Seuls existent les commencements,
les aurores nouvelles,
qui nous tirent de nos nuits.
Être toujours voyageur de l'Aube.

vendredi 29 septembre 2017

101 - Quelle Justice ? Dans quel Monde ?

Sur un site Internet, il est proposé de méditer sur les ouvriers de la vigne qui reçoivent le même salaire alors qu'ils n'ont pas travaillé le même nombre d'heures…

Je le reprends ici pour ceux qui ne connaîtraient pas :


« Le royaume des Cieux est comparable au maître d’un domaine qui sortit dès le matin afin d’embaucher des ouvriers pour sa vigne. Il se mit d’accord avec eux sur le salaire de la journée : un denier(*), c’est-à-dire une pièce d’argent, et il les envoya à sa vigne. Sorti vers neuf heures, il en vit d’autres qui étaient là, sur la place, sans rien faire. Et à ceux-là, il dit : “Allez à ma vigne, vous aussi, et je vous donnerai ce qui est juste.” Ils y allèrent. Il sortit de nouveau vers midi, puis vers trois heures, et fit de même. Vers cinq heures, il sortit encore, en trouva d’autres qui étaient là et leur dit : “Pourquoi êtes-vous restés là, toute la journée, sans rien faire ?” Ils lui répondirent : “Parce que personne ne nous a embauchés.” Il leur dit : “Allez à ma vigne, vous aussi.” Le soir venu, le maître de la vigne dit à son intendant : “Appelle les ouvriers et distribue le salaire, en commençant par les derniers pour finir par les premiers.” Ceux qui avaient commencé à cinq heures s’avancèrent et reçurent chacun une pièce d’un denier. Quand vint le tour des premiers, ils pensaient recevoir davantage, mais ils reçurent, eux aussi, chacun une pièce d’un denier. En la recevant, ils récriminaient contre le maître du domaine : “Ceux-là, les derniers venus, n’ont fait qu’une heure, et tu les traites à l’égal de nous, qui avons enduré le poids du jour et la chaleur !” Mais le maître répondit à l’un d’entre eux : “Mon ami, je ne suis pas injuste envers toi. N’as-tu pas été d’accord avec moi pour un denier ? Prends ce qui te revient, et va-t’en. Je veux donner au dernier venu autant qu’à toi : n’ai-je pas le droit de faire ce que je veux de mes biens ? Ou alors ton regard est-il mauvais parce que moi, je suis bon ?” C’est ainsi que les derniers seront premiers, et les premiers seront derniers. "

(*) un denier/jour = un salaire plus que correct
un soldat romain gagnait environ 20 deniers par mois

———————— 

Voici ce que ce texte m'a inspiré :

Dans le monde actuel, un patron comme ça ne va pas tarder à avoir une grève générale et tous les syndicats sur le dos ! : Comment ça ? des types qui ont bossé seulement deux ou trois heures, recevraient le même salaire que ceux qui ont trimé toute la journée du matin au soir ?
Franchement : quelle injustice sociale !
Vite, tout le monde aux prud’hommes ! Pour réclamer cette égalité sociale tout à fait légitime.
Dans le monde actuel, il y a toutes les chances qu'ils obtiennent satisfaction. Si on a travaillé dix heures, on a droit à un salaire supérieur à celui qui a travaillé trois heures. C'est logique, imparable, tout à fait normal.

Tant que l'on reste dans ce genre de discours  du : j’ai droit, j'ai pas droit, j'exige d'avoir, il est anormal qu'il y ait des plus riches que moi (qu'il y ait des plus pauvres est-ce que c'est normal ?…  On se posera la question plus tard, quand on aura le temps… de toute façon, on n'a pas le temps…)
Autrement dit, dans ce monde-là, il n’y a de la place que pour les rapports de force, pour la perpétuation du couple dominant/dominé.
Les opprimés d'aujourd'hui, ont vocation à devenir les oppresseurs de demain.
L’histoire des humains est remplie d'exemples du genre.
—————
Oui mais là, on est « au royaume des cieux ».
Les rapports humains sont d'une tout autre nature.
Au « royaume des cieux » il n'y a qu'une unique loi : la générosité. Non pas l'abondance qui ne peut que créer un clivage entre ceux qui ont beaucoup, et ceux qui ont très peu. car l'abondance a nécessairement son pendant : la disette ; mais la générosité du don « sans mesure ». Pour arriver à cette générosité-là il faut : « travailler à la vigne ».

