Je constate qu'ils furent des moments de relation. Je vais excepter ici la relation à moi-même, à cette intime de l'intime, au mystère en tant que tel, en tant qu'objet/sujet de la relation unique. Je parlerai des moments de vrai bonheur environnés d'humains.
J'appelle vrai bonheur ces moments ou périodes un peu plus longues (parfois quelques jours) ou la plénitude d'être est portée à son paroxysme accessible, entraînant une dilatation de tout l'être, une densité de présence à soi et aux autres qui vient s'installer comme naturellement et sans le recours à aucun artifice, aucun catalyseur externe du genre musique, nature, soleil, beauté, silence, proximité des corps, etc. et évidemment son recours à aucune substance ! Tabac, alcool, drogue, sexe…
Il y a parfois un environnement porteur, un lieu un événement mémoriel, des personnes, etc. mais il accompagne et intensifie. Il n'est pas la cause du bonheur. Ou plutôt je dirais, il n'est pas la cause centrale, même s'il contribue à celui-ci.
On peut être au soleil, sur la plage, environné de belles choses, entouré d'amis, et ne ressentir aucun vrai bonheur…
Je pourrais citer sept ou huit de ces périodes pour moi les plus marquantes et même sans doute les plus fondatrices et fécondantes de ma vie. Mais, soit cela aurait la banalité de l'anecdote, soit il me faudrait évoquer longuement le pourquoi des comment, et non seulement je lasserais, mais je risque d'affadir l'intense dans un verbiage.
Le vrai bonheur c'est quand je ressens cette unité totale en toute ma personne. Unifiée par reliance et par équilibre de forces, unifiée par l'alliance de diverses composantes de ma personne. C'est une sorte de rond-point harmonieux que je ressens au centre de moi, qui comporte à la fois densité et expansion, mais une expansion sans dissolution, plutôt par accroissement de l'intensité centrale, comme une force, celle d'une Présence. Présence agissante par émanation, par une sorte de déploiement d'ondes plus que par mouvement cinétique.
J'ai essayé de visualiser dans un schéma. — non pas chemin du bonheur, mais un schéma de l'équilibre heureux — C'est limité et réducteur un schéma. Forcément. Je l'ai cueilli, parce qu'il s'est imposé comme tel. Sans que je cherche intellectuellement une quelconque représentation.
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Voici quelques commentaires explicatifs.
— *Moi en mon essentiel* au centre, à la croisée de deux axes :
— l'axe personnel vertical avec la descente au fond de moi, où, dans la profondeur de l'intime se noue la rencontre personnelle avec l'Autre, et le dialogue singulier en forme de Présence/Parole, ce qui veut dire des ressentis denses et des perceptions faisant sens pour la vie. Parfois, une parole intérieure. J'ai évoqué cela dans un autre billet.
Sur le même axe vertical, mais vers le haut, c'est la signification visuelle de ce qui transcende totalement le MOI, qui le déborde de toutes parts et qui est l'Autre comme inaccessible, comme Tout Autre, comme Mystère impénétrable tout en n'étant pas rien, mais existant et perçu dans ses émanations, en particulier à l'autre bout de l'axe et aussi dans ce que d'autres témoins d'expériences comparables peuvent en dire à travers les âges, les époques, les lieux, les cultures, les confidences intimes d'aujourd'hui, etc.
— Cela m'amène à l'axe horizontal, tout aussi essentiel est constitutif du moi : l'axe relationnel. Sur cet axe je suis sans cesse en relation avec les autres humains et l'environnement dans lequel je vis concrètement. C'est l'axe aussi de mes déterminants constitutionnels (bien que j'aurais pu aussi en situer certains verticalement, mais ne compliquons pas…) Je suis masculin, français, occidental, issu d'une lignée, de son histoire, dans le berceau chrétien. Je ne suis pas une femme bouddhiste tibétaine.
Cet axe est tout aussi fondamental que l'autre.
J'ai mis d'un côté lui/elle, pour signifier mes relations individuelles. Ma compagne de vie, mes amis, ma voisine sympathique, ce proche qui m'agace souvent, mon maître à penser, des rencontres marquantes quoique éphémères, etc.
de l'autre côté Eux : tout ce qui a pour moi visage collectif, les solidarités, les engagements communs (syndicaux, associatifs, collectif d'action, communauté de pensée, groupe professionnel, etc.), mais aussi la perception de toute l'humanité des hommes, avec ses merveilles et ses horreurs…
Le vrai bonheur, c'est lorsque je ressens une forme d'harmonie de tout cela en moi. Mais le facteur déclenchant tient le plus souvent à l'axe vertical. Lorsque je me fais présent à cette dimension de moi.
Mon schéma et mes explications sont bien compliquées, ils n'intéresseront pas grand monde. Peu importe. J'écris ici plus pour m'expliciter à moi-même qu'expliquer aux autres.
En revanche, je peux illustrer d'un exemple. Je le choisis lointains parce qu'il fut un « bonheur fondateur. »
(à suivre…)
Pour ce que je perçois de tes mots, je dirais que l’axe vertical colore et imprègne l’axe horizontal. Illui donne sens...
RépondreSupprimerJe ne dirais pas qu’il est plus important que l’autre, mais premier. Sans cet axe vertical il n’y aurait que peu de profondeur dans tout ce qui se passe dans l’horizontal
Merci pour ce billet passionnant
Cela me va de dire que l'axe vertical est premier.
