Seuls existent les commencements,
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qui nous tirent de nos nuits.
Être toujours voyageur de l'Aube.

mardi 18 juin 2013

53 - Pharisiens


C'est un constat amer finalement.
Cette incapacité viscérale que j'ai à maîtriser mes réactions, à me dominer, dès lors qu'il est question des religions, d'attitudes et de comportements des gens d'église. (Prêtres, prélats, Pape…).
Je me suis emporté contre le pape, dans un billet publié ailleurs. Une fois de plus. Comme ici parfois. Ma réaction a été d'autant plus violente, accompagnée de palpitations cardiaques, que j'avais trouvé que le nouveau pape semblait un peu plus « intéressant », tout en n'étant pas dupe de l'opération médiatique engagée délibérément pour tenter de redorer la pilule vaticane.
À mesure que je m'approfondis dans ma démarche spirituelle, je touche à ce niveau au magma infâme de mon histoire avec la très Sainte Église Catholique.
Aurais-je pu  me passer de ce billet ? :  Non, Il faut que ce soit dit, je ne peux faire autrement, sinon j'étouffe.
Aurais-je pu me passer de le publier? : Oui, parce que ça n'apporte pas grand-chose qui n'est déjà été dite 1000 fois par ailleurs, même s'il s'agit de vérités qui déplaisent à ceux qui sont à plat ventre devant la religion… — Et non, parce qu'il faut que ça sorte, que je le gueule, sinon je sens que je freine ma démarche quelque part.
je ne veux pas occulter l'ampleur des dégâts, dont je constate que, jusque-là, ils ne sont pas réparés…

J'ai encore beaucoup de mal à considérer que ma révolte est « une saine révolte ». J'ai beaucoup de mal à considérer qu'elle est de même nature que celle qu'avait Jésus quand il s'exclame : « Malheur à vous pharisiens hypocrites ! » (À l'époque, les pharisiens sont des personnes bien sous tout rapport, parfaitement respectueuses de toutes les prescriptions de la religion, mais ils sont tellement obsédés par le respect des pratiques que l'amour n'a aucune place dans leur vie…)

Et moi, j'ose le dire, dans mon enfance, je crois que je vivais un amour profond pour Jésus, à la mesure de mon enfance bien sûr, mais qui n'en était pas moins authentique et sincère, dans ma naïveté de petit garçon. Les gens d'église, les curés, ont totalement massacré cet amour-là qui était au fond de moi, en lui tordant le cou, comme quand on égorge un poulet. (Voir l'ensemble de mes premiers textes sur ce blog). Je pourrais dire qu'ils ont voulu que je devienne pharisien comme eux. Connaissant par coeur toutes les pratiques, réduisant ma vie au respect de celles-ci, dans une démarche qui au final apparaît comme particulièrement égocentrique : regardez ! Je fais tout très bien, tout comme il faut. On ne peut rien me reprocher ! Je respecte intégralement les rites obligés par les curés catholiques et les Frères des Zé-colle Chrétiennes (mentionnés sur le bulletin hebdomadaire. La mauvaise note en catéchisme générant des punitions paternelles....) ! 
Alors, dans un tel schéma : Exit l'amour…

Dans un récent texte, le prêtre que j'ai déjà cité ici écrit :


« (…) avec les pharisiens, les évangélistes tiennent le type même du personnage opposé à l’évangile. Et cela est d’autant plus important que le pharisaïsme au sens évangélique désigne (…)  une attitude religieuse incompatible avec la gratuité de l’amour de Dieu que Jésus proclame. (…)  Le pharisaïsme concerne aussi les disciples de Jésus, nous concerne aussi. Les pharisiens de l’évangile (…)  suivent Jésus, mais ne sont pas prêts à entrer dans le régime de la gratuité,(…) 
Il ne s’agit pas de faire bien, il s’agit d’aimer. Et l’hypocrisie pharisienne est d’abord tromperie du pharisien pour lui-même. Il croit qu’à faire bien, il n’y a pas besoin d’aimer. (…) Le contraire de la sainteté, ce n’est pas le vice, mais la vertu. Simon est vertueux, mais pas saint. Simon est vertueux mais n'aime pas. Et nous ? Et notre Eglise ? La vertu nous empêche d’être saints parce que nous croyons qu’à être des gens bien, nous sommes les bons disciples de Jésus. On est au contraire disciples de Jésus qu’à une condition, la reconnaissance du sans condition de l’amour du Père. » 

L'ensemble de ce texte (1) dont je ne cite que des extraits m'a beaucoup éclairé. Mon éducation chrétienne a été faite par des pharisiens. Peut-être certains avaient-ils à l'origine une expérience comparable à la mienne, une expérience intime de l'Autre, ce pressentiment d'un amour inconditionnel, presque trop beau pour être vrai. Faute de l'approfondir, faute de le nourrir, cet amour-là se retire de la conscience, s'en éloigne, ne disparaît pas, mais perdure dans l'inconscient, comme une immense nostalgie de quelque chose entrevu, mais qu'il faut abandonner si l'on veut « devenir grand » c'est-à-dire perdre « l'innocence »… Au profit du réalisme adulte qui ne peut au final que se raccrocher à des pratiques, encore des pratiques, comme une multiplicité de TOCS. Ces troubles compulsifs qui empêchent de vivre et d'aimer en confiance.

