Seuls existent les commencements,
les aurores nouvelles,
qui nous tirent de nos nuits.
Être toujours voyageur de l'Aube.

dimanche 5 mars 2017

99 - Le Libérateur asservi (partie 2)

3. - Qu'est-ce que Jésus voulait ?

Cela peut se résumer d'une manière simple, considérée  souvent aujourd'hui  comme simpliste, et dont on se moque allègrement : « aimez-vous les uns  les autres » moi-même je l’ai brocardée avec un : aimez-vous les uns sur les autres…
Évidemment c’était pas aussi simple que ça, surtout quand il avait ajouté : aimez vos ennemis !… Faut quand même pas pousser mémère…



Plus jeune, je considérais qu'il s'agissait  d'une sentence péremptoire, avant de comprendre que toute sa démarche consistait à proposer le chemin et la pédagogie, pour y parvenir. Au moins un peu, tant bien que mal. Il fallait emprunter le chemin de l'intériorité jusqu'à découvrir au fond de soi le début du commencement d'un amour universel. Il finissait alors par surgir, comme une évidence de Lumière s’impose aux yeux. Nous appartenons à une destinée humaine commune à chaque homme et à chaque femme de cette planète. Rien que ça !
Elle était là l'aventure d'un « Monde nouveau » celle d'un « Royaume » qui était une aventure d'intériorité, que l'on pouvait engager et mener jusqu’où cela nous serait accessible chacun. Selon ses choix, ses possibles.

À défaut d'y arriver pleinement on pouvait au moins commencer. Faire un bout de chemin.
Le mystère de ce type Jésus est qu'il promettait de ne pas nous abandonner en route. Pourtant il est mort depuis longtemps. Où donc pouvait-on le rencontrer désormais, si ce n'est dans les profondeurs de l'être d'une manière subtile, si peu dicible, et difficilement partageable à celui/celle qui n'en a nullement le simple pressentiment d'un possible. 

C'est de l'histoire de cette « rencontre nouvelle » dont il est question à la fin de chaque Évangile qui relate, à sa manière, la mort de Jésus et ce qui s'est passé ensuite. Comment des hommes et des femmes ont compris que d'une certaine manière « il était continué en eux »… une transmission en quelque sorte. Comme le maître d'apprentissage transmet son savoir à l'apprenti. Comme le chercheur offre sa découverte aux autres pour qu'ils puissent l'enrichir à leur tour.

Je ne vais pas m’étendre sur le pataquès de l'histoire de la sépulture de Jésus. Juste en quelques mots : un membre du conseil des juifs, qui n'a pas voté la mort de Jésus, s'arrange pour obtenir l'autorisation de Pilate de récupérer le corps crucifié (normalement il aurait dû rester en croix plusieurs jours selon l'usage, pour l'édification des foules…). Il dépose le corps dans une tombe creusée dans le rocher. Mais pour les rites funéraires il faut attendre la fin du sabbat. Donc au premier jour de la semaine qui suit des femmes viennent pour effectuer les rites. Mais, oh surprise ! Le corps a disparu ! (On a écrit plein de trucs là-dessus qui ne m'intéressent pas.)

En revanche ce qui est intéressant c'est que les femmes en question, déconcertées, aperçoivent un jardinier qui leur déclare : « pourquoi cherchez vous le vivant parmi les morts ? ».
Un jardinier : comment ne pas y voir la symbolique de celui qui cultive sa terre intérieure ? Cette terre vivante en chacun de nous, sur laquelle nous pouvons faire fleurir nos vies.
J'y retrouve ce que je développais dans le billet « laissez les morts enterrer les morts… »

Celui qui a fait la promesse d'une vie où le temps ne compte plus et où seul l’instant existe avec toute la vie qu'il comporte éternellement, ne peut délivrer d'autres messages que celui-là. Ne cherchez pas  la vie dans la mort…

Je pense qu'à ce moment-là des femmes ont compris intérieurement ce dont il s'agissait. Ensuite pour l'expliquer on utilise, comme souvent à l'époque, une petite histoire : celle du jardinier. Comme encore aujourd'hui on peut expliquer aux enfants des réalités profondes de la vie avec des petites histoires simples et parlantes. Et pas seulement qu'aux enfants…

Ce n'est pas pour rien qu'il soit question des femmes dans cette histoire. Elles qui savent ce que veux dire : porter la vie en soi ! Les hommes auxquels elles ont raconté ce truc à leur retour se sont gentiment moqués d'elles… Ah ces bonnes femmes ! Cependant ils ont couru au tombeau, probablement histoire de vérifier qu'elles avaient raconté des salades… de jardinier évidemment…
Hélas pour eux, ils durent faire le constat du tombeau vide.

