Seuls existent les commencements,
les aurores nouvelles,
qui nous tirent de nos nuits.
Être toujours voyageur de l'Aube.

samedi 8 août 2020

115 -- Mes loyautés.

 Entre ce que je crois être et qui je suis vraiment, il peut y avoir une feuille de papier à cigarette ou un gouffre profond.


Déjà il est difficile d'être au clair autant sur l'un que sur l'autre.

Ce que je crois être relève d'une structure de pensée inculquée depuis l'enfance, forgée par soi-même ou sous diverses influences et donc ballotée par toutes sortes d'opinions ambiantes auxquelles on adhère ou qu'on rejette et/ou combat. Trop souvent on n'a même pas pris la peine d'aller vérifier au fond de soi-même ce qu'il en est « pour de vrai » : suis-je celui que je crois être ?



Qui je suis vraiment ? : Est-ce que l'on parvient un jour à une réponse satisfaisante ? Surtout à cause du terme : vraiment ! À l'évidence « ce jour » ne viendra pas. Nous ne pouvons que marcher sur le chemin de notre être, pas à pas, de découverte en découverte. Ainsi en est-il pour chacun du voyage de sa vie. Ce n'est pas pour rien que l'on parle de « chemin initiatique ».

Alors pour certains, devant un tel travail d'ampleur mieux vaut éviter la question, dire que de toute façon elle ne sert à rien, (Vivons que Diable!) ou botter en touche en gloussant d'une manière tiédasse et  sirupeuse :  je suis un peu de tout cela !… Sous-entendu : il faudra bien vivre éternellement dans ce bordel intérieur !


Pour ma part : vivre sans me poser de questions sur moi-même et le sens de la vie =  Ne pas vivre.

Telle est mon équation simple.


Il y a un seul préalable : apprendre à se poser les bonnes questions, ce que j'ai appris au fil des années. J'en ajouterai un deuxième : avoir le bon regard, c'est-à-dire juste et loyal sur le réel des faits vécus, des ressentis correspondants, et analyser avec pertinence  les éléments de son histoire et de ses choix.


Je résume ainsi : quelles furent mes loyautés dans les actes et décisions qui ont eu de l'importance sur l'orientation de ma vie. À quoi, à qui, ai-je été fidèle. En observant mes fidélités effectives, je m'approche plus réalistement de qui je suis vraiment.


Je ne vais pas reprendre ici le déroulé de mon histoire. Je l'ai fait par ailleurs.

Je ne vais pas non plus me livrer à un quelconque panégyrique, car mes loyautés factuelles me permettent simplement de mettre en évidence les réalités objectives de mon être profond, c'est-à-dire les dynamismes vitaux qui ne cessent d'animer ma vie, à la condition expresse que j'y accorde :  foi qu'ils existent, conscience de l'immensité de leur puissance, volonté de les cultiver, fidélité à eux dans les épreuves, etc.

Et peut-être surtout de reconnaître que tout cela je l'ai reçu « d'ailleurs ».



Il me semblerait préférable que cette dynamique animât le clergé réifié de la religion catholique, dans ce qu'ils appellent  « l'examen de conscience » c'est-à-dire procéder à  l'examen de toutes les richesses humaines et relationnelles données par  leur Créateur dès l'origine pour que l'homme en face bon usage, c'est-à-dire usage positif pour soi-même et peut-être plus encore pour autrui. C'est-à-dire tout bêtement : aimer soi et l'autre. (ce que Jésus semble avoir vivement conseillé…).

Or on préfère valoriser ce qui suit : il ne s'agit pas de réaliser son « potentiel divin », mais de s'accuser sans cesse d'être le pire de tous, qui ne vaut rien.  « L'examen de conscience » consiste à faire étalage de culpabilités mortifères, de reconnaître ses torts dans tous les domaines, ( « c'est ma faute, c'est ma faute, c'est ma très grande faute ») d'en demander pardon à genoux et prosterné et de recevoir une punition sévère par le clergé, (qui a l'outrecuidance de se prendre pour Dieu lui-même) pour avoir ainsi agi diaboliquement dans la plupart des actes de sa vie répertoriés dans les catéchismes et manuels de confession.

Bref une vraie connerie !

(cela dit entre nous, si Dieu a créé l'homme à l'image d'une vraie crapule… c'est vraiment pas une réussite ! Va falloir qu'il s'explique sérieusement…) 


Réjouisson-nous cependant, les confessionnaux sont devenus déserts. Ouf !


