Ce matin, au réveil, tournaient en moi des verbes que l'on retrouve plusieurs fois dans l'Évangile :
— viens — suis-moi — je vous envoie — allez — je m'en vais — je reviendrai — je ferai — il se rendit à… — Il entra — il sortit — il guérit — il proclama — etc.
Des verbes d'action.
Les actions à objectif « positif » au sens de la promotion de l'homme en son humanité et en son aptitude à aller très loin sur un chemin nouveau et qu'il a ouvert, lui, cet homme singulier et unique, nommé Jésus.
L'histoire d'un homme sans cesse en action lorsqu'il est parmi les humains.
Un homme de méditation aussi, lorsqu'il se retire dans la solitude avec « son père ».
L'Évangile ne raconte pas l'histoire d'un penseur, d'un philosophe, d'un brasseur d'idées ou d'idéologies, d'un écrivain, (il n'a rien écrit…). Globalement, ce qu'il dit est toujours lié à un ou des actes.
C'est ainsi qu'il témoigne. Qu'il révèle quelque chose.
Si cet homme est habité de divinité, alors il révèle cette phrase que l'on trouve à la fois au début de la genèse et au début de l'Évangile de Jean : « Au commencement était le Verbe … et le verbe s'est fait chair » (Être/Action). Bien entendu, commencement n'est pas ici au sens de quelque chose qui débute et qui se terminerait par « à la fin »… C'est en réalité le commencement absolu, qui est une autre manière de dire éternel.
Peut-être, pour comprendre, faut-il avoir ressenti (vécu) que, comme je dis parfois, « toute relation est éternelle ». Elle n'a ni début ni fin : elle EST.
Ainsi en est-il de l'Amour qui n'est pas apparu un matin de printemps et qui ne disparaîtra par un soir d'hiver. Même si des « histoires amoureuses » ont, dans l'ordre du temporel, quelque chose que l'on pourrait symboliser par une courbe en cloche : un début, une montée, un sommet, un déclin, une fin… Il n'en est pas de même dans l'ordre de l'esprit : cette histoire-là est inscrite éternellement en soi et dans le monde. C'est bien pour ça d'ailleurs que l'on entend souvent : — on ne peut pas oublier cet amour-là… Même s'il ne se manifeste plus par un contact effectif. Les amants douloureux de s'être séparés savent bien de quoi je parle…
Cet amour fondamental que révèle le divin est une puissance d'action. Un agissant. Un bienfaisant. Il ne peut concrètement se manifester (s'incarner) que dans un, (des) êtres humains. L'amour divin passe nécessairement par l'homme. C'est à mes yeux le sens premier de ce que les chrétiens appellent « l'incarnation ».
Je ne sais pas pourquoi on nous a tellement bassiné de bêtises théologiques diffusées par des prêtres incompétents, qui ont abouti à cette déshérence, cette sécheresse du discours, cette morale imbécile et inapplicable qu'on nous a vrillé dans le cerveau, conditionnement magistral, au regard duquel les sectes d'aujourd'hui sont de joyeux lurons amusants…
Je clos ici ce paragraphe anticlérical !…
Souvent, je me suis interrogé sur ce qu'avaient bien pu vivre les premiers apôtres, quand Jésus embaucha ces patrons-pêcheurs expérimentés et même plutôt aisés, (j'imagine ceux du boulonnais que je connais…), à qui on ne la fait pas, mais qui pourtant le suivirent « aussitôt ». Puis, je me suis dit que c'était idiot, si je voulais savoir, je n'avais qu'à examiner ma propre vie… Alors certes, le « aussitôt » m'a pris bien des années… Mais le germe était déjà à l'intérieur de moi, ainsi que je l'ai relaté dans les premiers temps de ce blog. Ce sont ces foutus cathos de mes deux qui m'a fait dévier de ma route tout un temps…
(Heureusement que quelques prêtres cathos, en rupture de ban, parce qu'ils n'étaient pas des fonctionnaires du Culte, [normal, ils avaient vraiment la foi, eux], m'ont aidé sur ce chemin… Je leur dois cette vérité).