Pour l'instant, il m'est encore impossible de leur pardonner l'immensité de leur erreur, pour ne pas dire de leur échec. Certes, je ne veux pas leur mettre sur le dos tous les torts. J'ai largement ma part personnelle. Il n'en reste pas moins que les dégâts demeurent.


———

(1) :  ICI 

13 commentaires:

  1. Billet très touchant parce qu'il analyse très justement le problème posé à chaque humain en recherche de la Vérité, sa vérité.
    Pour ma part, je crois que la Vie est chemin, un chemin où l'Amour a sa place en chacun, cet amour qui est avant tout respect de soi et de l'autre, qui ouvre la porte à la liberté d'être, qui passe aussi par la parole pour se dire et se laisser façonner par nos propres expériences dans la rencontre des autres et des idées reçues ou transmises.
    Tu n'as pas à te reprocher ta colère contre l'Eglise, elle a autant sa place qu'un silence qui t'étoufferait et ne permettrait pas à l'autre de réagir . La vie, c'est aussi l'interaction entre les humains. La religion, les religions ne donnent pas plus le droit d'être, il y a des agnostiques, des athées qui sont parfois bien plus en humanité.
    Cheminer pour croire en soi parce que l'Amour conduit à la liberté d'être des enfants de Dieu, voilà peut-être une porte ouverte pour vivre plus humainement à l'image de Jésus.
    Brigitte

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    1. Tu dis : « La vie, c'est aussi l'interaction entre les humains »
      c'est probablement cela qui ne va pas pour moi dans les religions : il n'y a pas d'interaction.
      Il y a d'un côté les religieux : ils détiennent la vérité des vérités sur les vérités…
      Il y a d'un autre les adeptes : qui doivent croire et gober la vérité des vérités sur les vérités…
      et en plus, les religions se tapent dessus pour savoir qui détient la plus grande vérité sur les plus grandes vérités…
      Dingue !

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    2. Oui, j'ai écrit que la vie était l'interaction entre les humains. Je n'aurais pas dû dire "était" j'aurais dû employer plutôt le terme de "nécessitait" et cela implique une remise en question de soi-même de façon à pouvoir se dire , écouter l'autre et accepter de partager des idées nées d'un ressenti.Tu fais bien de mettre l'accent sur le mot interaction. Je suis bien de ton avis quand tu dis que dans les religions il n'y a pas interaction, Le courant ne passe que dans un sens parce que chacun reste sur ses acquis. Devenir plus humain n'est pas une mince affaire et ce n'est pas forcément une question de religion.

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  2. Jésus disait des pharisiens : "Ils sont des sépulcres blanchis" Moi j'ai heureusement été élevé par des pharisiens qui m'ont définitivement fait passer le goût de toute religion. "Religion" qui relie les hommes !... En fait qui les divise, sans elles on se serait économiser 99% des guerres dans le monde !

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    1. Je ne désespère pas que les religions ne me deviennent fades c'est-à-dire sans goût.
      Pour l'instant le dégoût l'emporte.

      Quant à l'économie des guerres…
      Certes ! Mais enfin, les guerres au nom des idéologies ont un passé glorieux de défaites et sans doute encore un bel avenir… Ce n'est guère mieux !

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  3. tu n'en connais sans doute pas, mais à côté de l'institution Catho qui connait la vérité mieux que tout le monde et qui te dégoûte comme moi d'ailleurs, il y a de petites communautés chrétiennes qui ne s'occupent que de vivre la parole de l'évangile, où les eucharisties sont simples, joyeuses, et authentiques, une communauté fréquentée par bcp d'Africains qui ont fui leur pays (Ruanda, RDC, Mali). Je dirai pas ici leshorreurs par lesquels ils sont passés. Pourtant les eucharisties dans leur simplicité sont marquées par la joie... ça fait vraiment réfléchir
    Les gens qui les fréquentent ne sont pas mes amis, la plupart du moins, mais on est dans le même bateau, un bateau qui navigue vers les grandes eaux, vers l'ouverture
    J'ai repris contact depuis six mois avec cette petite communauté, proche de la clinique où je suis soignée... et j'en suis heureuse...j'y trouve une nourriture pour aujourd'hui
    Personne là n'est un pharisien, personne n'a la prétention d'en savoir plus que les autres
    Un avenir constructif partira de la base, j'en suis sûre, pas des "chefs" qu'ils soient politiques ou religieux

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    1. J'ai l'expérience de « petites communautés », mais en dehors de la sphère chrétienne. Elles m'ont été indispensables, elles le sont encore. J'ai même appartenu à une communauté de vie. j'en ai même animé une autre pendant plusieurs années… cela a noué des amitiés durables, qui tiennent depuis plus de 40 ans.
      Mais tout ce qui est de la sphère catho ( puisque tu parles de célébrations d'eucharisties je suppose qu'il y a un prêtre), m'insupporte totalement.
      Que tu y trouves ton compte ne peux que me réjouir. C'est sans doute là l'essentiel.
      Que les eucharisties, pour une chrétienne, soient des lieux de joie…devrait être l'ordinaire d'une communauté chrétienne, Puisqu'il s'agit du "moment sommet" de la foi catholique.

