Parenthèse : lorsque j'étais enfant moi-même je croyais que « prodigue » c'était une maladie… Un enfant malade… Ce n'était pas tout à fait faux finalement, il y a du névrotique dans son attitude d'avoir réclamé sa part pour partir très loin tout dépenser et vivre dans la "débauche". (Ce qui veut plutôt dire : vie suicidaire que courir les nanas…)
Lorsqu'il revient, par calcul, par intérêt, parce qu'il est devenu miséreux et qu'il pense que son père pourrait l'embaucher afin qu'au moins il ne crève plus de faim, il est accueilli à bras ouverts et on fait la fête. Le vrai. La grande. La grosse teuf quoi ! (Sauf le fils aîné, qui fait la gueule… Mais c'est une autre histoire…).
Je suis (j'étais ?) ce genre de fils. En pire peut-être, car je suis du genre à avoir fait des allers-retours, revenant à « la maison de mon père » pour repartir encore, plus loin, plus en errance, puis revenant, ou tentant de revenir.
Un peu comme s'il n'y avait pas de chez moi en Dieu. Une image de mon enfance où je ne me sentais pas chez moi à la maison. Pas vraiment d'endroit où être bien durablement. Juste des moments, mais sans cesse dans la crainte du surgissement des intrus, des intrusions surprises et donc au final je n'étais jamais en paix mais constamment sur le qui-vive.
Cette imprégnation demeure dans mon intimité au « divin-quelqu'un ». Je reste dans cette oscillation qui me tend et m'épuise. Ma foi n'est pas intime au sens d'une permanence. Elle est par épisode, par éclipse.
Et si… S'il ne m'aimait pas vraiment ? Ou alors si son amour était "intéressé" ? Un Dieu qui aurait toujours une idée (mauvaise) derrière la tête. Un Dieu à la ressemblance de ma mauvaise mère en quelque sorte.
Un faux Dieu comme j'eus une fausse mère.
Dans l'histoire du fils qui revient, il y a tout le discours intérieur qu'il se fait en chemin. Je ne vaux rien, je suis un moins que rien, pas digne d'être ton fils. Traite-moi comme le dernier des derniers, fait de moi un esclave, un de tes mercenaires… Bref, il se forge tout un scénario à base de culpabilité, de négation de lui-même, il est prêt à se faire humilier encore plus que ce qu'il en ressent déjà. Il s'imagine sans doute qu'il va se prendre une sacrée dérouillée, des leçons de morale, etc. bref, il va en prendre plein la tronche !
Reste qu'il est prêt à l'humiliation absolue (devenir esclave chez son père). Et même à perdre son identité (je ne suis plus ton fils…). Eh bien Une telle démarche : faut le faire ! Faut-il qu'il ait au fond de lui une immense aspiration masquée au retour vers ce qu'il n'aurait sans doute pas dû quitter. Il faut un puissant moteur d'action qui ne peut pas uniquement être l'énergie du désespoir. Pourquoi ne va-t-il pas au bout de sa logique suicidaire… ?
Dans la réalité, c'est tout l'inverse qui se passe. Le père court au-devant de lui, mieux encore il lui donne tous les attributs du pouvoir (l'anneau au doigt, les souliers aux pieds), En quelque sorte il lui remet la Légion d'honneur et le nomme premier ministre ! … Et après on fait la fête toute la nuit…
«car mon fils que voici était mort, et il est revenu à la vie »
voilà ! C'est l'unique raison…
Et c'est le père qui voit cela. Car il faudra sans doute du temps au fils prodigue pour le réaliser lui-même, et encore plus de temps au fils aîné, jaloux, qui ne comprend pas qu'on fasse la fête pour ce traître.
*
Pour ce qui me concerne j'ai tendance à penser qu'on n'a pas fait la fête à mon retour… Que c'est cela qui me manquerait. Non pas pour le plaisir de la fête ni même vraiment pour de la reconnaissance ou des honneurs, mais simplement pour augmenter en moi le Désir de Rester.