On ne peut suivre un tel homme que comme un disciple (tout l'inverse de l'esclave qui a peur du châtiment et des coups de fouet de Dieu le père ! Pire, de la condamnation du jugement final ! — Encore une fois merci la doctrine catholique…), C'est-à-dire que l'on reconnaît un Maître, c'est-à-dire quelqu'un qui est au-devant de nous mais nous avons avec lui des ressemblances très profondes et très identitaires. Autrement dit on est de la même essence. Mais encore faut-il que celle-ci soit comme éveillée par une expérience personnelle. Ces expériences que j'ai avec celui que j'appelle « mon maître à penser » (que je ferais mieux d'appeler mon maître à vivre…). Je l'ai suivi volontairement et librement jusqu'à ce qu'il « s'en aille », mais il est entré dans mon éternité personnelle. Ce n'est donc pas très compliqué. Rien de magique ni de miraculeux.
Cette descente en soi-même débouche un jour sur l'expérience spirituelle. Celle-ci ne sert à rien si elle ne se concrétise pas en action effective. Ce n'est alors qu'une manifestation sensible, un truc bizarre, ésotérique, qu'on tirlipote quelque temps, dont on peut même s'enorgueillir, raconter à la ronde, avant de passer à autre chose. L'expérience spirituelle n'a d'intérêt que si elle génère une fécondité. C'est en cela que les grands mystiques que j'ai lus sont intéressants. Ils ont été féconds et fondateurs dans la ligne de ce qu'il pensait être mieux pour l'époque où ils vécurent.
Le mystique et un homme d'action, où il n'est pas…
Quand Jésus a dit à ces marins pêcheurs : — Je ferai de vous des pêcheurs d'hommes, ça a dû produire un déclic fondamental en eux. Par un truc magique instantané, mais quelque chose qui les habitait déjà de longue date, mais ils ne savaient pas vraiment de quoi il s'agissait, mais ça a surgi…
Je crois qu'il en est ainsi pour bien des gens, tout à coup un déclic sur son devenir, enfin, je réfère à ma propre expérience bien entendu. J'en ai vu aussi autour de moi. Parfois ils comprennent le déclic des années plus tard. Il en fut pour moi ainsi d'ailleurs. Je crois que le « aussitôt » de l'Évangile signifie plus la radicalité que la soudaineté. Quand il y a véritablement un avant et un après.
Ça été comme ça dans ma vie. Il y a un avant mes 12 ans et un après mes 12 ans. Changement radical définitif et en quelques heures. Il en fut aussi de même plus tard lorsque j'ai « tout quitté » (c'est-à-dire la sécurité d'une carrière bien tracée) pour l'aventure personnelle à la fois précaire et cependant fondée sur des certitudes tellement ancrées que je n'avais aucune peur ni crainte. 30 ans après je fais le constat que… Ça a bien fonctionné… Se fonder sur une foi (en l'espèce ma foi en l'homme, en son devenir et en humanité) déplace les montagnes personnelles…
Combien furent-ils ce qui m'a mis en garde contre les dangers que j'allais faire supporter à ma famille et à moi-même de quitter « la proie pour l'ombre »… Combien furent ceux qui ont tenté de me garder au bercail (ma hiérarchie de l'époque par exemple, me faisant miroiter des perspectives délicieuses…). Je ne peux même pas dire que j'ai tenu bon contre eux. Je pourrais dire que, d'une certaine manière, Ils parlaient à quelqu'un… qui n'était plus… J'écoutais poliment...
Le seul qui eut la parole juste (hormis ma compagne, mais elle était partie prenante de l'aventure…) fut mon père, qui, quand même un peu déboussolé au départ, me dit quelques minutes plus tard de la conversation (c'était au téléphone il habitait loin) : — Tu as raison, dans la vie il faut faire ce que l'on aime. C'est comme ça qu'on est heureux.