 Le véritable examen de sa conscience profonde aboutit exactement à l'inverse : une gratitude pour les richesses reçues et la capacité de choisir de les mettre en œuvre librement pour une plus grande réussite de l'humanité… réussite qui était si chère au cœur de Jésus.  Ce type a donné sa vie pour ça !

Cela devrait donc se terminer non pas par un « acte de contrition » mais au contraire par un « acte de louange et de réjouissance ».

On devrait plutôt chanter  dans le confessionnal ce cantique de mon enfance « le seigneur a fait pour moi  des merveilles ».

La loyauté envers soi-même comportant bien entendu la capacité de reconnaître ses manques et ses errements, ses éventuels actes qui portent atteinte à sa propre personne humaine, à la dignité et au respect d'autrui.


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Il paraîtrait que ça ne se passe plus comme ça dans les églises ! Il est exact que je n'y vais plus. J'ai cependant eu un écho récent que des jeunes curés sortis frais et endoctrinés des séminaires, redevenus adeptes de la soutane, pratiquent à nouveau les confessions punitives comme au bon vieux temps. Au secours ! Le néo catholicisme est en marche… 

Je renouvelle mon admiration à celles et ceux qui demeurent dans cette boutique en croyant qu'elle pourrait changer… c'est une admiration sincère que j'appelle l'espérance folle ! J'en suis totalement incapable. Et j'ai peut-être tort.


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"Frères humains qui après nous vivez,

N’ayez les cœurs contre nous endurcis,

Car, si pitié de nous pauvres avez,

Dieu en aura plus tôt de vous merci,

(...)

Prince Jésus, qui sur tous a maîtrie,

Gardez qu’Enfer n’aie de nous seigneurie.

A lui n’avons que faire ni que soudre*.

Hommes, ici n’aient point de moquerie ;

Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre !"


François Villon, la balade des pendus (extraits)


(*) : Soudre : Résoudre une difficulté



10 commentaires:

  1. En lisant ce que tu écris, une parole de François d'Assise me revient à l'esprit : "La seule chose que j'ai en propre est mon péché et on veut me le voler !" Le péché est, selon moi, un blocage sur soi... une impossibilité de s'ouvrir à l'Autre et aux autres. Reconnaître un blocage concrètement, c'est déjà en être délivré... car la plupart du temps on est bloqué... sans savoir pourquoi. Ne pas vouloir se faire "voler son péché" c'est désirer que ce blocage devienne la faille qui appelle un surcroît de vie donnée gratuitement...

    Les catholiques que je fréquente ne pratiquent plus du tout la confession telle que tu l'as connue. Mais le mouvement actuel de l’Église va nettement dans le sens d'un retour à l'ancien, en particulier en ce qui concerne la place du prêtre dans ce sacrement. Dans cette confession dont tu parles, j'ai vraiment peine à reconnaître l’Évangile dans lequel je ne vois aucune demande d'avouer sa faute pour en être libéré. Pour Jésus, la libération précède toujours et emporte tout sur son passage (Cf. le fils prodigue invité à festoyer). Par rapport à la confession privée, j'ai toujours l'impression qu'on serait comme devant un médecin qui demanderait à son patient : "Dis-moi ta maladie et je t'en guérirai." Il y a mal donne, selon-moi, assurément.

    Mais ce sacrement (sous forme de confession privée) ne date que du 12ème siècle... M'est avis qu'on peut très bien s'en passer!

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    1. Il n'est pas certain que ma compréhension des propos de François d'Assise soit complète ! Cependant je suis d'accord avec le « blocage sur soi ». La contemplation répétitive de ses péchés génère un égocentrisme évident. Et même un fonctionnement pervers qui tourne en boucle :
      Je fais des péchés --> mais pas grave je me fais pardonner à confesse --> je fais des péchés --> mais pas grave je me fais pardonner à confesse --> Etc etc....

      Il est donc indispensable de faire l'expérience de ce que tu appelles justement « un surcroît de vie donnée gratuitement », mais la question demeure : qui, comment, nous fera faire cette expérience de la vie donnée ? Afin que nous prenions conscience que nous recevons aussi cette vie ? Certainement pas le manuel de confession !
      Il me semble plutôt qu'il faut la rencontre et la fréquentation d'êtres qui ont cette expérience-là, savent en rendre compte et susciter par leur pédagogie l'accès à notre propre « surcroît de vie ».
      Personnellement je n'ai jamais rencontré au sein de la catholicité officielle et cléricale cette sorte de possibilité, que cependant on trouve nettement dans l'Évangile de Jésus.

