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Être toujours voyageur de l'Aube.

vendredi 20 février 2015

79 - Jésus et la femme de Samarie (Jean 4, 5-42) - Texte 2

(suite du billet N° 78)


JESUS lui dit : " Donne-Moi à boire."  (En effet, ses disciples étaient partis à la ville pour acheter de quoi manger.)
 La Samaritaine Lui dit : "Comment Toi qui es juif, Tu me demandes à boire, à moi, une samaritaine ? " (En effet, les juifs ne veulent rien avoir en commun avec les samaritains.)
*

Donc, ils sont seuls, lui et elle, autour de ce puits. C'est ainsi en tout cas que je le conçois. Il n'est pas fait état d'autres personnes, et puis on voit mal comment le dialogue qui va suivre pourrait s'accommoder d'un groupe qui entourerait ces deux là.
Jésus est fatigué, on l'a vu précédemment. Il demande à boire à cette femme qui n'a pas l'air très… catholique… si je puis me permettre cet anachronisme !…
Il faut donc envisager un homme épuisé.
On l'a vu précédemment, il était là en premier. C'est la femme qui arrive ensuite. Pourquoi donc ne s'est-il pas servi lui-même avant, en puisant dans ce puits ?
L'histoire nous raconte plus tard que c'était impossible.« Il n’avait pas de quoi puiser ».

« Donne-moi à boire ! » C'est rude comme formule, non? Même pas de siouplé m’dame ! Plutôt une injonction ! 
À moins que ce ne soit une supplication…
Quelque chose qui relève d'un intense besoin, Comme si son avenir, son destin, sa vie, dépendait d’elle ! C'est assez vrai sans doute. Les disciples sont partis chercher à manger. Ils tardent à revenir. Il a le gosier totalement desséché. Peut-être va-t-il défaillir … 

Mon éducation chrétienne (ma mauvaise éducation chrétienne) fut le plus souvent orientée vers un Jésus, fils de Dieu, genre de surhomme, magicien merveilleux (il fait des miracles !), tenant tête aux puissants (la religion du temps, les occupants romains, les riches etc…), leur remontant les bretelles, les culpabilisant par sa morale implacable, etc.… Bref entre  Schwarzenegger  dans Terminator, et Christopher Reeve dans Superman !

Dans la même veine d’un Jésus totalement transcendant on donne à cette demande une valeur symbolique, Une soif « spirituelle », une soif d'essentiel, une soif d'accomplissement.
Je ne rejette nullement une telle interprétation. À la condition expresse qu'on la relie à la réalité telle qu'elle est présentée : un homme qui meurt de soif à côté d’un puits, qui n'a rien pour puiser une eau qui cependant est là sous ses pieds, et qui ne peut qu'attendre qu'un autre être humain puisse lui donner à boire. 
Alors oui, toute la symbolique des soifs, de la soif, prend alors sa dimension et son importance fondamentale. Si elle n'est pas étanchée, c'est la mort. La mort intérieure, par assèchement de l'eau profonde qui est cependant là, en moi.

Jésus a soif comme un homme a soif, car il est homme en premier.
La même soif que la mienne. C'est pour cette raison que je le choisis pour maître.
Plus je le fréquente, plus il attise  cette soif-là.

*

 "Comment Toi qui es juif, Tu me demandes à boire, à moi, une samaritaine ?

Évidemment, pour bien piger cet épisode du feuilleton, il faut quand même avoir en tête toute l’Histoire de la saga ! Je fais bref pour ceux qui n'ont pas TV-Vatican, qui passe le feuilleton en boucle.
Je l'ai déjà un peu dit, normalement un juif et un samaritain se doivent de se faire la gueule en permanence…  Encore plus UNE samaritaine, qui, rappelons-le, n'est jamais qu'une femme…
Pire que ça, jamais un prêtre ou un lévite ne volera au secours d'un samaritain accidenté sur le bord de la route, de peur de se faire « contaminer » par lui… (voir l'histoire dite du bon samaritain).

C'est un peu toujours comme ça avec Jésus, il ne fait jamais ce qu'il « devrait normalement faire ». 
Ce type est désespérément borderline…
Il transgresse.