La vigne symbolise l'aspect divin de la personne humaine. Ce « plus que lui » qui le dépasse, le transcende, rend capable de grandes choses dans le sens d'une construction positive de soi-même, et d'une générosité vis-à-vis d'autrui, qui en découle naturellement. Il faut donc faire émerger ce divin en soi, ainsi que Jésus l'a fait lui-même.
Pour cela, observons que nous devons tenir des deux :
— Nous sommes à la fois des maîtres de la vigne, car nous disposons tous de ce « plus que soi en soi » qui ne nous appartient pas, dont nous sommes dépositaires pour le cultiver et le donner autour de soi.
— Nous sommes en même temps des ouvriers embauchés au service de la vigne, c'est-à-dire de « l’humanité nouvelle ». Ce qui pour moi est synonyme de « royaume ». L’important n’est pas que l’on soit maître ou ouvrier. L'important est que l'un comme l'autre soient au service de la vigne.

Je connais plein de gens qui sont passés dans le « royaume des cieux » et qui ont une générosité sans bornes, toujours prêts à donner d’eux-même , sans attendre d'autres retours que de recevoir le denier d'une vie décente.

À celui qui sait regarder, il peut constater que ce royaume-là est à l'œuvre dans « le monde d'aujourd'hui » et il produit des grappes de bons fruits directement issus de cette générosité. Ces personnes-là sont sorties de la revendication stérile, de l'égocentrisme qui immobilise, de la recherche du profit personnel qui pourrit et gâte les raisins.
Ces personnes dont la générosité est devenue naturelle, forcent chaque jour mon admiration.

S'il devait en être autrement, alors c'est que Jésus aurait totalement loupé sa mission…

19 commentaires:

  1. A Bruxelles en moment, il y a des migrants en nombre qui se sont réfugiés dans un parc (le parc Maximilien. Certaines nuits ils sont brutalement chassés de leur sac de couchage, frappés priés de décamper
    Une centaine de civils ont organisé une résistance: ils accueillent chez eux pour le temps qu'il faut (pour les nuits plutôt) les migrants qui le souhaitent
    100 personnes comme toi et moi, ont cette grandeur d'esprit!
    Voilà! sans peut-être le savoir ils construisent ce Royaume
    Merci pour ce billet

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Cet exemple de faits concrets est intéressant, d'autant que Jésus était lui-même un migrant.
      Il n'a fait qu'aller de contrées en contrées. Rejeté chaque fois par les autorités.
      Cela a fini comme il se devait : une condamnation à mort ressemblant un assassinat, par l'autorité politique en place.
      2000 ans plus tard force est de constater que le « monde ancien » n'est pas là de disparaître.
      La seule chose qui compte c'est de, personnellement, choisir son camp…
      et surtout comme font ces gens : AGIR ! ( pas par des paroles mais par des actes)

      Supprimer
  2. ces civils ne réclament pas des euros pour l'eau de la douche, ni pour le repas qu'ils offrent à ces gens
    Moi ça m'épate!
    et l'exemple fait des petits... c'est étonnant!

    RépondreSupprimer
  3. Voilà ce que m'inspire cette belle parabole:

    Je pense à tous ces gens qui ont défilé, ces derniers temps, sous la bannière "manif pour tous" comble du paradoxe, non pas pour obtenir des droits pour eux, mais pour interdire à certains d'avoir les même droits qu'eux.
    Mais qu'est-ce que ça peut leur foutre que des homosexuels se marient ? Ça ne leur enlève pas le droit de se marier eux mêmes...Cette justice "en négatif" est terriblement injuste, surtout de la part de gens qui ont certainement lu la parabole de la vigne...

    Et dans ce royaume des cieux où la générosité prime, pas un des ouvriers de l'après midi ne fait remarquer au patron qu'il est trop payé par rapport à son camarade du matin ? Chacun empoche son denier sans rien dire...
    Les hommes sont bien imparfaits quelles que soient les latitudes...
    Moi je rêve d'un monde où la générosité ne se mesurerait pas en deniers...

    Bisous
    ¸¸.•*¨*• ☆


    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. C'est une erreur, me semble-t-il, de penser que les gens de la manif pour tous lisent les Évangiles.
      Ils suivent comme des moutons les directives de la religion catholique, dans ce qu'elle a de plus détestable et de politisé..
      Pour cela, pas besoin de lire l'Évangile. Cela les remettrait bien trop en cause !