Demeurer dans la demeure du père, y prendre ma place et y être actif. Je reste toujours quelque part dans : au fond cela n'intéresse personne… Je suis en quelque sorte couleur de muraille…
Et pourtant…
Aveugle que je suis.
Celui qui ne voit pas, refuse de voir, tout ce qu'il a reçu. Toutes ces expériences intérieures, les paroles entendues, les perceptions qui ont rempli de bonheur, de joie d'être, de félicité, de bien-être et d'être bien. Et toutes ces personnes alentour qui ont manifesté leur amour en action, et dont je dois reconnaître qu'il en est l'origine en tant que source, potentiel possible, à condition de croire et d'oeuvrer.
Que me manque-t-il donc encore ?
Si ce n'est abattre toutes ces résistances liées aux images que je me forge. Il me faut entrer dans une épreuve de rectification, pour ne pas dire de purification de moi-même, pour être dans ma vérité affirmée, face à moi-même, face aux autres.
Le "p'tet' ben qu'oui, p'tet' ben qu'non" est trop commode. Trop facile. Et de plus il ne correspond en rien à l'homme que je suis, celui des convictions et des engagements.
Finalement mes résistances se fondent sur du faux.
C'est une prise de conscience aussi majeure qu'amère.
Oui!
RépondreSupprimerOsciller entre "je crois, j’accepte enfin d entrer dans cette foi qui me suit où je j'aille et que quoi que je fasse" et le doute qui taraude mais qui fanalement dispense d'netrer dans un engagment de vie)... je connais et j'y suis passée maître(sse!)
Quand on n'a pas fait l'expérience d'un amour inconditionnel en tant qu'enfant... ce qui est mon cas aussi, il est bien difficile sinon impossible d(imaginer un instant que je puis être une personne qui a du prix pour Dieu
Je me tiens à l'écart, continuellement, n'osant pas croire un instant que le Père m'attend comme fille aimée
Alors je reste tellement discrète, tellement dans l'ombre, qu'il ne s’aperçoit pas de ma présence
Je doute par moments d'exister d'ailleurs.
J'oublie quasi instantanément tout ce qui en moi est susceptible de gratitude
Ton billet me touche énormément. Enormément
Tu dis : « imaginer un instant que je puis être une personne qui a du prix pour Dieu »
SupprimerImaginer ? Ou ressentir ?
Parce que finalement on a le droit de tout imaginer…
peut-être est-il possible aussi de prendre les choses autrement :
est-ce que Dieu est pour moi "quelqu'un" qui en vaut la peine ?
est-ce un mythe parmi d'autres ?
Est-ce que ce père dont tu dis qu'il t'attend et t'aime, est-ce que toi aussi tu l'aimes ?
Sinon… À quoi ça sert tout ça… Si ce n'est à spéculer…
Ou, dit autrement : que devient un amour unilatéral sans réciprocité… ?
On espère toujours beaucoup des retours à la maison et souvent comme nos espérances sont démesurées on est déçu. Je devrais employer le "JE"
RépondreSupprimerQuand je suis revenue d'Afrique (après un séjour de 2 ans )à 20 ans j'attendais bcp de ce retour; C'est vrai, mes parents mes frères et soeurs étaient là à l'aéroport pour m'embrasser.Mais je me suis sentie différente d'eux, avec d'autres préocupations que j'estimais plus nobles plus élévées que les leurs ! Mes soeurs surtout me regardaient d'un drôle d'air, elles me disaient que je me croyais mieux qu'elles etc...Sans doute je le pensais un peu !
Personne ne me demandait de partager mon expérience.
Je pleurais souvent le soir dans mon lit, je pleurais pendant la messe le dimanche, je me disais que je n'arriverais pas à me réhabituer à cette vie que je trouvais bien superficielle et matérialiste...
C'était une expérience un peu à l'envers par rapport à celle de l'enfant prodigue.