Supprimerau sens que c'est d'abord à cet acte que je me fais présent.
L'axe vertical je le comprends comme relation à un autre que soi en soi : ce peut être le moi idéal et là, je ressens un obstacle : car à force d'imaginer,de visualiser, de vouloir, de désirer cet idéal on en arrive à ne plus se voir tel que l'on est...
RépondreSupprimer(je ne sais pas si je suis claire) on peut aussi se sentir trop en décalage avec les autres à cause de cet relation intime en profondeur. descendre en soi-même sans s'isoler ça me parait bien difficile. Donc les moments de bonheur, d'harmonie entre ces axes me sont inconnus dans la vie, mais je crois en avoir eu l'expérience sur scène, lorsque la personne peut-être elle-même tout en étant une autre et en relation avec ses camarades de jeu et le public.
l'intérêt d'un billet comme celui-ci (en raison même de sa complexité) est que chacun peut librement l'interpréter en fonction de ses propres expériences
Je n'ai pas l'expérience de la scène. Ce que tu en dis m'intéresses beaucoup. (Dommage que tu ne sois pas plus expansive à ce sujet sur ton propre blog… Enfin, moi ça me permettrait de mieux comprendre…)
SupprimerEn revanche, j'ai l'expérience de la parole personnelle en public (animations, conférences, etc.) c'est une certaine forme de mises en scène, mais de soi-même, pas d'un personnage interprété. (Ce que je crois que je ne saurais pas faire…). Je pourrais alors écrire ta phrase comme ceci :
lorsque la personne peut être elle-même tout en étant habitée d'un autre soi (ce que tu dis plus haut d'un autre que soi en soi), mais intimement lié au moi, et en relation avec d'autres (je ne dirai pas ici camarade de jeu évidemment, mais d'autres qui partagent les mêmes convictions), et le public.
À propos de ce que tu dis du moi idéal cela m'a amené à une modification typographique dans l'explication de mon schéma en écrivant « *Moi en mon essentiel* au centre ». Ceci pour préciser que le moi profond est un état du moi, mais pas la totalité de la personne. Se voir tel que l'on est c'est considérer cette totalité dans un regard plus large, qui tient compte de « tout le reste » : la sensibilité plus ou moins assainie, les blessures qui demeurent génératrices de souffrance, les dysfonctionnements, la peur d'exister et de s'affirmer, ( ou l'inverse l'envahissement du territoire d'autrui), etc. etc. La présence à soi-même, à ses profondeurs, pour ce qu'elles sont, n'est pas la tentation d'un idéal, au demeurant inaccessible pour personne.
Mais je comprends parfaitement le piège que tu soulignes, et je te remercie de l'avoir mentionné, ayant vécu, à une certaine époque, une sorte de tyrannie de je ne sais trop quelle perfection à laquelle il faudrait arriver…
Ce qui compte pour moi, comme Voyageur, c'est le chemin… S'il fallait employer le vocable : idéal. Je pourrais dire : l'idéal est d'essayer de rester sur le chemin…
Merci pour ton commentaire. J'aime bien te lire ici.
"...descendre en soi-même sans s'isoler ça me parait bien difficile. "
SupprimerJe trouve que oui ça demande une certaine solitude pour descendre en soi-même, au début en tout cas, mais par la suite lorsqu'on a rejoint un certain endroit en soi, on se sent unis à tous, une reconnaissance de l'essence de l'autre qu'on ressens être la même que celle qu'on a trouvée en soi. Ça rapproche tellement des autres finalement.
"...lorsque la personne peut être elle-même tout en étant une autre. "
Cette phrase me fait comprendre que la racine de l'être ne change pas mais que le personnage lui est interchangeable, c'est pourquoi un commédien peut se mettre dans la peau d'une autre personne. Le personnage qui me représente dépend du milieu dans lequel j'ai été immergée. Il a pris la couleur de ce milieu et aurait pris une autre couleur si les événements avaient été autres que ceux qu'il a eu à vivre. Mais ça revient au même parce que c'est à travers ces événements que mon être profond grandit et s'expand dans sa compréhension. kéa
Pour continuer sur l'analogie, peut-on dire que la flèche verticale coulisse sur la ligne horizontale au gré des rencontres (avec lui/elle, ou les collectifs que tu cites)? Et que la ligne horizontale peut monter ou descendre?
RépondreSupprimerCes moments où l'on coïncide avec soi-même dans une harmonie avec autrui sont pour moi également des temps de paix intérieure, de sérénité, de bonheur en effet, et de repos...
des points d'équilibre que forcément on va quitter au bout d'un moment parce qu'on avance. Mais en même temps ils restent des points de repère nous rappelant vers quoi on peut orienter son parcours autant que possible..
Oui, oui, on peut manier ce schéma comme on le souhaite !
SupprimerJ'ai mis quatre flèches à double direction, ce qui veut un peu symboliser une mobilité permanente, car bien évidemment la vie et perpétuelle mouvement et vibration.
Ce schéma est forcément limité et en même temps je crois qu'il peut « parler », parce que je crois que si la vie est mouvement, elle est aussi « axée ». Nous ne sommes pas un magma en désordre.
En tout cas ce n'est pas ma perception ni mon expérience de vie, telle que j'ai pu l'analyser.