      Aussi je suis quand même assez, et même beaucoup ! content de constater que de tout cela « on peut très bien s'en passer ».
      De tels propos tenus par toi et ce que je connais de tes engagements ne peut que me réjouir.
      Merci pour ce commentaire pertinent. Tes passages « par ici » sont toujours attendus, notamment par moi, évidemment !

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  2. Je serais totalement incapable de parler de religion, de catholicisme, de clergé, ayant quitté le navire depuis fort longtemps. Je ne commenterai donc que sur tes premiers paragraphes et je te livre quelques réflexions : La question de "se connaître", "savoir qui l'on est vraiment", je me la suis longtemps posée, mais avec les années j'ai fini par me demander si elle a un réel fondement. Revêt-elle une réelle signification, puisque nous n'avons pas d'identité statique ? Selon moi : il n'y a pas de personnalité, pas de moi stable. (je ne dis pas que nous sommes des méduses, des organismes gélatineux sans cesse emportés par divers courants). Je dis que le noyau dur de notre identité n'existe pas. Nous vivons dans un monde en perpétuelle mouvance (de la météo aux saisons, des contextes familiaux aux phénomènes géo-politiques... ) et nous en sommes dépendants. Nous sommes également en interraction avec des gens, des lieux, des atmosphères qui changent incessamment. Ainsi, nous sommes toujours en mouvement et il en va de même pour notre corps (il me semble avoir lu que nos cellules se renouvellent entièrement au cours de cycles de 7 ans). De ce fait, nous sommes sans arrêt en train de nous adapter. A partir de là, il me semble que le plus important n'est pas tant de savoir "qui" nous sommes "vraiment" que d'être ouverts et présents à ce qui nous arrive et d'y répondre au mieux. Tenter de cerner notre identité équivaut à figer le cours d'un fleuve. C'est notre degré d'ouverture et d'attention au monde qui nous entoure qui est important ( notre état de conscience, notre capacité à réagir de la manière qui nous paraît la plus adéquate d'instant en instant). "Qui" nous sommes, dans le fond, ne concerne qu'une suite de conditions dans lesquelles nous baignons et continuerons de baigner. La loyauté, ou les loyautés, pour moi, tiennent dans cette présence au monde, et à toutes les réponses qui nous semblent les plus justes, les plus honnêtes, les plus adéquates, dans l'instant. Dans ce processus, notre corps et notre esprit sont intimement liés. Notre corps est notre meilleur allié, car "je suis" implique qqch de figé, tandis que "je sens" s'adapte beaucoup mieux à toutes les réalités que nous devons affronter.
    Il n'en demeure pas moins que nous avons besoin de certitudes sur lesquelles nous appuyer. On pourrait les appeler "nos valeurs". Elles sont nécessaires, bien sûr, mais elles aussi sont susceptibles d'évoluer (et heureusement, sinon nous pourrions devenir des êtres terriblement sectaires...)

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    1. Merci pour ce long commentaire intéressant. J'apprécie toujours quand on exprime la manière personnellement dont on considère les choses. Partir de l'expérientiel me semble plus profitable que théoriser.
      Réagir à ton commentaire n'est pas simple, dans la mesure où tu ouvres de nombreuses pistes dont chacune pourrait être développée et sujette à échanges. Alors je vais me contenter de « petites touches » dans le paysage…

      La question de « qui suis-je ? » n'est pas posée pour aboutir à une identité statique, fixe et mise en équation, stable comportant un noyau dur. Mon texte n'est pas là pour induire un tel aboutissement. Et je ne crois pas le suggérer.
      En revanche, la personnalité n'est pas non plus un indéfinissable ballotté dans un monde en mouvance, de dépendances à celui-ci, noyé dans l'océan des influences diverses, m'obligeant à faire le caméléon en fonction des personnes des lieux des circonstances etc.
      Lorsque je « descends au fond de moi-même », au cœur de mon être profond, j'accède cependant un lieu stable et non pas statique, avec bien entendu les vibrations du vivant, de toute nature, mais cependant apaisé (préservé) « par essence » (par ontologie) des éruptions volcaniques ou des glaciations de la sensibilité instable. Un lieu de paix indépendant des circonstances, des personnes, des épreuves, des souffrances, et des tyrannies du psychisme.
      Je dis cela et même je l'affirme uniquement par expérience personnelle vérifiée depuis de longues années.
      On peut bien entendu contester mon vécu et mes ressentis et estimer que je relève de l'hôpital psychiatrique.