Ce que ne fait pas la femme.
Sa question est une attitude nationaliste. Elle rejoint clairement l'actualité du conflit israélo-palestinien… et de bien d'autres du genre…
Je me souviens de ce conflit prud'homal auquel j'ai assisté. Ce contremaître licencié, qui avait des travailleurs nord-africains sous ses ordres et déclarait, droit dans ses bottes, à la barre du tribunal : — De toute façon je parle pas aux arabes !

Autrement dit, soyons clair, elle ne lui donnera pas à boire… et pourtant… il est plutôt beau gosse ce type quand même…Et si c'était un plan drague!? ( et s’en est un ! On va le voir plus tard… — oui je sais on n’a pas présenté les choses comme ça au catéchisme…
Mais elle ne cédera pas ! Même rejetée par les siens, son nationalisme est là, et bien là.

« Étrange étrangers »
Voilà ! Il n'y a pas beaucoup d'alternatives quand on est en relation où l’autre est un étranger. L'étranger on le rejette. Il n'est pas« de chez nous » il n'est pas  « comme nous » (Taty Marine nous le serine aux oreilles). Dans le meilleur des cas on s'intéressera à lui quelque peu, on le tolérera, on se montrera bienveillant, on s'intéressera à sa culture si différent de la nôtre, si amusante finalement… et puis, on en aura des choses à raconter en rentrant…
Mais que l'étranger devienne son intime... c'est plus rare...

Pour Jésus, c'est complètement autrement.
On va le voir avec la réponse qu'il lui fait. Il va s'adresser à elle en tant que personne humaine. Rien de moins. Rien de plus. Quelque chose hors culture, hors religion, hors pays…

Ce type est vraiment bizarre…
Complètement en décalage avec son temps. Et en même temps complètement dedans.

Je vois combien il me faut constamment revenir là. En particulier dans l'actualité présente. Comment Regarder comme des personnes humaines, totalement humaine, autant que moi je le suis, tous ces « étrangers » qui gravitent autour de moi, du Rom qui mendie au coin de la rue, aux djihadistes massacreurs, en passant par cette voisine que je salue gentiment mais à qui je n'ai jamais parlé…
Comment m’éduquer à un regard comparable au sien ?


(à suivre…)

7 commentaires:

  1. j'aime comment tu parles de Jésus
    et à vrai dire, la façon dont tu nous en parles, résonne à ce point à mon coeur d'humaine, que je me mets "en route" vers lui, que je voudrais l'approcher, l'aimer même...
    oui je me mets à l'aimer
    cela veut dire qu'il devient présent dans ma vie
    j'y pressens un grand mystère
    et en même temps une sécurité
    merci!

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    1. Tes propos me touchent....
      Les deux dernières lignes sont importantes pour être en lien avec cet homme.
      Merci de formuler ainsi
      Ensuite... je n'ai rien à ajouter... c'est entre toi et lui maintenant...

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  2. Comme Coumarine je peux dire " J'aime comment tu parles de Jésus..." Entre le Jésus qui travaille ta vie (dont tu parles dans ce commentaire) et celui qui travaille la mienne, je reconnais le même souffle. Et cela fait naître chez moi une étrange parenté avec toi.
    "Etrange" parce que toi, tu dis que le Jésus dont tu parles n'est pas celui dont parle l’Église. Moi, j'appartiens à cette Eglise et je dis : "Ce Jésus est celui de l'Eglise mais il n'est pas celui dont les curés et les notables se servent pour maintenir leurs prétendues valeurs, leur emprise et leur pouvoir sur les croyants." En fait, nous sommes peut-être d'accord toi en repoussant l'Eglise et moi en repoussant ce qui à mon avis dans l'Eglise est le contraire de Jésus-Christ.
    Merci à toi qui, par ce blog, permet cette reconnaissance mutuelle d'une communauté de foi qui dépasse nos frontières. Mais peut-être ai-je mal interprété ta position?
    J'ai écris, il y a déjà quelque temps, un commentaire sur la Samaritaine. Je te l'indique en cadeau... tu sais comme un simple signe mais qui n'oblige en rien à lire le texte : http://www.dieumaintenant.com/lheurevient.html
    Enfin j'ai employé le tutoiement parce que c'est venu comme cela et que je ne me souviens plus si la dernière fois on se disait tu ou vous... mais je peux passer au "vous" s'il te plaît mieux ainsi : cela ne changerait pas un mot du contenu de ce commentaire!