      Quant à ton deuxième paragraphe : je ne peux que t'inviter à méditer plus loin le texte en question.
      Peut-être te sera-t-il donné un jour la lumière qui te fera comprendre justement pourquoi ce n'est pas comme tu crois que cela devrait être.

      Enfin… si toutefois ces vieux textes ont un quelconque intérêt à tes yeux !

      Supprimer
  4. Si ces vieux textes n'avaient pas d'intérêt pour moi, je ne serais pas là. ;-)
    Je rectifie ma phrase: "surtout de la part de gens qui sont censés avoir lu la parabole de la vigne"
    Pour le reste, je ne sais pas pourquoi ce n'est pas comme je crois que ce devrait être.
    Je me dis que dans mon royaume des cieux à moi, il n'y a pas de patron et pas d'ouvrier...Juste des êtres humains conscients d'appartenir à un grand tout, et heureux de vivre dans le respect et l'harmonie, chacun faisant selon ses possibilités.
    Je suis une utopique, une utotrèfle, une utocoeur. ;-)
    ¸¸.•*¨*• ☆

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. L'utopique ne risque-t-elle pas de tomber sur le carreau du réel… ? ;-)

      Supprimer
    2. Un jour, un commentateur (qui ne vient plus chez moi, d'ailleurs) m'a dit que je devais ranger ma boîte à délires.
      Il parlait de mes émerveillements, de ma poésie, de ma naïveté, et de mes utopies.

      Et si tout cela protégeait de la réalité, dans le sens où cela permet de mieux l'appréhender ?
      Et puis, qu'est-ce que le réel, je me le demande...
      ¸¸.•*¨*• 🦋

      Supprimer
    3. « Le réel est impossible » comme disait Lacan. En ce sens, l'utopie est un réel.
      Tu évoques souvent, dans tes textes, l'utopie d'un monde parfait. Cet idéal sans tache, sans défaut, sans luttes, sans conflits. C'est un sujet assez récurrent dans tes écrits.
      Cela répond bien en effet à la définition de l'utopie = qui n'existe nulle, part.
      Il me semble que cela ne peut pas se mettre sur le même plan que l'émerveillement, la poésie ni même la naïveté…
      Ces trois éléments la constituent des composantes du réel observable chez l'humain.
      Tu dis que cet ensemble te « protégerait de la réalité ».
      À mon tour je m'interroge : de quelle réalité exactement as-tu besoin de te protéger ?

      Supprimer
    4. De celle qui me fait mal. Tout simplement.
      Il m'est intolérable, et ce depuis toute petite, de voir des images de violence, de folie meurtrière, de destruction, etc...
      Ça me blesse terriblement dans ma chair.
      Et puis, il y a aussi quelque chose que «cet ensemble » comme tu dis, me permet d' oublier de temps en temps, (ou de mettre entre parenthèse) mais avec laquelle je dois vivre tout le temps.
      Mais ça, je ne peux pas en parler ici. ;-)
      ¸¸.•*¨*• ☆

      Supprimer
  5. Texte très fort, comme d'habitude Alain ! Quant à moi, travailler à la vigne est un privilège, une immense richesse dont les nouveaux venus n'ont pas encore bénéficié.
    Et oui, "ce royaume-là est à l'œuvre dans « le monde d'aujourd'hui »". Quoi faire d'autre de sa vie que d'être au service de la vigne ? L'amour est une denrée bien spéciale... plus on en donne, plus il en reste. kéa

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Cette denrée de l'amour que tu évoques me fait penser à la multiplication des pains…
      il n'y avait pas grand-chose au départ. Puis, lorsque tout le monde s'est décidé à partager ce qu'il avait… ce fut l'abondance et la surabondance…
      Bon, les savants exégètes et fondamentalistes ont dit que c'était de la magie miraculeuse !
      ( et dire que j'y ai cru quand j'étais gosse… bon, passons… Il faut bien que jeunesse se passe…)
      En réalité, c'était tout simplement le miracle de l'amour…
      Il suffit de bien regarder autour de soi. En ce sens le monde est miraculeux…
      Sauf bien entendu, pour les pisses vinaigre…

