J'ai 13 ans. Une bande magnétique pour un gros magnétophone. Les cassettes n'existent pas encore. Des chants enregistrés. Chants religieux, voix cristallines d'enfants. Tout commence par un message de ce jeune vicaire dont j'ai réclamé la présence il y a un an, à l'hôpital, et qui accompagnera ma vie dans les 10 ans qui suivront. Le message se termine par ces mots : « Ces chants enregistrés te diront que c'est Lui qui m'a envoyé vers toi ». J'ai toujours la bande magnétique et le magnétophone poussif. J'ai pu faire une copie numérique de la bande.
Combien d'année faut-il pour comprendre le sens d'une phrase ?
Bien sûr, on peut adhérer intellectuellement ou par paresse. Dieu envoie des Messagers, paraît-il… C'est connu… Pourquoi pas ? Et par ailleurs la vie continue… Comme si de rien n'était.
C'est audacieux de dire une telle phrase. Même si à la fin des années 50, dans une France largement chrétienne, ça semble passer tout seul… C'est audacieux de penser que Dieu lui-même (Jésus ?) choisirait quelqu'un pour aller vers nous… C'est audacieux de prétendre en avoir conscience, et plus encore de s'investir dans une telle « mission ». Même si on est prêtre, avec le risque de rabâcher du discours précuit ingurgité dans des séminaires. Or, ce prêtre-là n'avait pas envers moi un discours stéréotypé, passe-partout, et débité en tranches. Il parlait avec des mots simples, dépouillés du fatras ecclésiastique. Plutôt rare à l'époque.
Bon, « Lui » a envoyé quelqu'un. Admettons. Pourquoi faire ? Pourquoi dire ? Et pourquoi n'est-il pas venu directement ?
Un jour j'ai pensé : il faut toujours que quelqu'un le précède. Que quelqu'un vienne « avant ». « Lui » viendra ensuite, peut-être, s'il y a un désir chez l'autre. Dieu est sans doute quelqu'un d'infiniment discret qui ne bouscule rien ni personne, mais qui cherche à venir.
C'est parce que j'étais en pleine confiance avec ce jeune vicaire (qui fut l'un des premiers à abandonner la soutane…), que je le sentais proche, à mon écoute, avec une authentique affection, est toujours animé d'une grande joie intérieur qui se ressentait, que je ressentais. Il avait cette manière de s'exclamer : « Vive Dieu ! » qui donnait envie de s'associer à sa Joie.
Il me semble que je pourrais écrire autrement la phrase de ce prêtre. Quelque chose du genre :
— Il est quelqu'un qui aimerait bien te rencontrer. Je la connais. Il m'a dit de venir te voir et je suis venu, non pas pour obéir, mais ce Quelqu'un est un grand ami à moi, et si ça t'intéresse, je te parlerai de lui.
Car de fait, c'est un peu ce qu'il fit au long des années qui suivirent. À sa manière discrète, il m'a appris un regard autre sur « le divin ». Et pourtant, dans l'ordinaire, je parlais de mes petits problèmes d'adolescents boutonneux, ce qui faisait ma vie, les questions que je me posais sur son sens et le pourquoi du comment vivre avec un handicap… Et des filles… Comment pourraient-elles s'intéresser à moi ?
Certes, c'était son job de prêtres d'évangéliser, on pourrait considérer qu'il me manipulait. Peut-être… Je crois qu'il était plutôt tellement un homme de Dieu qu'il ne savait être autrement que ce qu'il était, pour moi, pour d'autres. Et sans doute que si je l'ai côtoyé et souvent sollicité, c'est que cela me convenait vraiment, pas seulement le plaisir que j'avais à le rencontrer, mais plus profondément je pense à ces soirées qui se prolongeaient dans la nuit, parfois avec quelques autres jeunes, et me donnait le sentiment que des rivages inconnus m'attendaient quelque part.
c'est vrai !
RépondreSupprimeril est des personnes que l'on rencontre qui sont "nourriture" pour nous et parfois même des personnes qui nous introduisent dans l'univers de Dieu
Si l'on n'y est pas attentif, on ne remarque rien... et on perd une occasion merveilleuse de croissance, de cheminement possible
Ces derniers temps, j'ai rencontré sur ma route des personnes semblables, qui m'ont menée vers un désir d'en savoir plus, de creuser ma foi
S'il te disait "vive Dieu", ce devait être un homme enthousiaste de Dieu... il t'en a parlé avec enthousiasme et tu ne l'as pas oublié... c'est dire...
Je comprends bien ce que tu dis des personnes qui peuvent être « nourriture »
Supprimermalheur à celui qui se fermerait à recevoir…
Mais quelqu'un qui te déclare ouvertement : « c'est Dieu qui m'envoie »…
Je me demande si cela n'a pas pour conséquence t'attiser la faim et la soif…
Quand on lit les paroles de Jésus appelées « béatitudes »
tu as droit à : Heureux ! : , les pauvres, les infligés, les affamés, les assoiffés, les persécutés, les calomniés,…
Soit tu te dis : OK, ce type a un grain… Direction l'hôpital psychiatrique.
Ou alors tu te dis : Putain ! Qu'est-ce qu'il raconte ! ?
Et le Piège s'ouvre… tu n'as pas fini d'essayer de comprendre ce que ça veut dire…
Quelle chance tu as eue de croiser cette personne à un si jeune âge. Je me souviens de cette soif du Divin qui m'habitait (sans savoir ce que c'était) vers les 11-12 ans et une fois, à l'école, il est arrivé que j'aie ressenti qu'il y avait peut-être une réponse à cela et j'avais été très déçue par la suite de constater que ces personnes en qui j'avais espéré ne savaient pas plus que moi où trouver l'eau qui étanchait La Soif et qu'elles s'étaient plutôt arrêtées en chemin, prisonnières d'une illusion bien aride de mon point de vue d'enfant. Même très jeune je savais discerner ces choses-là... c'est facile : "ou bien le cœur danse, ou bien il ne danse pas !" La Joie du cœur : à ne pas confondre avec de l'exaltation ! kéa
RépondreSupprimerJ'aime beaucoup ce que tu dis sur la capacité à discerner, même quand on est jeune. Ton critère du coeur qui danse ou pas me paraît excellent et juste.
SupprimerMon vicaire avait cette joie du coeur. Elle inondait son visage et son regard.
Peut-être que ce qu'il y a de plus terrible c'est de ne pas rencontrer une personne en qui il est possible d'espérer…
En effet, je mesure ma chance.
Merci de ce commentaire.
J'ai été attendrie par la lecture de ton texte. Oui c'est merveilleux de rencontrer si jeune un homme d'une telle qualité qui t'a écouté et élargit ton horizon. J'ai aussi eu la chance de rencontrer deux prêtres qui ont beaucoup compté pour moi . C'est surtout le dernier (qui vit d'ailleurs toujours) qui m'a ouvert les yeux; Or il a quitté les ordres et s'est marié. Mais sa foi est toujours là c'est l'institution qu'il n'a plus supporté.
RépondreSupprimerJe sais que je peux compter sur lui sur son écoute, ses conseils si je suis en difficulté .C'est un homme qui rayonne au contact de l'autre.Il me dit ce qu'il lit : c'est ue référence. C'est pourquoi je relis maintenant Marie Balmary.
C'est fou le nombre de curés qui ont une foi authentique et ont quitté l'institution catholique !
Supprimerenfin fou ! .... Certes pas ! Simplement ils ont compris que la Religion n'est pas compatible avec la Foi.....
C'est quasiment dit dans l'Evangile par Jésus .....
Misère de misère !!
qu'on en finisse !!