      Ce n'est pas un lieu du style bunker ou refuge de survie contre un monde hostile ! Tout au contraire. Et c'est là son avantage. C'est un lieu entièrement ouvert sur les autres, la vie, les circonstances. Etc. un lieu où l'on abandonne ses protections contre les autres, le monde et ses agressions, puisque c'est un lieu « sans danger ». C'est un lieu excessivement corporé, ressenti physiquement, avec intensité de plénitude réaliste puisqu'en présence de toutes les autres composantes de la personnalité, ce qui va et ce qui ne va pas.
      C'est ce que j'appellerai mon « soi-autonome ». C'est le lieu où je me rends quand il est question de décider de ma vie de ce que je souhaite « en faire ». (Orientation de vie ou choix d'invitation d'amis à une soirée, etc.)
      C'est là que je peux distinguer et délibérer librement ce que tu dis concernant les réponses à donner dans les circonstances considérées. Celles « qui nous semblent les plus justes les plus honnêtes les plus adéquates dans l'instant ».
      Mais comment peux-tu apprécier la justesse l'honnêteté, l'adéquation, si tu n'as pas une référence intérieure claire et constitutive de toi, qui soit autre chose qu'un système de valeurs reçues par éducation, par une morale externe ou choisie par volonté ?

      Si le système de valeurs adopté est possible, il vaut et perdure s' il s'enracine, en tant que système personnel, dans l'être profond qui est en quelque sorte « la boussole » à laquelle on peut se référer, à condition de l'avoir emportée avec soi en son être.

      Pardon d'être sans doute confus, largement incomplet, mais je me limite à de modestes considérations. Il y a bien d'autres de tes propos, fort intéressants, que je pourrais commenter, mais dans cette zone je ne peux en écrire des pages et des pages… d'ailleurs blogspot limite le nombre de caractères possibles.
      et pourtant il y aurait matière !
      Et donc je renouvelle mes remerciements pour la qualité de ton commentaire.
      Bonne journée à toi chère Dad.

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  3. Ma première loyauté va l'Amour infini que je ressens vibrer en moi et dont je ressens que je suis issue. Cette force indescriptible qui maintient l'univers tout entier en mouvement me maintient moi aussi, petite poussière dans l'infini. Ma deuxième loyauté va à mes frères et soeurs humains. Nous sommes tous de meme origine et ce que Jésus ou n'importe quel saint ou grand maitre a accompli, est dans nos capacités d'accomplir nous aussi. Évidemment, chacun a sa propre couleur au plus profond de l'essence. Le moment n'est peut etre pas si loin ou le personnage fabriqué va retourner au néant d'où il vient. Enfin, il me semble, mais c'est difficile, il y a une barrière à traverser, comme dans la recherche du Graal. kéa

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    1. Merci beaucoup, Kéa, pour la profondeur de ton commentaire et l'ouverture sur cet au-delà de nous-mêmes qui rassemble.

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  4. Les premiers paragraphes de ton billet sont venus résonner/raisonner assez fortement chez moi.
    Il fut en effet un temps où j'avais l'impression de me connaître. Et puis ces dernières années, il y a eu des chamboulements considérables... La seule chose que je connaisse de moi, c'est ma foi et ma quête de l'amour universel de tout être vivant. Le reste je crois que c'est justement un jeu d'équilibriste entre le fait de me décaler pour mieux me réaligner, constater les faits au-delà de mon émotivité et de ma sensibilité. Je me sens toujours et à jamais sur ce chemin "je me connais" et "oh mais je ne savais pas ça de moi !" et "Ah ouais, t'es capable de ça ?!"

    Merci pour ce billet !
    :-)

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    1. Merci !
      J'aime beaucoup ton commentaire. Il me rejoint tout à fait.
      La question de « se connaître » est bien souvent perçue comme une sorte d'exercice d'un moment donné. Comme si on allait un jour arriver à faire un selfie de soi-même définitivement. Voilà ma photo : c'est ça qui je suis !
      Alors que la connaissance de soi est une aventure de toute une vie. Comme s'il devait arriver un jour où l'on puisse dire « voilà ! Maintenant je me connais ! ».
      Il n'empêche au-delà des impressions du moment il y a au fond une permanence d'identité qui évidemment va prendre de multiples formes au long de l'existence. « L'amour de tout être vivant » fait partie de cela. Et plus tu le vis, plus tu découvres le « je ne savais pas ça de moi » parce que notre identité est une émergence permanente qui n'arrive que peu à peu à notre conscience claire. Il y a des potentialités insoupçonnées de nous-mêmes. Il n'en demeure pas moins qu'elles sont là en germe, comme la graine dans le sol qui a un moment donné trouve les conditions favorables pour devenir un grand arbre !
      C'est ça la vie !

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