Il mourra quelques mois plus tard….
Ce qui était pour moi évident, c'est que je répondais à un appel intérieur venu de bien plus loin que de ma seule personne… J'ai écrit « je répondais » mais le mot n'est pas le meilleur. Car c'était à la fois répondre à… Et me répondre à moi-même (une fidélité à soi) que m'investir dans cette direction.
(À suivre… J'ai l'impression de n'avoir dit que 10 % de ce qui est en moi actuellement…)
Je te lis avec une certaine envie aujourd'hui. Je me dis" le veinard il a trouvé" comme si tu étais arrivé à destination... et que tu n'avais plus rien à chercher et découvrir. Je sais c'est ridicule, on n' arrive pas une fois pour toute et surtout pas pour se tourner les pouces... et se prélasser dans un bonheur béat.Tu parles des verbes qui se conjuguent à la voie active et non passive.
RépondreSupprimerJe suis en chemin mais j'avance bien lentement encombrée que je suis par mes problèmes intérieurs. J'aurais tendance à attendre qu'une révélation me tombe du ciel !
En réalité tu deviens un peu mon maître à penser ... en ce sens que grâce à tes écrits je pense plus...
Arrivé à destination ? - tu vois, Charlotte, c'est en dehors de ma pensée et de ma personnalité que je puisse "arriver"....
SupprimerNon ce n'est pas ridicule, c'est juste une "tentation" (au sens biblique). C'est l'histoire symbolique du premier couple : Le Serpent (= le menteur) propose de bouffer la pomme pour "arriver à être comme Dieu, aboutir à la Connaissance Suprème du Bien et du Mal, pour arriver à cette "destination", comme ça, d'un claquement de doigt, (manger la pomme ou "tomber du ciel" c'est pareil....). Connaissance inaccessible à l'homme, par nature.
C'est en méditant durant des mois ces simples mots de Jésus : " Je Suis LE Chemin" qu'on peut, peut-être, s'approcher du Royaume. Et même convenir qu'il est là....
"Je suis en chemin" écris-tu. Donc tu y es ....
encombrée ? ben oui - Moi aussi.
J'avais écrit un texte poétique là dessus il y a qq années sur le site d'écriture que tu connais. Faudrait que je le retrouve.
Quelle profondeur, ce texte que t'ont inspirés tous ces verbes surgi du fond de toi dès ton réveil!
RépondreSupprimerTu deviens toi aussi un maître à penser et peut être même à panser nos façons de voir les choses et de les interpréter.
Heureusement que sur notre route, on ne rencontre pas que des prêtres cathos fermés, c'est celui qui m'a posé la question de chercher dans mes blessures d'enfant ce qui avait peut-être pu empêcher ma nature de se déployer autrement qui m'a aidé à ouvrir la porte à cet esprit d'amour présent en moi depuis même avant ma naissance!
Les évangiles relatent la vie et l'enseignement de Jésus.Jésus n'est pas statique, il se déplace , il enseigne par des actes et des paroles d'amour, il réconcilie l'homme avec sa propre histoire, il ouvre ce chemin qui appelle à l'ouverture de notre conscience...Il nous invite alors à notre tour à être des témoins de vie, ( Allez à la rencontre de l'autre, des autres, cherchez et vous trouverez, persévérez et vous découvrirez le meilleur - ce qui reste toujours à découvrir quand on peut se débarrasser de nos peurs et de tout ce qui encombre notre mental - Bon, il y a encore du boulot de ce côté là pour moi!
Ce que tu dis du sens du mot commencement, cette notion d'éternité, je l'ai ressentie dans ma chair, à l'instant même où j'ai fermé les yeux de mon mari qui venait de décéder d'un arrêt cardiaque.Notion d'appartenance à un tout, à l'univers cosmique qui n'a ni début ni fin, notion de non limitation, d'être seulement fondu, inclus dans une éternité d'amour où je me suis sentie rien et tout à la fois avant de reprendre conscience qu'ici, sur cette terre , ma vie allait prendre un autre tournant.