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  4. Si j'ai bien lu ton post Alainx, il y a comme une impression de chewing-gum sur le trottoir quand il fait 30° et qu'il reste collé à la semelle quelque soit le geste, la décision, la recherche pour s'en débarrasser. Il y a un monde grand comme le firmament entre la vie réelle et humaine et spirituelle et cet enseignement par certains de ces engagés, que je qualifie d'illuminés et qui malheureusement ont infesté l'esprit de tant de gens. Savoir s'en dépêtrer (y compris par de belles rencontres de religieux) pour acquérir une forme de liberté de pensée qui donne la liberté de l'amour à l'autre, aux autres.

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    1. (Désolé de répondre tardivement à ce commentaire qui m'avait échappé…)

      Acquérir cette forme de liberté peut demander du temps, lorsque l'imprégnation mauvaise et ancienne et comprend des éléments particulièrement pervers…
      Cette liberté qui permet parfois de Re-choisir

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  5. Il semble à vous lire que l'amour vous vienne spontanément et facilement. C'est admirable (dit sans ironie)
    J'ai eu plusieurs expériences décevantes en cherchant à me relier avec des personnes qui ne sont pas dans mon entourage naturel. Au prix d'un certain effort, je me place dans une tolérance fraternelle. Mais dans l'amour, non...
    Pour moi, "faire bien" , être "vertueuse" plutôt que "sainte" pour reprendre les expressions du billet cité en référence, c'est déjà pas mal, un gros effort pour ne pas mépriser, pour garder un respect envers autrui, ou même pour pardonner...

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    1. (Désolé de répondre tardivement à ce commentaire qui m'avait échappé…)

      Ah non ! Je ne peux pas dire que l'amour me vienne spontanément et facilement… En tout cas pas dans une telle formule aussi « forte ». Peut-être puis-je dire qu'il y a « un élan vers… » Qui a une certaine spontanéité, qui vient d'une certaine profondeur de soi, pour peu l'on soit ouvert à cette dimension de sa propre personne. Mais ensuite… Pour que cet élan devienne un amour « de qualité » (c'est-à-dire pas trop « conditionnel »), c'est à la fois tout un chemin et une certaine rigueur, qui ne va pas sans efforts.
      Quand vous parlez de « tolérance fraternelle », n'est-ce pas déjà ce mouvement-là qui s'engage ?
      Est ce que vous indiquez dans votre dernier paragraphe, c'est pour moi déjà largement la manifestation d'un amour.
      Mais voilà, en français, ce mot recouvre bien des réalités différentes…
      Merci de ce commentaire.

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  6. Hello,
    merci de ta réponse, je me sentais un peu mal à l'aise d'être un peu décalée. J'aime bien aussi la définition très éclairante d'un amour "de qualité".
    J'ai continué à réfléchir à ton billet, et finalement, il me semble que sans avoir le même vocabulaire pour le dire ni la même expérience vécue, je retrouve l'exécration que tu décris avec les "cathos bourges", qui m'ont longtemps prise de haut parce que je n'étais ni catho ni bourge, et qui me cataloguaient avec le mépris le plus hypocrite, tout en paraissant au-dessus de tout soupçon. Peut-être une autre facette des "pharisiens".
    Je voulais également préciser que le "vous" s'adressait à toi + les commentateurs (trices) qui auraient pu être concernées. Mais je me permets toujours de te tutoyer
    :-))
    Merci de tes billets.

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    1. le Voyageur26 août, 2013

      Je vois très bien le genre de cathos que tu décris… En te lisant, un certain nombre défilent devant mes yeux… cette sorte de condescendance de ceux et celles qui détiennent la vérité absolue et méprisent tous les autres. Dans l'Évangile, Jésus ne cesse de les engueuler copieusement… Mais quand ils lisent cela aujourd'hui… Ils disent que cela s'adresse « aux autres » et certainement pas à eux…
      ( si cela t'intéresse, voici une référence : http://www.lirelabible.net/parcours/voir_ref.php?cle=48
      C'est un extrait de l'Évangile de Matthieu - qui était un sale collecteur d'impôts !! - )

      pour ce qui est du vouvoiement, je comprends mieux ton intention. Il est vrai que cela m'avait surpris quelque peu. Je préfère en effet le tutoiement…

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