La route n'est jamais droite et les chemins sont multiples.
La rencontre ne se fait pas au sommet d'une tour, dont il suffirait de gravir la spirale régulière des marches, dans un exercice, certes fatigant, mais n'offrant que la monotonie d'un effort constant, sans grande joie, avec pour seul espoir l'aboutissement au point ultime, censé apporter la félicité et la jouissance d'enfin tout découvrir de ce que l'on ne voyait pas auparavant.
S'il en était ainsi, la vie intime ne serait que la mise en oeuvre d'un projet écrit à l'avance, d'une destinée préétablie, sans qu'il n'y ait guère d'autre choix que de s'engager dans cette spirale ascendante et qui deviendrait vite, au mieux monotone, au pire mortifère, avec ce sentiment que le sommet est sans cesse repoussé plus haut, plus loin et qu'il est vain de continuer à grimper.
Les chemins de la rencontre sont multiples, tortueux, inattendus, bordés de coquelicots, radieux et ensoleillés, environnés de source vives et bienfaisantes ; ou des déserts arides et incertains, balayés par les sables qui s'infiltrent jusqu'à la peau, dessèchent la gorge, donnent la fièvre ; ou des chemins bourbeux où on s'enlise à chaque pas, et la terre qui s'accroche aux chaussures qui pèsent des tonnes ; ou des chemins de l'aube triomphante, lorsque les premières lueurs donnent l'espérance du tout est possible et que l'on a la certitude que tout s'accomplira.
Ainsi, mes chemins furent nombreux. Je les ai empruntés tour à tour, avec à la fois un vague sentiment de désordre, et aussi une intuition ténue qu'il me fallait les parcourir l'un après l'autre tels qu'ils se présentaient.
— Un chemin d'errance
Durant les premières années universitaires, malgré une vie aux apparences bien occupées, de multiples rencontres, quelques amours passagères, des engagements passionnants, il n'en reste pas moins que je ne sais plus très bien où j'en suis de cette quête qui m'anime par le dedans et qui peut se résumer ainsi : ne pas faire n'importe quoi de ma vie…
Je rêve de transformer la société, dans la mouvance des années 70, où tout semble possible et réalisable, où les utopies succèdent aux utopies, où ce fameux monde meilleur semble frapper à la porte… Ce qui me soutient sans doute, c'est q'à défaut de monde meilleur, ma propre vie semble plutôt s'améliorer. Et cependant, mes tourments intérieurs sont toujours là, mais j'ai quand même la vague sentiment que la vie pourrait bien se montrer plus généreuse envers moi à l'avenir.
Dans les traversées difficiles, les relations complexes avec quelques jeunes filles, les découragements qui me mettent par terre, je me tourne vers Dieu, comme on ferait appel à un secouriste ou au SAMU ! J'attends qu'il me balance une bouée pour pas que je me noie. Et après je m'en veux ! Je me dis que je ferais mieux de faire plutôt confiance à ma canne pour marcher, qu'à un dieu-béquilles dont ce n'est probablement pas le rôle qu'il veut jouer.
En dehors de ce décrochage du téléphone de secours, je continue une sorte d'errance spirituelle, partagé entre le rejet de Dieu, tout en étant attiré par ce que je considère comme un pays de zone libre : Lourdes, et la préparation du « Pelé jeunes » avec un petit groupe de nordistes qui a à sa tête le père Arthur Hervet, personnalité haute en couleur, que l'on ne peut oublier, et qui marqua cette période. J'aimais les extraordinaires contrastes de cet homme. À la fois pétri de bonté, et à la fois combattant de la justice, capable de faire le coup-de-poing si nécessaire… Il mettait ses convictions en action. Capable de remuer ciel et terre… terre surtout, pour obtenir, pour ne pas dire arracher, des aides de toutes sortes au service de son combat. J'aimais sa manière de lire l'Évangile, de parler de Jésus comme d'un révolutionnaire de l'amour vrai. Il m'attirait, au sens du don de soi-même pour une cause. Et puis, dans ses manières d'être et de faire… Il faisait si peu « curé » !…
Je le cite puisqu'il eut sous le sarkozysme-anti-roms les honneurs de la presse en renvoyant sa médaille du mérite, allant jusqu'à prier pour que Sarko ait une crise cardiaque… Après il a demandé pardon ! Ahlala, ces curés ! Toujours noyés dans la culpabilité…
Mais moi aussi je continue avec ma propre culpabilité. Plus précisément cette contradiction interne qui me noue les tripes et dont je n'arrive pas à me dépêtrer, à dénouer. Je suis comme marqué au fer rouge de cet adage aussi absurde que catholique : « Hors de l'église, point de salut ! ».