Suit un autre épisode bien connu : « les disciples d'Emmaüs ».
* Deux potes qui ont mis une forte espérance en Jésus, s'en retournent chez eux, bien déçus que leur champion fut victime d'un assassinat politico-religieux. En chemin, ils en rencontrent un troisième, ils lui racontent ce malheur.
— Jésus de Nazareth, tu connais pas ? Un grand prophète pourtant largement connu dans le secteur.
Ils expliquent comment il a été arrêté, jugé n'importe comment, puis crucifié. Bref ! Tous leurs espoirs sont anéantis. 
Alors, ce compagnon de voyage, (l évangile estime que c’est Jésus lui-même) qui devait en savoir long sur les écritures, leur refait toute l'histoire, si bien qu'ils finissent par arriver ensemble à l'auberge pour partager un repas. Et là, le texte dit :
« Alors leurs yeux s'ouvrirent et ils le [Jésus] reconnurent, puis il leur devint invisible ».
Ils font demi-tour, retournent à Jérusalem pour raconter aux autres : « Comment il l'avait reconnu à la fraction du pain ». Allusion au dernier repas pris avec Jésus. Ce qui laisse supposer qu'il y avait assisté en direct. Mais pourquoi donc n’ont-ils pas reconnu Jésus dès le départ ? Si tant est que ce soit vraiment lui…

* La plupart du temps on explique cette histoire en estimant que c'est Jésus lui-même revenu d'entre les morts qui serait apparu à ces deux disciples d'Emmaüs, en chair et en os. Donc il est ressuscité. Et la plupart du temps on insiste très lourdement : il est vraiment ressuscité, mais vraiment !   comme s'il fallait vraiment s'en persuader soi-même…
Je laisse ceux qui croient cela comme çà, le soin d’en discuter entre-eux… ceux que cela intéresse pourront lire les centaines de livres écrits sur ce sujet ainsi que les centaines de sites Internet apportant moulte démonstrations,  dans un sens comme dans l'autre…

Pour ma part, ce passage de l'Évangile m'apprend comment se produit l'expérience intérieure de la présence de celui qui n'est pas. Qui n'est plus. En ce sens cela m’a été très instructif spirituellement.
D'abord les choses commencent « en chemin » : sans se mettre en route rien ne se passe.
Ensuite il faut savoir s’arrêter un bon endroit : l’auberge.
Là se crée quelque chose d’intime. - Quelque chose d’un cœur à cœur.
Et d'ailleurs ils ont cette expression : « notre cœur n'était-il pas tout brûlant »
là, tout se passe au cœur d’une relation. Une relation qui éveille et révèle.
Alors oui, se produit  une reconnaissance. « ils le reconnurent à la fraction du pain ». C'est-à-dire cette reconnaissance dans un partage. Un partage qui en rappelle un autre précédent. Ce moment qui marqua tous les esprits. Ce dernier repas.  Peu de temps avant le procès et la mort.

Sans doute faut-il pour bien comprendre que cela réfère à des événements personnels dont on fait une lecture autres que l'ordinaire des apparences.
Je pense ici au repas familial que nous avons pris après le décès et l'enterrement de mon père : mon frère, la famille restreinte, et moi.  Dans la vieille bâtisse où il demeura plus de 10 ans, dans ce village du fond de l'Ardèche. Nous avons partagé le repas, jusque très tard dans la nuit.  Sans lui. Sans sa présence physique. Et cependant il était là. Tout parlait de lui cette nuit-là. Nous avons évoqué des souvenirs, bien vivants encore. Et nous l'avons reconnu pour ce qu'il fut pour nous et ce qu'il allait demeurer. C'était très simple. Très ordinaire. Très humain. Et donc très « spirituel ».

En conclusion toute provisoire, je dirais que Jésus voulait que l'histoire continue sous forme d'une aventure intérieure, à la fois personnelle et communautaire.


15 commentaires:

  1. Présent absent. Absent présent.

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  2. Charlottex06 mars, 2017

    Hier je voulais aller à la messe et donc j'y suis allée. J'ai beaucoup apprécié l'homélie dite par un jeune prêtre de 35 ans. Il y était question de jardin et de désert.Jésus en effet commence sa vie publique après avoir passé 40 jours au désert comme s'il avait besoin de se dépouiller ou de se soumettre à une épreuve. 3 ans plus tard c'est dans un jardin que commence sa passion qui se terminera par sa mise à mort. C'est aussi dans un jardin que Marie Madeleine le voit, l'entend et le prend d'ailleurs pour le jardinier.Mais elle ne peut pas le toucher. Noli me tangere.
    Nos vies ressemblent parfois à un désert et c'est très douloureux.C'est le moment alors de se poser des questions, de faire un retour sur soi en soi avec peut-être l'aide d'un autre pour quitter ce désert et pouvoir entrer dans un jardin. Mais il faudra en prendre soin de ce jardin en enlevant peut-être les mauvaises herbes si on veut avoir beaucoup de fleurs et de fruits. C'est possible.
    Moi j'aimerais bien y rencontrer " un certain jardinier" pour me guider. C'est possible mais noli me tangere. Il faudra que je m'y fasse !

