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Être toujours voyageur de l'Aube.

lundi 6 décembre 2021

121 — mais qui donc est-il ?

Ça se passe tout en marchant en chemin. C'est pas une balade, c'est un déplacement. Aujourd'hui on dirait c'est un staff en déplacement professionnel avec le patron.

Jésus va de village en village avec ses disciples, parce qu'ils ont choisi d'aller ainsi pour qu'on entende ce qu'ils ont à dire, Jésus surtout. Aujourd'hui on dirait parce qu'il fait le buzz dans le coin. C'est qui ce mec ? J'aimerais me faire une opinion en le voyant.


Donc en chemin Jésus pose la question : « qui suis-je d'après les hommes ? » Autrement dit qu'est-ce qu'on raconte sur les réseaux sociaux du coin à mon propos ? On sait bien qu'il y a toutes sortes de réponses, chacun a dû se faire une idée, ils ont dû en entendre de toutes sortes, « des vertes et des pas mûres » comme disait ma mère… c'est pas détaillé dans l'Évangile. Dans ce livre on va toujours à l'essentiel directement. Dans le concret la route durait probablement une journée. La question a fait l'objet de discussions pendant un bon moment, je l'imagine ainsi. Mais Marc qui relate l'histoire n'est pas un bavard.

« Ils répondirent : Jean-Baptiste d'après certains, Elie d'après d'autres, l'un des prophètes »

j'imagine Jésus intéressé par ce sondage d'opinion. Comment ne pas l'être ? Comment ne pas désirer savoir comment est perçu. Mais bon, en même temps chacun pense ce qu'il veut… alors il y a la question qui semble plus importante à ses yeux :

« et d'après vous, qui suis-je ? ». Plusieurs ont dû répondre mais il n'est relaté que la réponse d'un seul : « Pierre lui répondit : tu es le Messie ».

On n'en saura pas plus. Sauf Jésus qui répond : là-dessus, on va être clair, les mecs, silence radio total ! Et je rigole pas ! (« Jésus leur recommanda sévèrement de n'en parler à personne »).


J'ai souvent lu des commentaires qui allaient dans le sens qu'en l'espèce Jésus était un peu comme le prof avec interrogation écrite : qui suis-je ? Vous avez quatre heures et je ramasse les copies. Ça va pas être la joie pour ceux qui n'auront pas la moyenne. Et en général on pose la question au bon peuple chrétien contemporain qui a intérêt à avoir les bonnes réponses du catéchisme.


Et si on regardait autrement ?

Si Jésus était aussi lui-même en quête de sa propre identité ? (Ceux qui trouvent cela totalement iconoclaste et que je mérite l'excommunication peuvent arrêter de lire et sortir de ce blog…). Alors si Jésus est « vraiment homme »  (selon la doctrine officielle), alors il fait comme tout un chacun son chemin de personnalisation et de conscience de son identité profonde qui surgit  au fil des années, et celle-ci ne peut que se confirmer concrètement dans la mise en œuvre d'une mission et l'analyse de ses fruits et de ses limites. Voir de ses échecs. Sinon c'est une abstraction, un Jésus projeté pour ne pas dire inventé, conceptualisé et désincarné au profit d'une existence livresque, l'homme – Jésus se réduit alors  à un bouquin désincarné  : « le Saint Évangile ». Et à un bouquin on fait dire tout ce que l'on veut et son contraire.


Or la construction d'une personnalité humaine nécessite absolument l'altérité avec les autres, la différence et la complémentarité. Nul ne grandit humainement en vase clos. Les apôtres et disciples sont non seulement indispensables, mais ont leur part et leur rôle dans la personnalisation. Nul ne peut être Maître sans disciples. L'un fait l'autre et l'autre l'un.


En sorte que l'essentiel dans cet extrait d'Évangile c'est la synergie fondatrice : Jésus – Pierre.

Je pense qu'il fallait cette reconnaissance mutuelle de l'un et de l'autre. Si Pierre répond du genre : tu es un prophète sympa, qui me plaît bien ! Ça va pas le faire.