Dieu dans tout çà? J'étais très pratiquante à ce moment là. C'était mon échappatoire à ma solitude.
Perso je ne demanderais pas mieux que de me faire avoir par Dieu!
Merci de nous partager si généreusement ton cheminement.
Je ne sais pas si c'est une expérience à l'envers. Cela m'apparaît surtout comme une expérience très différente, et il est difficile de mettre en parallèle Avec cette parabole de l'Évangile.
SupprimerMais je comprends bien l'échappatoire vers un Dieu comblant une solitude.
Mais Dieu est-il cela ? Cela rejoint ce que je dis par ailleurs sur les représentations… Et/ou les projections…
Reste que ton témoignage est très intéressant. Merci.
Bonjour Alain,
RépondreSupprimerje crois que le fils est parti non pas parce qu'il étouffait chez lui (encore que) mais peut être parce qu'il voulait vivre "une vie", mais que la famine (les famines c'est un bon truc dans la bible) la reconduit chez son papa, mais était ce chez lui? Il me semble que ta démarche est bien plus proche de celle d'Abraham auquel Dieu dit" pars pour toi ou va vers toi" et même si tu n'as pas entendu la voix, c'est ce que tu as fait.
Et je pense que au bout du compte c'est le Dieu dégagé des projections représentations et autres qui sera là pour toi. Mais ce travail de dégagement des images reste un vrai travail peut être un travail sans fin car c'est si facile de croire qu'on est arrivé.
Je me demande si texte de maître Eckhart peut correspondre un peu à ce que tu cherches, mais pour moi il répond bine à "demeurer". http://www.spiritualite2000.com/page-2410-Meditation.php.
Je ne sais pas si il étouffait ! En tout cas le texte dit qu'il a réclamé sa part d'héritage ! histoire d'aller mener une vie de rentier, jusqu'à ce qu'il soit sans le sou. Il ne part donc pas pour aller « se réaliser » comme on dit aujourd'hui…
SupprimerMais je te rejoins Sur le fait de partir pour vivre son Désir, ce qui au final ramène à soi et plus que soi… et l'Autre, est sans doute sur ce chemin-là.
Quant aux représentations et projections, je me demande si on s'en débarrasse un jour vraiment…
Merci pour le texte en référence… Je n'ai pas encore lu…
bonjour,
RépondreSupprimerj'ai un peu le même vécu que Charlotte. Un retour à la maison après un voyage, qui m'a fait me sentir étrangère dans ma propre famille. Je crois bien que ce sentiment de solitude, de décalage, ne m'a plus quitté. Mais je n'ai pas trouver une route vraiment personnelle qui m'aurait permis d'assumer pleinement ce sentiment. Du coup, je me sens sur le bas-côté...
ce que je raconte n'a rien à voir avec l'histoire du fils prodigue. Il faut dire que je ne la comprends pas :)
merci pour ce partage
il y a plusieurs "messages" dans cette histoire du fils qui revient.
SupprimerAinsi celle de ne "pas s'habiter soi-même", d'ignorer son identité profonde.(car au fond il "appartient à "la maison de son père", comme un être libre , et non pas comme esclave ou employé.
Partant faire tout et n'importe quoi "au loin", il y "perd sa vie".
(il faut se méfier d'une interprétation trop littérale, du genre : rentre à la maison faire tes devoirs, ou pour succéder à l'entreprise de papa !)
Mais pour en revenir à ton expérience, je comprends bien.
il y a eu une forme de cassure avec un milieu.
Trouver sa route personnelle suppose un sens à sa vie (une signification et une direction) pour y aller, aller vers.
Tu prends le TGV Paris/Lille ( :-)) ) tu as un sens, tu sais où tu vas...
Mais bon... à priori il me semble avoir compris que tu n'avais pas 95 ans !!!
Alors ne parle pas au passé....
C'est pas forcément à 20 ans que l'on trouve sa route, son chemin, mais un jour on trouve.... et on embarque ...
Bien à toi.