Comme la grande majorité de ma génération, j'ai reçu une éducation chrétienne, celle qui se dispensait dans les années 50, au catéchisme, à la messe, et dans l'établissement scolaire catholique où l'on m'envoya, destiné à la réussite au bac, la préparation des élites de demain, et le déploiement du capitalisme. Il convenait de préserver la France de Satan (le Communisme), et d'essayer de ramener dans le droit chemin les brebis égarées (les socialistes). La Sainte Église Catholique aimait les riches (généreux donateurs), et pour ne pas trop se renier, organisait avec condescendance et charité chrétienne l'assistance à quelques pauvres (les Bonnes Oeuvres).
Dans mon environnement d'enfant, (famille, école, parentèle, camarade de classe) la question de l'existence de Dieu ne se posait même pas. Cela eut été aussi idiot que de se demander si la terre n'était pas un cube ou un tronc de cône. Dieu existait de toute éternité, c'était l'évidence. L'Église Catholique prégnante était là pour l'affirmer, le démontrer, l'inculquer, au besoin à coups de pieds dans les fesses.
Dans ma petite existence solitaire d'enfance, il y avait Jésus, plus précisément « le Petit Jésus ». Il avait une vie exemplaire dans la « Sainte Famille ». Il s'agissait de lui ressembler, d'être gentil, bon, serviable, et surtout… obéissant à ses parents ! Au-delà de cette manière dont mon entourage se servait de Jésus pour inculquer la bonne morale, je ressentais envers lui une sorte de proximité. Quelque chose de spécifique. Peu identifié, et encore moins analysé à six ou sept ans. Quelque chose comme une présence à mes côtés. Une présence bénéfique. On me parla des « anges gardiens » qui avaient mission de veiller sur moi, personnages entre le père gardien de la loi, le grand frère protecteur, le copain de bon conseil. Jésus devait sans doute être une sorte de chef des anges gardiens, veillant à ce que tout se passe bien, et venant parfois lui-même se manifester à moi en direct.
Dans ma petite existence solitaire d'enfance, il y avait Dieu. Il fallait surtout le craindre, et je le craignais. Durant les leçons quotidiennes de catéchisme, le professeur nous racontait la Bible (Ancien Testament), où l'on voyait Dieu et ses terribles colères envers les hommes, à commencer par Adam et Eve, chassés manu militari du paradis, condamnés à souffrir pour toujours, et nous avec, tout ça pour une bêtise d'avoir croqué dans une pomme ! Dieu était donc un être terrible, capable d'emportements démesurés, de terribles outrances, de colères inqualifiables un peu comme ma mère, sauf que, paraît-il, Dieu était du genre masculin.
Il fallait donc faire gaffe à chaque instant, d'autant qu'on m'avait prévenu, il voyait tout, partout, à tout moment, même dans le noir, même si on était bien caché en train de faire des bêtises. Bêtises, d'ailleurs totalement dérisoires et qui me font sourire aujourd'hui, alors qu'à l'époque elles prenaient de terribles proportions et constituaient des fautes majeures qui auraient pu me conduire aux enfers.
Heureusement, une négociation était possible pour apaiser le divin courroux. Cela s'appelait « aller se confesser ». Obligatoire au moins une fois par semaine. Tour à tour, chaque classe se rendait à la chapelle, près des confessionnaux, sortes de guérites où l'on se mettait à genoux, en attendant que, de l'autre côté, le copain ait terminé sa propre confession. Le plus souvent ça sentait mauvais, le moisi, parfois l'urine, et on y voyait à peine. Puis une trappe s'ouvrait, il restait une grille et j'apercevais dans la pénombre la tête du curé, auquel il fallait débiter tous ses péchés. À la fin je recevais l'absolution, le pardon au nom de Dieu. Je me demandais pourquoi il fallait raconter toutes nos bêtises, puisque Dieu avait déjà tout vu, il savait à quoi s'en tenir. Mais passons. L'important était que les compteurs soient remis à zéro. Alors je ressortais le coeur léger, ayant fait promesse de ne pas recommencer. Promesse qui tenait parfois presque 24 heures. Pour achever la validité du truc, il restait à faire « sa pénitence » : réciter quelques prières quatre ou cinq fois et c'était dans la poche.