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    1. Le chiffre 40 revient très souvent dans la Bible, et même ailleurs…
      Il signifie notamment le temps de la mort à soi-même, et de la renaissance spirituelle.
      C'est sans doute ce que veut signifier cet épisode au désert. Mais à mon avis, c'est pas 40 jours qui lui aura fallu… mais des années et des années… car le nombre 40 signifie aussi un temps très long… ( les 40 ans au désert après la libération de l'esclavage…)
      sinon, ce qu'il est convenu d'appeler « sa vie publique », plus personne ne s'en souviendrait aujourd'hui…

      c'est vrai que l'on ne peut pas toucher le jardinier… puisque que nul ne peut toucher physiquement une âme… mais pourtant elle est là…

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  3. Je cherche actuellement à acheter une Bible, une Bible expliquée. Aurais-tu une référence à me donner, Alain ? Tes billets me parlent, car ils expliquent et j'ai besoin d'explications en ce moment. Merci. :-)

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    1. Plutôt qu'une Bible complète, je te conseillerais de commencer par "Le Nouveau Testament" (c'est à dire les Evangiles et les lettres de certains apôtres (appelées "Épitres"). L'Édition de la TOB (Traduction Oecuménique de la Bible) est accompagné de notes explicatives.

      ET, peut-être de commencer par un livre qui expose la vie de Jésus et son temps :
      " Jésus - Une vie hors des sentiers battus" de Guy de Longeaux - Editions Temps Présent.

      "Une passionnante enquête historique sur Jésus menée par le sociologue Guy de Longeaux. Pour atténuer l’image du magicien faiseur de miracles et le replacer à hauteur d’homme, il le resitue dans son époque, en s’appuyant sur les travaux de théologiens et d’historiens. Et balaie ainsi beaucoup de fantasmes et d’idées reçues."

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    2. Merci beaucoup pour ces références, Alain. Je vais dès maintenant commander le deuxième livre dont tu me parles, et je verrai ensuite.
      Belle fin de journée.

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  4. Eh bien si dieu existe (ce que je ne lui conseille pas) j'aurais deux mots à lui dire...

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    1. Tu n'es probablement pas le seul.....
      Perso, je lui ai dit plus que deux mots.... (voir mes publications....)

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  5. La résurrection est peut-être la symbolique de la mort qui est source de vie dans le cycle naturel... La mort est une place nouvelle pour le vivant... « si le grain de blé qui est tombé en terre ne meurt, il reste seul ; mais, s'il meurt, il porte beaucoup de fruits »
    Et peut-être aussi qu’il faut « mourir à soi » pour renaître plus « vrai » ?

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    1. De notre naissance jusqu'à notre mort, notre vie personnelle passe sans cesse par ce cycle : mort/vie/mort/vie… Nos cellules meurent pour que d'autres puissent continuer à nous faire vivre.
      Peut-être même que les épreuves de l'existence nous font passer par des morts pour mieux renaître ensuite.
      « Renaître plus vrai ». Oui… cette expression me plaît bien. Elle correspond à une réalité, me semble-t-il.
      On dirait peut-être que pour vous aussi ?

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    2. Je n'avais pas encore compris à quel point la mort faisait partie de la vie. parce qu'effectivement, il faut de la mort pour que la vie puisse se développer... évoluer.
      Une réalité ? En ce qui me concerne, non, je ne crois pas. Pas encore.
      Mais je crois que je fais vivre en moi quelque chose qui aurait du mourir. Mais je ne sais pas ce que c'est. Je ressens que ça me bloque pour vivre vraiment. Et dans ce cas, la mort de cette partie de moi, me permettrait sans doute de vivre... enfin. Mais ce ne sont que des pistes de réflexion.

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    3. Ce sont quand même des « vraies » pistes de réflexion…
      ce n'est pas rien de chercher les entraves qui bloquent de nouvelles émergences de vie.
      Ce n'est quand même pas si mal de chercher à enlever la pierre qui empêche la plante de pousser…

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  6. "Et pourtant il était là". J'ai tenté de l'expliquer aux miens en vain: je ne pleure jamais sur les "morts" aux funérailles. Parce que pour mon esprit, ils sont toujours vivants. Mon coeur pleure d'abondance avec les vivants, mais le mort est passé, délivré, et j'espère heureux.

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