Si Jésus répond : " le Messie ? Ah ouais ! En voilà une bonne idée, Faut que j'y réfléchisse…" ça ne va pas le faire non plus.


Et s'il faut que tout le monde ferme sa gueule, c'est en raison de l'énormité de l'enjeu. Le pire serait que ça fasse les gros titres de TF1 relayée par BFMTV avec Envoyé spécial sur place. On sait très bien comment les choses les plus essentielles peuvent être sabotées par la recherche du sensationnel.

— « Alors comme ça, Jésus, vous êtes le Messie, le sauveur du monde ! Racontez-nous comment l'idée vous est venue, et si vous aimez les pâtes à la carbonara, c'est important pour nos téléspectateurs ».

 Jésus s'y est toujours refusé en tout domaine. Ce n'est pas une vedette pour les zéniths du coin.


À aucun moment Jésus ne répond lui-même à la question : qui es-tu ? Ce n'est pas qu'il veut se dérober c'est qu'il ne peut pas répondre lui-même. Il ne peut qu'Être. Et nous, de notre côté notre position consiste à répondre : voilà celui que tu es pour moi. Et la reconnaissance mutuelle génère et fonde l'action qui en découle.

Il n'y a pas de bonnes ou de mauvaises réponses. C'est l'erreur de toute église qui oblige à signer « la charte d'appartenance »( le Crédo) et à ne modifier aucune virgule, sous peine d'exclusion. Voilà pourquoi Jésus s'en prend à bien les pratiques religieuses qui tuent « l'esprit » et imposent le respect de la lettre, la leur. Hier, comme aujourd'hui…


13 commentaires:

  1. Qui est Jésus pour moi?
    Voilà bien LA question essentielle que tu m'obliges à affronter et de face encore bien!
    Jésus m'attire depuis toujours, mais curieusement, je me suis toujours tenue à distance de lui.
    Il m'impressionne, et je n'OSE pas l'approcher de trop près/ juste ce qu'il faut pour ne pas le perdre de vue
    Pourquoi cette appréhension? Je ne sais pas mais elle est là, et bien là...
    Mais j'aime quand des gens (comme toi) parlent de Lui, des gens qui n'ont pas peur de le côtoyer, de s'approcher de lui; Si tu le côtoies c'est donc qu'il n'est pas si impressionnant que ça!
    Je me dis qu'il est temps que je fasse la paix avec cette peur, je ne vais quand même pas mourir comme ça...

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    1. Peut-être es-tu de celles et ceux à qui on a inculqué dans l'enfance que Jésus était pire qu'un surveillant général ou un policier armé et en faction, qui, depuis là-haut se comportait comme un Big Brother en te surveillant en permanence, jour et nuit, distribuant des PV à tour de sainteté frelatée.

      Mais maintenant que tu n'es plus toute jeune, tu peux peut-être t'affranchir de ce baratin totalement imbécile ? Parce que tout cela est faux, archi faux. Il est bien évident que si Jésus « c'était ça » : un personnage pour scénarios de science-fiction dans les studios de Netflix ! Il y a bien longtemps que je ne regarde plus les « télés des saintes religions » !
      Non, Jésus est pour moi un Maître à vivre . Il en est bien entendu d'autres qui existent. Mais moi j'ai choisi celui-là, parce que je le trouve d'une grande efficacité pour le bonheur…
      Allez, chère Coumarine, comme tu le dis il est temps que tu laisses la paix entrer en toi. Lui, il y a longtemps qu'il la faite avec toi, bras ouverts.

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    2. merci ^pour ta réponse, cher Alain
      M'approcher de Jésus, comme d'un Maître à vivre... ce serait si bien! Me plonger dans ses bras ouverts oh là là...