Tel était mon paysage intérieur. Un Dieu justicier et un Petit Jésus guide et protecteur. C'était cela mon enfance avec « Eux ».
tu décris exactement "mon" enfance catho!
RépondreSupprimerUn détail de plus: comme par hasard, les confesseurs s'intéressaient particulièrement aux péchés contre la pureté, au sujet desquels ils nous interrogeaient sans nous laisser tranquilles (même si on n'avait rien "avoué" de cet ordre)
Cela donnait à la confession une atmosphère malsaine
Et si on avait qqch à avouer (genre je me suis regardée dans le miroir, nue)on finissait (moi an tous cas) à me sentir la dernière des pécheresses, et la notion que le"péché de la chair" était le plus grave s'est gravé en moi pour quelques années!!!
Il faut lire les "manuels de confession à usage des pretres...."
RépondreSupprimerDe vrais petits livres pornographiques.....
Oui, c'etait tout à fait ça! Chez nous il y avait le petit Jésus et le Bon Dieu. On ne disait pas Dieu mais le Bon Dieu malgré le terrible courroux qui nous menaçait à chaque incartade !
RépondreSupprimerJe me souviens surtout de l'anesthésie mentale que la pratique de la religion pouvait provoquer chez certain(e)s.
Mais il y avait aussi parfois des religieux éclairés, hors norme. C'était le cas de l'abbé qui officiait dans notre paroisse. Tout à fait anecdotique mais en même temps révélateur , voici un petit incident qui se produisit un dimanche matin , à la messe. Nous avions un boxer que ce monsieur aimait bien. C'était réciproque. Notre chien était fugueur. Ce dimanche-là, en promenade , il rentra dans l'église pendant l'office. Reconnaissant Monsieur l'Abbé qui faisait son sermon, Noé notre chien, tout content, monta en chaire pour lui faire des joies:)) Sous le regard parfois choqué , parfois amusé de l'assistance.
Monsieur l'Abbé, en toute simplicité, l'accueillit comme une créature de Dieu , au même titre que ses ouailles:))
C'est tout bête , mais cela m'apparut comme courageux face à la bigoterie ambiante. Ses prises de position "dérangeantes" ne se limitaient bien sûr pas à l'accueil d'un chien à l'église:))
Clémentine
Ah oui "le Bon Dieu"....
RépondreSupprimer- "Tu es méchant, le Bon Dieu va te punir"...
comme dit l'adage : "Tout est bon dans le co... heu.. le Bondieu !!.
:-)
Je ne peux pas dire que Dieu était aussi pesant pour moi mais je n'en n'étais pas loin...
RépondreSupprimerJe me souviens bien de la confession où nous échangions avec les copains des idées de péchés à confesser ! Et puis cette incroyable légèreté après le devoir accompli.
Je me suis souvenu encore il y a quelques jours, en me cognant le pied bêtement dans mon garage, ce que ma mère m'aurait dit: "C'est le Bon Dieu qui t'as puni !"
Et : « l'acte de contrition »…
RépondreSupprimerTu as pas oublié l'espère…
Coucou,
RépondreSupprimerimpossible de commenter ici sans être sur Blogger, la dernière fois, je retente ma chance...
Après je passe aux mails!!!
"Dieu existait de toute éternité": c'est trop fort!! Excellemment dit.
RépondreSupprimerCette image d'un Dieu colérique et vengeur est finalement stuéfiante, pour une image de perfection... Le côté "philia", "caritas" a été déplace sur Jésus, j'ai l'impression, mais comment font les peuples qui ne l'ont pas?
VERRANNE, Normalement ça doit être possible maintenant… Les commentaires sont ouverts sans restriction.
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Jésus a le mérite d'être un homme…
Dieu ? … Il semblerait que chacun en face ce que bon lui semble…
Bonjour Alain !