Autrement dit, si je crois en Dieu, je dois croire à la Religion et me soumettre à toutes ses obligations. Or, face à l'église : « j'ai la haine ! », comme dirait un jeune d'aujourd'hui…
Peut-être est-il difficile pour quelqu'un qui n'a pas reçu une éducation religieuse aussi formatée, aussi prégnante, aussi inculquée profondément, comme si elle était inscrits dans les gènes, de comprendre à quel point cet endoctrinement fut fort pour moi, et qu'il faut un temps considérable pour se « déprogrammer », comme il en est pour les gens victimes de sectes. Et au fond, la religion chrétienne n'est guère autre chose qu'une secte… De celles qui ont réussi à imposer leur domination sur le monde occidental durant deux millénaires.
Si je m'étais contre foutu de Dieu et de toute vie spirituelle, j'aurais certainement rompu rapidement, y compris intérieurement. Seulement voilà, il y a l'expérience personnelle d'un « autre chose » que les pratiques réifiées et mortifères qu'on me présentait comme indispensables. Et ce vécu, je ne pouvais pas me l'arracher du coeur.
Alors je cherche, çà et là, plus ou moins consciemment d'ailleurs, ceux et celles qui auraient une expérience partageable, en vue d'une reconnaissance mutuelle, et en dehors de la ritualisation poussée et compliquée à l'extrême par le Vatican, dans des milliards de pages de livres religieux, jusqu'à ne plus y rien comprendre… Puisqu'on finit par y trouver tout, et le contraire de tout…
(Prochain billet : les rencontres fondatrices)
ton troisième paragraphe décrit tellement bien tous les chemins possibles des rencontres...
RépondreSupprimerLe contenu est intense et la façon de l'exprimer l'est tout autant...
Quand j'ai lu ton billet avec les "errances", j'ai pensé à un homme, un éducateur "paysan' qui dans les années 70 prenait dans sa ferme de enfants et ados autistes, et qui comme lui, il ne les enfermait pas parlait des chemins d'errances. j'ai mis du temps à retrouver son nom: Ferdinand Deligny. Je pense que tu l'aurais aimé. Mais les chemins d'errances le sont en apparence quand on ne sait pas les regarder et pourtant il y a des noeuds.
RépondreSupprimerJe crois que si aujourd'hui encore je me méfie de tout ce qui est habitudes, rituels, c'est bien parce que cette église du faire (et non pas de l'être) continue à me faire peur.
Coumarine,
RépondreSupprimerles chemins de rencontre sont multiples. Certains nous plongeront dans les ténèbres, d'autres dans la lumière.
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Giboulée,
je ne connais pas cet homme. Je suis allé à sa rencontre sur Internet. J'aurais aimé je crois.
il est de ces êtres nécessaires à la construction du monde.
Il en manque tellement…
"Peut-être est-il difficile pour quelqu'un qui n'a pas reçu une éducation religieuse aussi formatée, aussi prégnante, aussi inculquée profondément, comme si elle était inscrits dans les gènes, de comprendre à quel point cet endoctrinement fut fort pour moi, et qu'il faut un temps considérable pour se « déprogrammer », comme il en est pour les gens victimes de sectes. Et au fond, la religion chrétienne n'est guère autre chose qu'une secte… De celles qui ont réussi à imposer leur domination sur le monde occidental durant deux millénaires."
RépondreSupprimerEn effet, je crois que pour réellement comprendre quelque chose il faut l'avoir vécu ou vécu quelque chose similaire.
Puis-je donc dire sans en dire trop sur mon intimité, que même si je n'ai pas connu cela du côté de la religion, je l'ai connu du côté de ma famille. Si aliénation parentale te parle... je ferai ainsi le lien pour essayer de comprendre ce rapport-là que tu as avec la religion. Je cherche un petit point de comparaison pour tenter d'imaginer, d'essayer de comprendre cette "aliénation" de l'église catholique. C'est la seule chose que je puis faire en te lisant.
Oui, je vois très bien ce que peut être une aliénation parentale…
SupprimerLa mienne procédait un peu des deux. Je suis donc en quelques sorte doublement piégé…