J'ai retrouvé un texte de mon journal intime, écrit il y a 27 ans…
J'y ai apporté quelques brèves retouches, par souci de compréhension, ou pour raisons de confidentialité.
Ce texte me semble bien résumer cette période-là.
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Quand je prends conscience de ma suspicion spontanée face à un des textes écrits par un curé, un évêque, etc. suspicion de mon organisme psychique tout entier, ressentie dans mon ventre est très incrustée en moi, cela me fait vivre des sentiments contradictoires :
— il y a une méfiance très grande
— une suspicion mêlée d'attirance profonde
— une violence faite d'une critique acerbe je suis sur la défensive, cherchant tous les points que je pourrais critiquer afin de démontrer que j'ai raison, qu'ils dissent des conneries, des faussetés, qu'ils n'ont rien compris, — qu’ils galvaudent, trahissent un essentiel, se croient mieux que les autres.
— il y a aussi une rage d'être obligé de reconnaître qu'ils n'ont pas complètement tort. Une rage d'avoir à être contraint de capituler, devant eux, mais aussi devant moi-même, comme si j'étais toujours condamné à être ultime perdant, capitulant dans l'humiliation. Comme si j'allais être contraint de m'abandonner à eux, dans un acte de soumission obligée : obligé parce qu'il ne peut en être autrement.
Me soumettre à mes bourreaux parce qu'ils sont censé être des maîtres, et que je me crois quelque part obligé de le reconnaître. Tous ces sentiments négatifs, cachent une grande douleur, une blessure profonde, que nul ne connaît vraiment, et dont moi-même j'ignore la profondeur. Une blessure tragique. La tragédie étant qu'elle a été causée par ceux-là mêmes qui avaient mission d'accompagner ma recherche, alors qu'ils se sont ingéniés à me couper de cette intimité de l'origine, tout cela parce que j'avais vaguement osé la leur montrer. Ils m'ont éloigné de Dieu Amour. Ils m'ont fait croire et enseigné un faux Dieu. Les Frères Des Écoles Chrétiennes ont cherché (et réussi) à me faire croire à leurs idoles froides, dont je ne pourrai jamais m'approcher, moi, l'indigne, le dernier de la classe, le mauvais élève, le sale garçon.
Ils ont créé en moi une horrible confusion dont je ne sais comment me sortir. Pour laquelle il ne me semble pas y avoir d'issue.... Sauf peut-être de me laisser-aller à la souffrance que j'en ressens et de consentir à l'existence en moi de cette tragédie. Et aussi osé croire que moi, j'avais raison contre ces hommes froids d'église, ces préfets de division. (Je réalise qu'il portait bien leur nom ! Préfets de la division. Ils m'ont divisé, coupé en deux d'un coup tranchant, du haut de l'autorité qu'ils s'étaient attribuée). Ils m'ont fait mal, avant comme après ma polio. J'avais raison contre tous dans cette froide institution S., mais je n'ai pas pu, pas su, pas réussi à faire entendre ma petite voix de la raison profonde. J'ai peine d'oser écrire ainsi que j'avais raison contre eux, comme si je ne pouvais y croire vraiment, comme si ma révolte ne pouvait être perçue par eux, mais aussi par moi-même, que comme celle d'un sale gamin qu'il faut mater.
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Rappel : ce texte date de 27 ans.
Je ne dirais plus aujourd'hui de la même manière ...
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Rappel : ce texte date de 27 ans.
Je ne dirais plus aujourd'hui de la même manière ...
Je suis "remuée jusqu'aux entrailles" par ce texte, vous le savez, j'aurais pu presque l'écrire mot pour mot (si je les maniais bien) en remplaçant Les Frères par les Hussards. J'ajouterai une autre blessure : non seulement je n'ai pas résisté à leur emprise mais j'ai collaboré à leurs actions dans l'espoir fou de ne plus être celle qu'on rejette, la bonne à rien, l'exclue de toujours et de partout, dans l'espoir fou d'être aimée ( et ceci en étant bien consciente que j'aurais été aimée pour ce que je n'étais pas). Et en écrivant les mots de résistance et de collaboration sajoute l'inévitable question : qu'aurais-je été capable de faire en ces temps troublés ?
RépondreSupprimerCe texte aurait pu être écrit par mon frère. Je sens dans ton texte la même rage ,la même résistance que lui .Il a été cassé physiquement et psychologiquement en mille morceaux par ces curés...Il ne s'en est jamais relevé... Je crois l'avoir déjà raconté lors d'un marathon où j'y relatais son suicide à 45 ans.Il aurait 64 ans aujourd'hui.
RépondreSupprimerJe pense à lui souvent.