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    1. Si ma manière de parler de Jésus ne fait pas bondir une théologienne… tu m'en vois ravi… :-)
      (ceci est en forme de clin d'œil…).
      Ma position, je pense que tu la connais. Elle résulte en grande partie de mon histoire personnelle, telle que j'ai pu en parler assez longuement dans les premiers temps de ce blog. Elle résulte aussi des constats navrants que je peux observer, comme d'autres, quant à ce que j'appelle de véritables déviances de la part de l'église institutionnelle et de tous ceux qui approuvent, promeuvent ses prises de position en tout domaine.
      Mais, même sur le plan strictement religieux et/ou spirituel, il se fait qu’il m'est impossible depuis déjà un certain nombre d'années d’adhérer à ce qu'il est convenu d’appeler « le credo chrétien ».
      Ce sont les raisons pour lesquelles j'ai quitté la religion chrétienne.

      Ensuite, je veux bien dialoguer avec toute personne qui porte un intérêt à ce Jésus, et qui témoigne de l'importance que cette personne peut avoir ou a pu avoir sur sa vie et le cours de son existence. Du moment que l'on sorte des débats théoriques et stériles qui alimentent depuis des siècles le microcosme catholique et/ou chrétien…
      Jésus, c'est juste une histoire de rencontre… Elle intéresse… Ou pas… Elle transforme… ou pas… une rencontre qui peut passionner et même qui peut être passionnelle (voir quelques grand(e)s mystiques…).
      Écrire sur ce blog est à la fois une petite aventure personnelle d’approfondissement de ma relation à ce « fils de l’homme », par ce que je rends public, et que jusqu'à présent mes écrits à ce sujet étaient privés. C'est aussi un désir de témoignage tout simple, en essayant de montrer comment cet homme peut être proche aujourd'hui, et que, même si pour comprendre il faut un minimum replacer dans le contexte d'une époque, le message a une dimension hors du temps, puisqu'il me semble que par sa personne, cet homme a atteint autant le sommet que la profondeur de ce que peuvent constituer l'essence même d'un humain « se cherchant et se pensant spirituellement » pour autant que cela puisse avoir un impact sur sa vie personnelle et son action dans le sens d'un plus d'humanisation de l’humanité.
      Ce jésus est pour moi la figure d'une intense fidélité. Il fait l'unité pensée-action ; ce qui n'est pas si fréquent… et pour ma part j'en suis loin… fidélité à lui-même, fidélité a une mission, don de lui-même et de sa vie d’homme.
      C'est déjà pas mal… Et en plus on lui attribue le« bonus» d'être Dieu en personne…
      Ça c'est encore une autre histoire, il faudra bien que j’y revienne certainement…
      Car en effet… tout cela au nom de quoi ? De qui ?

      Bon… ça peut sans doute paraître assez pompeux ce que je dis là… dans la réalité de mon existence c’est assez simple… quoique !…

      Pas de problème pour le tutoiement… au contraire…

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    2. Théologienne ou pas, je suis d'abord comme toi quand tu écris sur ton blog : dans une tentative de dire le travail intérieur qui dépasse tout ce qu'on peut imaginer ou concevoir... et qui est donc impossible au bout du compte à dire... Cela n'a rien de pompeux... vraiment rien à mon avis!
      Merci de t'être lancé dans cette aventure de l'écriture... aventure souvent bien aride et dont ceux qui te lisent n'ont qu'à récolter le fruit... s'ils le désirent !

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  3. J'aurais bien voulu entendre le ton que Jésus a employé pour faire cette demande à la samaritaine: Le ton plaintif d'un homme qui mendie ?!!! le ton d'un homme qui veut provoquer une réaction? le ton d'un homme qui sait ce qu'il veut et ce qu' il désire?le ton charmant d'un homme qui veut entrer en relation ?!!!
    Il a soif il a besoin d'eau mais il veut aussi selon moi entrer en relation avec cette femme... Autour d'un bon verre ou au cours d'un bon repas, il est plus facile, de parler, d'échanger, d'entamer une discussion... Ici dans l'histoire, cela va être chaud!!! de quoi retourner complètement cette femme. C'est cela ce qu'on appelle une conversion.

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    1. À chacun(e) sans doute "d'entendre" dans son être personnel "le ton" que Jésus a avec lui/elle en ce moment même...
      Sinon, c'est juste une petite histoire plaisante.... (ou pas...)

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