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  2. Super merci pour ton article.
    Oui jésus à chercher qui il était et ce sont les rencontres qui peu à peu lui ont révéler son être profond et l'altérité vécu aussi dans ce face à face de la prière.
    "pour vous qui suis-je?" ma réponse, pour moi: tu es mon ami qui m'aime et que j'aime

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    1. Merci pour ton commentaire, je me sens rejoint dans ce que je tente d'expérimenter. Je réalise que je n'ai pas vraiment répondu à la question : « pour vous qui suis-je? ». Ta réponse à toi me semble tellement simple et limpide.
      Tu me fais penser à Bernadette Soubirous dans sa manière de répondre avec le cœur aux questions compliquées du catéchisme… et tu sais peut-être (j'en ai déjà parlé sur ce blog) l'attachement que j'ai à cette petite fille. Je dis ainsi parce que j'avais sensiblement son âge quand je l'ai découverte dans un livre racontant son histoire et elle a alors visité mon âme d'enfant.

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  3. Comme toujours, ton texte sonde l'âme en profondeur. Il me fait me questionner. Tu me fais bien rire aussi avec bfmtv qui demande à Jésus comment l'idée de sauver le monde lui est venue ! et d'y associer les pates carbonara. Hahaha ! L'art de dresser le portrait de l'insignifiance des grands médias en qq mots.
    Pour ce qui est de Jésus, je vois très bien sa nature humaine qui faisait que tout n'était pas écrit d'avance. Il découvrait au fur et à mesure sa mission. Pour moi, son message revenait constamment à "Le royaume des cieux est en vous" ou "Ce que tu cherches est en toi". Il y a toujours eu ce meme message à travers les siècles et les siècles. Nous sommes lents, très lents à comprendre. Jésus disait que celui qui l'avait vu, lui, avait vu Le Père. Pour moi c'est ca un grand maitre, une fenêtre sur l'Infini, sur le Supreme, le Père manifesté dans un corps humain. Alors s'il m'avait demandé qui il était pour moi, j'aurais dit : L'Infini dans le fini. kéa

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    1. « Nous sommes très loin de comprendre » dis-tu, et je le pense aussi. Déjà qu'il faut du temps pour entrer dans la puissance du message et son extraordinaire révolution de perspective, au sens le plus fort du mot extra–ordinaire. La puissance transformatrice d'un basculement total de perspective dans ce fameux « royaume ». Expérimenter qu'il est en soi une ardeur active, et pas à des milliers d'années-lumière, à découvrir quand on aura terminé « la guerre des étoiles ». C'est un autre long chemin parfois fastidieux et même râpeux qu'il faut emprunter.
      (Mon petit amusement sur BFMTV c'est un peu ça : la question journalistique totalement déplacée et tellement loin du réel intérieur…)
      Alors, c'est déjà pas évident, mais quand en plus une/des religion(s) vous amènent dans des chemins de perdition en dévoyant la teneur profonde du message pour des intérêts dits « temporels », il ne faut pas s'étonner qu'on double voire triple le temps de désert bien loin du « royaume ».
      Et encore plus compliqué de découvrir ce que veut dire « l'incarnation divine »… il faut probablement cesser les bla-bla pour écouter à l'intérieur cette musique qui émane du royaume et peut émerveiller.
      (Et j'aime bien ton expression : « le Père manifesté dans un corps humain »)
      Quant à moi, je me sens encore bien loin du compte…

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    2. Oui, bien loin du compte moi aussi ! et pourtant je compte sur Lui pour m'y amener tant je me sais incapable par moi même. L'important est de rester sur son bateau. Le capitaine connait le chemin à emprunter. Ma part à moi, c'est la confiance, l'abandon de mes petites visées et croyances ainsi que la constance dans mon choix de garder mon attention dans sa direction, autant que possible. J'implore sa mansuétude me sachant falote et distraite. kéa

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    3. Merci, kéa, pour deux enseignements de cette réponse :
      — la confiance et l'abandon
      — la constance dans l'attention à celui qui connaît le bon chemin vers le cap
      C'est une sorte de « rappel à la loi divine » (*)

      (*)= Allusion à une procédure française qui s'appelle « le rappel à la loi » : convocation devant le juge quand on a commis une bêtise et qui est destiné à remettre dans le droit chemin…

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  4. Jésus est mon Homme "Dieu". Je ne le représente pas chez moi par un crucifix accroché au mur .Je préfère la Piéta de Michel-Ange.
    J'ai une relation bien particulière avec Lui, très égocentrée parce que je lui fais toujours des demandes ! C'est que je le crois tout puissant et très fort comme un père alors j'ose tout lui dire car je me dis qu'il comprend tout ;
    C'est un peu enfantin tout ce que j'écris là mais...