Mais le décalage est lent entre le moment où on prend conscience que le divin est présent en nous et le moment de pouvoir mettre en action ce qui donne encore plus envie de vivre, ce qui nous met davantage en vie!
Le chemin ainsi commencé est sans fin , pas à pas, il faut gravir la montagne et d'autres paysages s'inviteront à nos yeux, d'autres sons joyeux se mêleront aux voix du vent et derrière les nuages , le soleil nous dispensera son énergie bienveillante!
Brigitte
Meci, Brigitte, pour ce commentaire et son aspect témoignage.
Supprimerje souscris à : "le décalage est lent entre le moment où on prend conscience que le divin est présent en nous et le moment de pouvoir mettre en action"
Peut-être faut-il alors ce décentrement, pas facile et mystérieux, que le divin est aussi présent dans l'autre en face de moi.
Le voir suppose sans doute l'émerveillement pour qui il est en ses profondeurs humaines.... et le respect de son intégrité et de son chemin à lui....
Ce n'est jamais facile ça il me semble...
Alors, Alain, aussi étrange que cela puisse paraître, nous serions tous de divins phénomènes!
SupprimerOui, c'est sans doute cela le plus difficile: accepter l'autre et le voir lui aussi porteur d'un "plus" qui l'habite mais sans que lui-même n'ait encore pris conscience de l' Être qu'il est .Face à quelqu'un en qui on n'a pas cette pensée positive au départ, on peut alors le considérer comme un mauvais compagnon ou du moins comme quelqu'un qui nous dérange dans nos "croyances"...
Ne devrait-on pas alors envoyer vers cette personne, cette pensée positive d'un coeur ouvert à l'incroyable nature comme celle que l'on peut reconnaître en soi au détour de ce chemin intérieur que l'on découvre un matin , "prier" en silence dans une intention d'amour et de respect qui puisse contribuer à l'avancée d'un monde meilleur? Est-ce utopique de penser ainsi ?
Tes réponses à nos commentaires sont aussi précieuses que tes textes et pilotent notre route sans cesse vers le signe de découvertes bienveillantes envers soi comme envers cet autre .
Se bouger, c'est sans doute cela le plus difficile.
Pas plus tard que samedi, j'ai eu l'occasion de rencontrer de ces personnes éprouvées par la vie mais j'ai pu voir à travers leur regard encore parfois empli de larmes timides ou à travers leurs paroles en route vers l'acceptation de leur situation, quelque chose qui transparaissait et qui était promesse d'un plus à venir . Elles étaient simplement belles dans leur simplicité et leur authenticité. Et moi, j'avais confiance et je les invitais en silence à ne pas s'inquiéter de leur avenir.
Merci pour tous tes mots qui invitent à la réflexion.
Brigitte
j'ai presque terminé la lecture de " Les dernières paroles du Christ; L'Evangile ultime" de Herbert Ziegler et je découvre avec révolte à quel point l'Eglise catholique nous a bien trompés et continue de nous faire croire à des fausses vérités.Il restitue les vraies paroles que l'homme Jésus a dites. Cela fait du bien à lire parce qu'il y en a eu des rajoutes ajoutées par les différents et multiples auteurs entre les mains des quelles sont passées les évangiles. C'est un livre tout à fait extraordinaire mais malheureusement souvent mal traduit en français.
RépondreSupprimerComme il l'explique très bien dans son livre le mot "Christianisme" devait être remplacé par le mot Paulinisme parce que c'est Paul qui en est à l'origine.
Par contre je ne sais que penser à propos de sa vision de la mort de Jésus sur la croix .Selon lui il ne serait pas mort "sur" la croix mais après... à l'ascension ayant été descendu de la croix par Joseph d'Arimathie qui l'aurait soigné etc...C'est assez particulier à la limite farfelu.