Terriblement touchée par tes mots
RépondreSupprimerQue tu dis être encore si vrais pour toi aujourd'hui...
Merci de nous avoir "confié" ce vieux texte si actuel...merci
à quelque chose prés Yolanda aurait pu écrire cela de ses parents... :S
RépondreSupprimerFort.
Yolanda*
"Ils on crée en moi une énorme confusion"; Cette phrase comme tu le sais m'a interpellée, parce que la confusion, le doute c'est une blessure, une souffrance: ne pas savoir, ne pas comprendre donc ne pouvoir pas non plus être dans le supposé désir de l'autre;
RépondreSupprimerje crois que cette confusion vient de ceci: d'un côté il y a un Dieu qui est venu gratuitement pour tous les hommes, donc pas de mérite à cela. Et de l'autre, si toi tu n'es pas méritant (pas un bon élève) alors tu n'as pas le droit d'être aimé par lui...
Il y avait certainement aussi dans leurs discours quelque chose de la double contrainte, avec des choix impossibles.
A plus....
i
Ce qui chez moi a causé la confusion, c'est qu'il y avait d'une part le discours moralisateur, avec ses consignes rigides, et le vécu de ces curés qui étaient loin de correspondre
RépondreSupprimerIls affirmaient "blanc" en jugeant, condamnant si on vivait autrement, mais certains d'entre eux (et je crois qu'ils sont nombreux!) vivaient gris ou noir
J'en ai connu des comme ça de très près, et effectivement cela m'a crée de la confusion
Nicole,
RépondreSupprimerJe comprends tout à fait.On est prêt à beaucoup, - beaucoup trop, - pour ne pas être rejeté et espérer recevoir ainsi une reconnaissance, qui malheureusement ne viendra jamais de cette manière…
On ne peut pas « acheter de l'amour ». Il n'y a aucun prix à payer. Il ne peut résulter que d'une générosité, d'une gratuité, de l'autre.
Sinon on est dans la transaction…
Mais… On fait comme on peut… Avec nos fragilités, qu'il faut aussi aimer pour ce qu'elles sont…
Charlotte,
RépondreSupprimerJe pense à ton frère en cet instant.
Je t'embrasse.
Coumarine,
RépondreSupprimerce texte conserve une certaine actualité pour moi aujourd'hui, même si je n'écrirai plus tout à fait la même chose.
L'objectif de ce blog est de « dépasser » cela, ainsi que clarifier certaines choses en moi en vue de les dénouer.
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Yolanda,
bienvenue au club !
Giboulée,
RépondreSupprimermerci pour ce commentaire particulièrement juste et éclairant par sa sobriété et sa pertinence.
Ta référence à la double contrainte m'éclaire tout à coup...
( je t'en dirai plus ailleurs)
Coumarine, (ton deuxième commentaire),
RépondreSupprimerÀ partir du moment où le référentiel est la conscience morale, il me semble en effet que l'absence d'exemplarité génère la confusion.
Comment ne pas se sentir trahi quand on choisit une communauté par amour, par vocation et qu'on n'y trouve finalement que les règles les plus stupides de la vie des hommes?
RépondreSupprimerJe pense qu'il en est de même pour tous ceux qui mettent leur âme dans leur métier, mais c'est probablement mille fois plus violent quand ce "métier" est "fait d'âme".
Avec une école de commerce je ne risquais pas la déception, quoique même là, j'ai trouvé le moyen d'être écoeurée par la médiocrité de la majorité régnante. Ouf, j'y ai recontré mon mari, une oasis dans le désert! Autant te dire, après, on s'est plus jamais quittés! Plus question de mourir de soif quand on sait que l'eau existe.
C'est complexe cette histoire de « mettre son âme dans son métier ». C'est toute l'ambiguïté de se donner dans un métier que l'on aime. (… À supposer qu'on l'aime…). On peut mettre son âme dans une vocation. On peut faire d'une vocation un métier. Mais mettre son âme dans une multinationale ou les orientations fondamentales nous échappent, où chacun est là avec des motivations excessivement diverses, où on peut se faire lourder du jour au lendemain (même avec un gros chèque), c'est quand même bien problématique de mettre son âme là-dedans…
RépondreSupprimerC'est bien parce que j'appartenais à une administration « sans âme » que j'ai quitté pour exercer en libéral. Et je crois pouvoir dire que j'y ai mis toute mon âme… Ça donne la force de vivre les difficultés. Cela n'en enlève aucune… bien au contraire… Le client est parfois pire que le supérieur hiérarchique…
Par ailleurs, je te rejoins pleinement sur l'oasis au coeur du désert, que constitue une relation de couple où l'on trouve un soutien mutuel dans l'amour.