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    1. Tu as déjà une relation avec lui. Cela me semble la première chose essentielle. Sans elle je ne vois guère par quel intérêt on pourrait être capté, ou alors le percevoir comme un personnage historique peut-être ? Napoléon ou Ramsès II ?
      Tu lui fais toujours des demandes : tout dépend ce que tu demandes, ça peut être égocentrique ou ça peut être ouverture sur les autres.
      Quant à un père… est-il tout-puissant et très fort ? Peut-être… il est surtout une source pour ne pas dire La source ou la Lumière, comme on voudra. Être éclairé et abreuvé, c'est pas mal non plus.
      Enfantin ? : Touchant certainement. Notre devenir consiste à s'accomplir comme adulte sans perdre son âme d'enfant. C'est autre chose que rester enfantin.
      Merci Charlotte pour ta simplicité d'expression.

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  5. Cela fait un moment que je relis ton texte et que j'essaye de répondre à cette question : "Pour vous, qui suis-je ?" Je vois que, même si Pierre est le seul à répondre, la question s'adresse à plusieurs. Et Jésus se contente de la réponse de l'un, il n'interroge plus les autres. Comme si Pierre avait trouvé le lieu de "l'accord"... un accord comme une harmonie, la note juste... comme une musique qui a sa source en L'Autre... Il "existe" ce lieu d'un accord dont en fait on ne peut rien dire, tant à chaque fois qu'on en dit quelque chose, il faut ajouter "mais ce n'est pas ça..." Et pourtant Jésus interroge donc il attend une réponse... mais qu'est-ce que je peux bien lui répondre ? La seule chose que je trouve à dire est : "Je ne suis moi qu'en Toi"... Accorde-moi à toi, accorde-nous à ce chant où chacun joue sa partition et dont nul autre que Toi n'est le chef d'orchestre.

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    1. Ton commentaire m'interpelle : « comme si Pierre avait trouvé le lieu de l'accord » et ce que tu développes ensuite. Ça me semble très juste et éclairant. En musique on parle d'accord parfait, celui qui rejoint un grand nombre parce qu'il « sonne juste » aux oreilles de ceux qui sont de cette « œuvre-là ».
      En revanche je vois la scène un peu autrement dans son déroulement, ce n'est pas juste pour spéculer sur comment ça a pu se passer effectivement, mais je pense que d'autres que Pierre ont répondu, comme il pouvait, plus ou moins maladroitement cherchant à exprimer, comme tu le dis : c'est ça et c'est pas ça… et puis peut-être qu'à un moment Pierre a dit « tu es le Messie ». J'imagine les autres disant plus ou moins en plus ou moins « oui voilà ! Ça me va, je m'y retrouve pas mal » alors les voilà au « lieu de l'accord ». Et c'est pourquoi l'évangéliste retient cette formule finale. Et ça me semble important qu'il en soit ainsi (important dans ma tête…).
      Par comparaison je pense à une association qui se constitue et recherche la bonne formulation de son objet social. (Je parle d'expérience en ayant fondé une avec d'autres). On tâtonne et on cherche la meilleure formulation jusqu'à ce qu'un consensus se forme. Alors on peut partir de l'avant.
      Reste ensuite à chacun à personnaliser sa propre réponse individuelle teintée de sa couleur.
      Et là, concrètement, en 2021, quand je lis ta réponse : « je ne suis moi qu'en Toi », à mon tour je peux dire : oui voilà, moi aussi c'est un peu ça, plus qu'un peu même si je me laisse ressentir profondément cette formulation. Et pourtant je n'ose encore exprimer pleinement ma propre réponse.
      Mais je me sens dans le même orchestre.
      Merci beaucoup pour ce commentaire précieux.

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