Si on extrait cette injonction d'aller se réconcilier avec son frère de l'ensemble du fameux « discours sur la montagne » on passe à côté d'un essentiel concernant ce à quoi conduit l'enseignement, à savoir les conditions du « heureux ».
La réconciliation est une condition du bonheur.

En regardant ma vie qui avance vers sa fin, force est de le constater. Tout ce que j'ai pu vivre en état de conflit, soit avec moi-même, soit avec les autres, ne m'a rien apporté de vraiment bon ni de 
vraiment positif, si ce n'est ce plaisir provisoire,  amer et frelaté, de la jouissance éphémère du vainqueur. Mais vainqueur de quoi ? : finalement vainqueur de rien du tout… c'est alors que l'amertume se transforme en dégoût profond de soi-même, et, hélas aussi, du dégoût des autres.

En revanche chaque fois que j'ai fait l'effort et le chemin que je pouvais vers l'objectif d'une réconciliation, lorsque celle-ci s'est produite, j'ai ressenti une paix intérieure qui flirtait avec un bonheur véritable. Et un rejaillissement positif sur mes autres relations.

Lorsque je regarde l'état de la planète à quelque niveau que ce soit m'envahit une désolation navrante de constater une forme de triomphe de l'injustice, par domination à n'importe quel prix y comprit les guerres, les crimes, génocides et autre horreurs qui abîment l'humanité entière.
Cela peut s'appliquer aux conflits entre nations, mais aussi largement à tous conflits interpersonnels, en couple, en famille, entre amis et soi-disant partenaires d'une aventure merveilleuse et positive au départ.
Les risques de la division sont constants et présents toujours et partout.

Raison de plus pour une vigilance accrue sur mes comportements.
Ce qui, je l'avoue, n'est pas évident et nécessite une descente en soi vers la zone de paix qui m'est présente avec sa permanence dans le lieu du Rouanme. 

C'est toujours moi seul qui m'éloigne de ce lieu.

mercredi 9 août 2023

126 — la Permanence d'être (tentative)


(Ce texte n'est qu'une ébauche)


Cela fera bientôt six mois que je n'ai pas écrit ici. Ce « lieu important » ne me quitte pas cependant.

Le Voyageur traverse des zones de turbulences. C'est loin d'être la première fois évidemment. Mais les années passent, et mon rafiot n'a plus la splendeur des grands voiliers, si tant est qu'il l'eut un jour.

En même temps quand la barque se fait plus vulnérable on y prête une plus particulière attention. C'est une manière indispensable d'en prendre soin.


Il y a peu je repensais au titre de ce blog, me rappelant les débuts en 2012 où je cherchais un titre qui dirait la quête et le voyage et puis « le Voyageur de l'Aube » s'était tout à coup imposé comme une évidence, une flagrance que « c'était ça ».

C'est toujours vrai et encore plus. C'est ce que je suis depuis si longtemps. Un voyageur, un peu chercheur, un peu explorateur, sans cesse en quête de la Lumière, en particulier celle de l'Aube, c'est-à-dire l'origine qui nous fait sortir de la nuit.

J'ai longtemps vécu dans des ténèbres, sans même parfois réaliser que j'y étais,. Alors on est capable de faire d'une vague lumière lointaine un soleil éclatant. Mieux vaut cela que le noir complet du désespoir épais d'une mort annoncée.

Voilà pour cet aspect métaphorique d'une forme de voyage au long cours, souvent solitaire sur la barque, mais toujours en lien, en présence, en relation avec d'autres voyageurs, comme il en est dans une course au large, mais celle-là est  sans véritable compétition.


Une autre image m'habite, elle permet d'évoquer le voyage intérieur dans son aspect introspectif et qui nécessite de se poser, s'arrêter, ne pas fuir.

Image du voyageur méditatif sur la colline qui domine quelque peu l'immensité qui s'offre à lui. Il la regarde, la contemple en quelque sorte et puis se laisse descendre jusqu'à ce que cette immensité soit perçue au fond de son être comme un territoire à la fois inconnu et familier. Et là il retrouve la même quête de l'Aube, avec ce sentiment qu'elle est sans cesse à apparaître, à revenir, mais non de manières répétitives comme le serait l'enfermement en soi ou sur soi, ce qu'on appelle généralement « tourner en rond ». Attitude mortifère dont j'espère être définitivement débarrassé.

 Une aube qui serait éternellement l'Aube ardente, et je fais ici allusion au Buisson ardent de la Bible. Ce serait ma manière de ressentir la perpétuelle nouveauté de la vie vibrante et de son éternelle présence de l'aube à l'aube. Ce serait un peu ça la vie éternelle qui habite le plus profond de soi et j'ose croire des autres qui vont « jusque-là ». Celle qui me fait radoter avec cette expression « les relations sont éternelles ».


On parle souvent de l'impermanence comme si rien ne durerait tout ne faisant que cesser et cesser encore. Comme une sorte de loi de fatalité. Il paraît « qu'en vieillissant on prend conscience de l'impermanence des choses », j'ai lu ça quelque part. Sûrement je ne dois pas être encore assez vieux ! 

