Un jésuite hongrois déclarait au XVIIIe siècle : « Fie-toi à Dieu comme si le succès des choses dépendait tout entier de toi, et en rien de Dieu. Alors pourtant mets-y tout ton labeur comme si Dieu allait tout faire, toi rien. »
À mettre en parallèle avec les propos d'un autre jésuite contemporain, Paul Valadier : « un Dieu qui divinise l'homme quand celui-ci s'humanise en prenant à bras-le-corps son humanité pour lui donner toute sa dimension humaine et divine. C'est lorsque l'homme a pleinement exercé le pouvoir de sa liberté, qu'il lui est possible de se déprendre de soi et de s'abandonner sans que cet abandon soit une démission ou une lâcheté. Seul peut vraiment s'en remettre à Dieu celui qui a mobilisé toutes ses énergies et qui a fait tous ce qui relevait de lui. »
Je coïncide globalement avec de tels propos.
Je crois que le destin profond de l'homme est de se diviniser. C'est un choix et une action.
Je crois même que cela est accompli, au moins potentiellement. (C'est là, mais tout reste à faire…) Je veux dire par là que chacun dispose en soi d'une parcelle de divin qu'il peut faire venir à la lumière ou qu'il peut nier (ça n'existe pas), ou qu'il peut avoir entrevu (et même plus qu'entrevu) et refusé ensuite d'en tenir compte et lui donner sa place. Ce dernier cas de figure me semblant être le pire qui puisse arriver à un être humain. Je parle d'expérience ; j'avais "vu", j'ai tout viré … avant de revenir.
C'est ainsi que je comprends la parole de Jésus : « Malheur à celui qui a mis la main à la charrue et regarde en arrière » (pour ma part je ne prends pas le mot malheur au sens de proférer une malédiction, mais au sens de : quel terrible dommage ! J'imagine Jésus triste et désolé - Dommage de passer à coté du bonheur possible et offert...).
C'est accompli disais-je, parce qu'il y a la personne de Jésus qui a accompli ce chemin-là. Nous avons besoin de témoins. Pas forcément de modèles, mais de témoins.
Si je me suis sorti des entraves physiques qui ont brisé mon enfance, c'est bien entendu par mes efforts personnels, mais aussi parce que j'ai vu que c'était possible pour d'autres. J'avais 13 ans. Le directeur du Centre, lui-même en fauteuil roulant, avait triomphé de l'adversité. Il était libéré. Je pouvais moi aussi me libérer.
Ainsi en est-il pour moi dans le domaine spirituel. Jésus s'était libéré en se divinisant. Le chemin était ouvert.
Il y a cette autre parole qui guide mes pas : « Ceux qui me disent: Seigneur, Seigneur! n'entreront pas tous dans le royaume » (le royaume ce n'est évidemment pas un truc après la mort. C'est juste un « autre monde » dans lequel on entre par choix au jour d'aujourd'hui. Un Monde en soi et en plus que soi)
Pour prendre un exemple contemporain ceux qui crient : Pitié, donnez-moi du travail ! Donnez-moi du travail ! ne sont pas ceux qui sont embauchés…
Jésus poursuit : «… Entreront ceux qui font la volonté de mon père ».
C'est à dire ?
Je peux renvoyer ici à mon billet précédent. C'est une oeuvre de coopération libre et volontaire. Exactement ce que dit très bien Valadier cité ci-dessus.
C'est peut-être moins compliqué qu'il n'y paraît, moins compliqué que la complexification qu'en ont fait les religions jusqu'à la noyade dans les eaux troubles des théories multiples sur Dieu, le plus souvent contradictoires entre-elles, et qui embrouillent les coeurs plutôt que mener vers la lumière. Quelle est donc la volonté d'un père pour son enfant ? Si ce n'est l'extraordinaire désir d'espérer qu'il trouvera son chemin de bonheur…
Un tel père. Je veux bien être son fils adoptif.
Quand bien même je suis mauvais fils, mais en chemin cependant.
"Jésus s'était libéré en se divinisant"
RépondreSupprimeravant tu parles de notre dimension humaine et divine...
Je ne sais pas ce que c'est qu'une dimension divine, ni ce que Jésus a fait de spécial en se divinisant...
Il me semble que être pleinement humain, c'est être humain en plénitude...
Est-ce que être humain en plénitude, c'est entrer dans notre parcelle de divin?
oups ! On peut écrire des pages et des pages à propos de ta question.... Mais je ne m'embarquerai pas sur ce terrain philosophico-ontologico-religieux......
SupprimerEtre humain en plénitude (déjà faudrait dire ce qu'est la plénitude pour soi...) peut faire apercevoir la parcelle de divin en soi... ou non.....
C'est une question de choix, au sens de reconnaissance (= "je reconnais que ceci est réalité...." pas au sens du remerciement).
La libération que j'évoque est un paradoxe : une libération comportant une soumission....
Pour certains humains la divinisation c'est se perdre, disparaitre, renoncer à se suffire = à rejeter donc !
Pour d'autres c'est "se trouver" en totalité et plénitude, ce qui suppose un abandon, en se soumettant au divin.. en soi... (dont les manifestations passent pas le corps et ses ressentis, à la lumière d'une "lecture/décryptage" effectuée par l'esprit et la raison... qui sont faits pour ça....)
Pour moi, c'est un choix. Il se fonde et s'alimente à la tentative modeste et humble de penser que le chemin proposé par Jésus est ouvert et passionnant à suivre. J'y trouve là plus de bonheur ... que d'aller ailleurs...
Je vais quand même pas bouder ce truc ! ... :)
Dans le livre de Christianne Singer ( Où cours tu? Ne sais tu pas que le ciel est en toi?)Un bout de phrase ( page 13) m'interpelle depuis hier; La voiçi:Ce que Job doit entendre , c'est que Dieu ne dresse pas ses tentes au pays de la lamentation.Partout où résonnent et grincent suppliques , jérémiades et revendications, Il ne comparaît pas. Son absence hante depuis toujours ces régions. Il nous veut sortis des marécages de la lamentation et des désespérances - en dépit de tout. Il nous veut ailleurs.Où cours tu?
RépondreSupprimerDans l'Évangile, ce lieu des jérémiades suppliques et revendications est qualifié ainsi : "là il y aura des pleurs et des grincements de dents."... qu'on a appelé l'enfer… Le mot est juste au final : l'enfermement sur soi, le repli, le refus d'exister…
Supprimerje l'illustrerai volontiers par un exemple de ce week-end. Il y avait une fête de famille. Un petit-fils (5 ans) est chez nous : il ne veut pas y aller ! Il boude ! Il s'enferme… La maman : — tu seras content tu vas voir tes cousins et cousines Untel, Unetelle,… Tu sais, avec qui tu aimes bien jouer…
Le petit-fils toujours dans sa bouderie
la maman : — réfléchis à tout ça je vais me préparer.
Je le vois dans son coin bougonner, se parler à lui-même…
Puis il retourne voir sa maman : — bon d'accord !
… Sortie de l'enfer… !
à la fête ils se sont amusés comme des petits fous. Le lendemain il était très heureux de sa journée…
( "le ciel était en lui"… Pour reprendre l'expression que tu cites…)