RépondreSupprimerComme tu vois, me voilà chez toi. La lecture de ton dernier biller faisant référence à "Dieu" a failli me faire fuir, et puis la curiosité...
Je n'ai pas connu ce que tu décris ici, j'ai eu la chance de passer au travers.
Tourmenté et en recherche de spiritualité, c'est vers la trentaine que j'ai souhaité connaître les religions et que je me suis procuré l'ancien testament. Je l'ai reposé très vite. Outre que le fond général du discours ne résonnait pas chez moi, la découverte d'un dieu dont je devais craindre les terribles colères m'a dissuadé de continuer: faut pas me prendre pour un con ! La lecture du "Voyage de Théo" de Catherine Clément m'ayant confirmé que les trois grandes religions monothéistes occidentales étant de la même veine, j'ai laissé tombé. J'ai pour habitude de dire aujourd'hui que "je m'intéresse aux modes de pensée orientaux", où je trouve appui pour mon chemin.
Je crois que cette période de confinement qui tombe à point nommé pour prendre soin de moi et de mon esprit tourmenté va me permettre d'observer ton cheminement: à l'évidence il y a à apprendre.
Je ne sais si l'informatique peut m'avertir d'une réponse de ta part, mais en faut-il une ?
A d'autres fois ?
Bonjour candide,
Supprimerpardonne moi de répondre tardivement, mais pour les textes « anciens » je filtre les commentaires, principalement pour éviter les spams. Cependant je ne visite pas assez régulièrement pour voir les commentaires nouvellement arrivés… c'est pourquoi je ne te réponds que maintenant.
Je ne sais si tu as continué à lire mes billets, j'explique dans le premier le sens de ma démarche qui dure maintenant depuis plusieurs années.
La recherche de spiritualité, le questionnement à ce propos, fait que bien souvent on se rapproche des religions, qui il faut bien dire sont assez nombreuses depuis bien des siècles
mais que recherche-t-on vraiment ?
Je ne peux pas répondre à ta place bien évidemment. Pour ma part, la spiritualité c'est ce qui « anime profondément », ce qui fait l'essentiel d'une vie, ce qui donne de l'âme à ce que l'on désire et entreprend. Oui je sais le mot âme est très connoté chrétien… pour moi c'est essentiellement « le principe de vie » c'est-à-dire ce qui est moi et plus que moi.
Après, chacun choisit le sens qu'il donne, une dimension religieuse ou non. En tout cas c'est quelque chose d'intérieur à l'être humain, la source de sa vie.
Ce blog n'a aucun prosélytisme aucune religion d'aucune sorte. Ni rien du tout d'ailleurs
Il rend compte d'une expérience personnelle. C'est aussi simple que ça.
Alain,
RépondreSupprimerj'avais bien compris le sens de ce blog et sa distanciation par rapport aux religions, même s'il me semble que ta réflexion ne peut que s'orienter par rapport à ton imprégnation d'enfant qui était très forte, mais on n'échappe pas à sa construction... D'un côté mon neurone rebelle se sent heureux d'avoir échappé à ça, mais d'un autre côté ça t'offrait une base de départ que je n'ai pas connue. Ce qui est certain en revanche, c'est que l'omniprésence de ton rapport à Jésus a fini par me donner la nausée du côté de tes trente ans et que j'ai baissé les bras. Non que je te le reproche, mais j'avais atteint l'overdose. Si je ne m'éloigne pas prochainement des blogs, je crois que je serai tenté de revenir voir la suite...
Alain,
RépondreSupprimerCe que tu écris me correspond assez. "Ame" était tellement connoté religieusement que j'en avais toujours rejeté la notion, jusqu'à ce que je lise "Le monde de Sophie" de Jostein Gardner. Où je me suis aperçu, après coup, qu'il m'avait amené à comprendre cette notion dans un sens non religieux.
Et rassure-toi, j'ai bien compris le sens de ce blog. Mais je dois avouer que l'omniprésence de Jésus dans ta vie m'a un peu donné la nausée et m'a surtout confirmé combien une vie peut être orientée par les imprégnations de l'enfance, quelques soient les orientations qu'on choisit par la suite...