Il paraît, d'après Bouddha, que la cause de nos souffrances serait notre attachement à ce qui ne dure pas.… Peut-être… quoi qu'il en soit il est vrai que mon bonheur provient de mon attachement à ce qui dure, car mon expérience de septuagénaire, m'a fait expérimenter « le durable bénéfique » au-delà de tout. Ce durable des profondeurs dont les aspects ne font qu'évoluer et se transformer au long de la vie, nécessitant évidemment de nous y adapter, et quand on a appris cette adaptation devient une source de joie et de créativité inépuisable. Et surtout on découvre qu'au fond de soi on est habité par une foule incroyable d'êtres humains d'hier et d'aujourd'hui. Comme s'ils constituaient nos assises communautaires, un dépôt de l'aventure commencée il y a des millions d'années. Nous voilà à des années-lumière de l'individualisme à la mode. Mode qui produit les dégâts que nous voyons tous les jours.


J'ai surtout l'impression d'être dans une transformation permanente, avec au fond de moi une forme de roc stable de bienfaisance offerte et venant d'au-delà de moi. Non pas insubmersible, mais qui demeure comme une fidélité des fidélités. Quelque chose qui m'appartient pas mais qu'on a déposé et à moi, qui n'est pas statique, fixiste, mais habité d'une vie qui désire se déployer sous des formes neuves. D'en faire ce que je sens être le mieux pour ma vie et par ricochets successifs forcément celle des autres en particulier celles et ceux qui m'habitent et par prolongements me relient à l'humanité entière.


J'ai toujours ce sentiment qu'on a certainement de la peine à comprendre mes propos et plutôt à les considérer comme un baratin creux. Mais qu'importe. Je ne viens pas écrire ici pour convaincre quiconque et même pas forcément pour me faire comprendre, même si bien entendu je le souhaite.


Heureusement il me semble connaître des gens qui confluent avec ce que je tente d'exposer.


(À suivre… peut-être… s'il y a des réactions…)




mercredi 15 février 2023

125 — la Parole du Silence.

J'ai hésité sur l'endroit où publier ce texte. Ne sachant pas me déterminer, j'ai pris l'option de le publier sur mes deux blogs.

*


Évidemment ce titre peut sembler paradoxal, et de plus l'auteur met des majuscules à deux mots. Voyez la prétention ! 

L'expression m'est venue au cours de la nuit, tandis que je guettais l'aube dans mes obscurités. Évidemment je cherchais à faire taire le moulin à bavardages intérieurs ,qui dans ma tête, profite de ces moments-là pour déchaîner les tempêtes d'inquiétudes de toutes sortes, les chimères imbéciles qui prennent un malin plaisir à descendre jusqu'au ventre.

Le retour à la respiration consciente est un antidote qui fonctionne pas trop mal. Alors, « la tempête apaisée » (c'est évangélique) procure son bienfait, parce qu'elle est toujours suivie d'un silence paisible, avec le murmure du clapot rassurant contre la barque de ma vie qui, progressant sous le vent redevenu favorable, regagne son port d'attache.

Alors vient s'installer le Silence, comme une nourriture, une bienfaisance nocturne qui détend le corps, le console et l'apaise.


« Je t'attirerai au désert et je parlerai à ton cœur » (c'est biblique).

. Qu'est-ce donc qui attire ?

. Quel désert ?

. Qu'est-ce donc qui parle ? Ou qui ?


Le Désert n'est pas un lieu aride empli de pièges destinés à nous faire mourir de soif. Les nomades qui vivent dans les déserts savent bien ce qu'il en est. C'est un lieu d'attention, de recueillement, de respect de la nature qui entoure, de sobriété et de lenteur efficace, de perception de la « vie secrète » et à tout le moins cachée aux yeux de ceux qui passent sans voir. On ne fait pas du tourisme désert, on y a demeure intérieure permanente.


— Ce qui attire… attire… Pourquoi une personne amoureuse est attirée, et même parfois irrésistiblement ? Peut-être parce que l'on sait que l'autre est l'oasis ? Sa luxuriance inattendue.


Alors s'en vient la Parole du silence, imperceptiblement, comme une douce chaleur enveloppante, une félicité espérée. La caresse délicieuse d'une parole sans mot, un propos qui se ressent au plus intime des profondeurs de l'être. Une expérience rare ? Je ne sais. Simplement pour ce qui me concerne je la connais.


Ce serait perdre son temps que de spéculer pour tenter de répondre à la question « mais c'est qui donc qui émet du silence signifiant ? ». Là encore il faut demander au moulin à baratin de fermer sa bouche. Un peu comme devant le paysage splendide on dit « chut ! » aux bavards qui empêchent d'écouter le murmure mélodieux de la vie profonde qui pénètre jusqu'au cœur.

On risque de rater un essentiel qui ne repassera pas par-là de la même manière. 


Et cependant, je m'éloigne si souvent. Comme si ce qui comble était encore insatisfaisant. Comme si le « plus-que-soi-en-soi » pourrait finir par se transformer en tyrannie de l'exploit.