Certaines personnes ne peuvent faire autrement que de mettre leur âme dans ce qu'elles font, ce sont ces personnes là que j'aime. Ce n'est pas si complexe je crois, c'est juste comme ça. Comment pourrais je te dire que j'aime mon métier? Je vends de l'informatique de très haut niveau (partant du principe qu'une télé pour moi relève de la magie) à des banquiers. Bref. Pourtant, j'y mets souvent mon âme: relier des gens, faire en sorte que des projets avancent, car ils l'aboutissent jamais sans l'humain, entendre les besoins d'une personne, remettre de l'harmonie...et tu sais quoi, ça marche. Je quitte souvent les entreprises, je n'y trouve pas mon compte en valeurs, je supporte mal l'incompétence de ma hiérarchie, mais le temps que j'y suis, j'y vis des choses incroyables. C'est comme ça, personne ne comprend jamais pourquoi je m'en vais, mes résultats sont bon, je suis appréciée, mais je n'apprends plus, les concessions qu'on me demande sont trop grandes.
RépondreSupprimerJ'adorerais travailler dans un domaine plus "proche des humains", mais je ne crois pas que je supporterais les travers que j'accepte dans ce métier dont je n'attends pas grand chose, et qui par ailleurs me permet de rencontrer beaucoup d'humains, dont certains vraiment pleins de belles surprises. Je pense que tu comprends ce que je dis. Par exemple, un médecin sans âme, c'est un non sens innacceptable pour moi. Un psy manipulateur aussi. Un commercial sans âme et manipulateur, ma foi, c'est un gars qui fait son boulot comme on lui demande s'il rapporte du chiffre. Pour les clients je vois très bien de quoi tu parles, mon père est aussi en profession libérale :-) "Inapte à l'obéissance et aucun goût pour le commandement", j'adore cette formule de Pennac.
Je ne doute pas que tu aimes ton métier que tu t'engages dans ce que tu fais. Ton blog en témoigne. Lorsqu'il y a en nous de l'agacement pour ce qui se vit autour de nous, dans le milieu professionnel en particulier, ce n'est pas en soi un sentiment négatif (pour autant qu'il ne génère pas des actes contre-productifs), c'est plutôt le signe que justement, on donne beaucoup de soi-même (on y met son âme comme tu dis). Et on attend des autres la réciproque.
RépondreSupprimerCe que je soulignais rejoint, il me semble, ce que tu dis des concessions qui ne sont plus tolérables pour soi. Tu as cette chance de pouvoir partir pour ailleurs. Tant mieux. C'est signe de ta valeur. Je pensais à ceux qui sont dans l'obligation de rester pour toutes sortes de raisons, et donc de subir, voir de se renier plus ou moins.
Le fin de ton texte est aussi intéressante. Je comprends bien ce que tu dis. On a sans doute des exigences plus forte pour celui qui s'engage dans un travail "à forte valeur humaine ajoutée."
Cela serait-il un frein pour toi ?
Parce que au final, les humains… Sont les humains… Avec leur limites et leur faiblesse, quels que soient les styles d'engagements qui sont les leurs.
Tu ne m'en voudras pas de faire cette petite référence-là de Patrick Fiori dans notre dame de Paris...
RépondreSupprimerLe fond de ton texte m'a renvoyé à cette déchirure vécue entre mes deux cultures et cette chanson m'est venue en tête...
Déchiré
Je suis un homme dédoublé
Déchiré
[...]
Est-ce ma faute si je suis un homme normal ?
L'une pour le ciel
Et l'autre pour l'enfer
L'une pour le miel
Et l'autre pour l'amer
L'une à laquelle
J'ai fait tous les serments
Et l'autre avec laquelle
Je les démens
Oui, ce texte dit bien les choses. Je ne le connaissais pas. Il faut dire que les comédies musicales n'ont jamais vraiment été ma tasse de thé !!! ;-)
SupprimerQuant à ta déchirure entre deux cultures, je crois la comprendre quelque peu.
En élargissant un peu le débat, je pense à tout ce que nous disons (en France) à propos de l'intégration... Je ne parle pas ici des problèmes d'extrémismes et de terrorismes, c'est encore autre chose. Mais à toutes ces personnes transplantés d'une culture a une autre pour toutes sortes de raisons.
Une de méconnaissance, qui revenait d'un séjour en Inde, me partageait ce terrible choc culturel. Il disait, en substance : si j'imagine que j'étais contraint d'aller vive là-bas le reste de ma vie… je ne sais pas comment je pourrais m'en sortir, comment m'intégrer serait possible c'est tellement« autre »…