      Supprimer
    2. L'amour d'abord ensuite l'abondance. L'abondance sans l'amour est ce que l'ont voit maintenant et c'est l'enfer. kéa

      Supprimer
    3. @kéa
      Plus j'aime, plus il y a de l'amour disponible en moi et le goût de donner sans retour. C'est le constat que je fais à mon âge avancé…
      Chez la jeune génération, il existe une certaine tendance à « l'amour comptabilité » soit on comptabilise le nombre de partenaires, soit on comptabilise ce que l'on a donné, et en échange on demande le retour, en plus avec des intérêts…
      le mercantile réussit à contaminer l'amour…
      c'est un peu triste… plus qu'un peu, d'ailleurs…
      Hélas, comme tu le dis justement, c'est l'enfer… cet endroit de nous ou la calculette remplace le cœur…
      « après tout ce que j'ai fait pour toi, "tu me dois" bien ça… »

      Supprimer
    4. Les jeunes subissent un lavage de cerveau immense dès leurs premières années. À l'école on leur enseigne la compétition, presque jamais la coopération.. être le meilleur, le meilleur, gagner sur l'autre. Je pense que ça peut leur prendre plusieurs années d'insatisfaction dû à ce régime avant de se révolter et d'aller comme nous à la recherche de l'amour véritable. Il leur faudra découvrir eux aussi ce que tu dis : "Plus j'aime, plus il y a de l'amour disponible en moi et le goût de donner sans retour. C'est le constat que je fais..." et le plus tôt possible, car le temps commence à presser. kéa

      Supprimer
  6. Si on commence à compter on est foutu...la gratuité est rare de nos jours. Si je ne m'élève pas un peu plus haut de la terre je penserais aussi que ce n'est pas juste... Mais si je regarde un peu plus haut,je comprends bien l'attitude de Jésus.Sa générosité va au dessus de tout calcul. Ils sont arrivés en retard mais ils sont venus c'est cela le principal...
    Mais j'aurais quand même dit merci et je l'aurais embrassé mais pas peut-être devant les autres pour ne pas les faire mousser davantage...
    Jésus dit à l'un :" Va t-en ". C'est un peu dure dure...
    Parfois j'agis aussi ainsi avec mes enfants mais je crains à chaque fois que le plus que je donne à l'un ou l'autre qui est dans le besoin, soit mal interprété par les autres... Et de devoir rappeler à certains que je les aime autant mais que l'autre a besoin d'aide et que donc ...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. À propos de ton dernier paragraphe, ce que tu exposes est toujours une situation délicate. Mais, dans la mesure où tes actes sont expliqués aux autres, exposant comme on dit « le pourquoi du comment », je pense que tu as fait ta part avec justice. Les interprétations qui peuvent alors être faites ne sont pas de ta responsabilité…
      enfin, je vois cela comme ça…
      ------
      Jésus dit à l'un :" Va t-en ". C'est un peu dure dure...
      Je ne sais pas s'il faut lire cette expression comme une injonction. L'explication qui précède ne semble pas l'induire.
      Cela dit, je ne perçois pas, dans l'ensemble, Jésus comme un « gentil, gentil ». chaque fois qu'il parle de l'amour et du don de soi, ce n'est jamais en des termes affectifs gentillets.
      Mais par ailleurs il est d'une bonté assez étonnante… notamment avec ses ennemis…
      Jésus est un personnage d'une extraordinaire complexité. Toute approche simplificatrice apparaît comme une erreur.
      C'est là pour moi l'intérêt : on peut le méditer pendant des années et des années… cherchant évidemment un enseignement pour soi-même

      Supprimer
  7. Ta lecture de l'Evangile redonne envie de le lire
    J'aime aussi beaucoup la citation de Marcel Légaut
    Et merci pour ton commentaire sur mon blog

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je me réjouis de ton envie de lecture. Il me semble qu'il faut complètement dépoussiérer les Évangiles de tout ce qu'on a pu nous raconter, si on a reçu une éducation catholique forcément plus ou moins traditionnelle de l'époque.
      Les propos de Jésus sont une source de méditation sans fin.… Enfin, en ce qui me concerne !
      Et merci aussi à toi pour ton passage par ici.

      Supprimer

Si vous avez des difficultés à poster un commentaire ou si celui-ci n'apparaît pas, vous pouvez me l'adresser à : alainxenreve (at) yahoo.fr
Merci.
Je le publierai en votre nom.