Seuls existent les commencements,
les aurores nouvelles,
qui nous tirent de nos nuits.
Être toujours voyageur de l'Aube.

mercredi 8 février 2012

4 - Premières confusions

Ce que j'ose appeler « expérience spirituelle d'enfance », c'est-à-dire la perception d'une relation intime du coeur avec Jésus/Dieu, en sa spécificité, fut rapidement dévoyée par l'entourage chrétien qui était le mien. Ce qui était considéré comme la norme et la vérité n'était pas l'expérience intime et intérieure, mais uniquement l'obéissance à un dieu exigeant, et la pratique des rites et des obligations définies et décrétées par la Sainte Église Catholique.


Cependant, dans ces instants d'intimité avec Jésus, mon cœur chantait mon amour d’enfant envers lui. Je baignais dans une forme de bonheur intérieur qui s’exhalait de ma bouche et je me fichais bien de mes notes lamentables en catéchisme ou en français puisque par lui « je ne manque de rien ».

Hélas, en classe, durant l'enfance, je n'étais pas bon élève, toujours dans le dernier tiers des classements et parfois bon dernier, je faisais le désespoir de mes parents, qui me rêvaient dans l'élite, sans toutefois s'occuper de moi.
Parmi les matières enseignées, obligatoires et notées dans le bulletin hebdomadaire ou trimestriel, il y avait   « l'instruction religieuse ». Si j'aimais vraiment Dieu et Jésus, j'aurais dû avoir au moins 18/20. Ce qui n'était pas le cas. Ainsi, l'extérieur m'apportait la preuve que je me trompais sur moi-même et que, là aussi, j'étais mauvais sur toute la ligne avec mon « Petit Jésus ».

Cherchant à me rattraper, à retrouver la proximité, voyant qu'à la chapelle certains étaient proches de l'autel, autrement dit proche de Lui, parce qu'il étaient enfants de choeur, je décidai moi aussi de le devenir. Jésus serait certainement content, il verrait ainsi ma bonne volonté et je retrouverai la proximité avec lui.

Pour le devenir, il fallait franchir les étapes, apprendre par coeur les réponses  à faire au prêtre en latin, du début de la messe jusqu'à la fin. Apprendre les gestes, les attitudes, les mouvements, les positions du « servant de messe ». J'étais bien décidé à y arriver, je demandai le livret pour apprendre étape par étape. À la grande récréation du midi, on pouvait se rendre au bureau du Préfet de division avec son carnet, réciter devant lui les phrases du rituel. Il faisait le prêtre, parlait latin, et on répondait en latin ce qu'on avait appris par coeur, sans forcément comprendre, mais là n'était pas l'important. L'important était de ne pas buter sur les mots latins. 

In nómine Patris, et Fílii, et Spíritus Sancti. 

Amen

Grátia Dómini nostri Iesu Christi, et cáritas Dei,
et communicátio Sancti Spíritus sit cum ómnibus vobis.

Et cum spiritu tuo.
(jusque là… ça va…)

Fratres, agnoscámus peccáta nostra, ut apti simus
ad sacra mystéria celebránda.

( ici, ça se complique…)

Confiteor Deo omnipoténti
et vobis, fratres, quia peccávi nimis cogitatióne, verbo,
ópere et omissióne :
mea culpa, mea culpa,
mea máxima culpa.
Ideo precor beátam Mariam semper Virginem,
omnes Angelos et sanctos,
et vos, fratres, oráre pro me ad Dóminum Deum nostrum.

Misereátur nostri omnípotens Deus
et, dimíssis peccátis nostris,
perdúcat nos ad vitam aetérnam.

Amen.

Si on avait bien récité, il tamponnait le carnet, nous le rendait, bras tendu, sans un mot, déclarant seulement :  — « Fait entrer le suivant ! ».
Tel était devenue ma relation à Jésus, mon intime… Des froides récitations en latin.

Malheureusement, je butais parfois sur un mot, une phrase, une prononciation. Alors je n'avais pas droit au tampon salvateur. Dans ce cas-là, le Préfet de division prononçait quand même quelques mots : — « insuffisant ! Trop d'hésitation ! À revoir ! Au suivant ! »
Je comprenais que Dieu était en colère et que Jésus n'était pas content…

Peu à peu le désespoir s'installa. Car, malgré une certaine bonne volonté, je ne suis jamais parvenu à la totalité des tampons nécessaires pour être près de Jésus.
Je ne sautais plus à cloche-pied sur le trottoir et la chaussée.
J'avais perdu la gaieté du coeur.
Ils allaient réussir, les Frères des écoles chrétiennes de la Sainte Église Catholique, je deviendrai un « pratiquant », et non pas « l'ardent » que j'espérais.… J'apprendrai à m'éteindre et à fermer mon coeur. Puisqu'il m'était interdit de devenir un enfant du même nom. Car, dans ma naïveté idiote, je croyais pouvoir accéder à la situation enviée d’ « enfant de cœur » - j'écrivais ainsi l'expression au lieu de  « enfant de chœur ». Ainsi, hélas, je ne serais jamais, au grand jamais, un proche de Lui. 
Rien de plus pernicieux pour vivre sa vie qu'un désir fondamental avorté.

4 commentaires:

  1. On ne m'a jamais forcé à aller à l'Eglise. Je me souviens que j'y jouais, petite, mais je n'allais pas à la messe. j'allais au catéchisme pour retrouver des copines, gouter, écouter des histoires.

    Et puis j'allumais un cierge quand j'avais un chagrin parce que je trouvais ça beau

    Du reste, mes 20/20 en récitation compensait ma colonne de 0 en orthographe :)

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  2. Là où j'allais, la note en « instruction religieuse » (bon sang ça faisait sérieux !…) comptait pour le passage de classe.
    Et pourtant on n'était pas en Belgique !
    Donc c'était très sérieux, et on racontait pas des histoires…

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  3. oui ! en fait, il y a peut-être une dizaine d'année entre ton expérience et la mienne, et je crois que pendant ces dix années l'Eglise s'est conformé aux nouvelles valeurs en marche : le marketing, la démagogie, séduire plutôt que contraindre, la messe n'était plus en latin, et les ouailles quittaient le troupeau à grands flots !
    :)

    PS : j'ai commencé ma lecture depuis le début, et j'avance très doucement... à bientôt

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  4. Je pense que c'est tout à fait ça K.Role, une démarche de séduction, mais avec des moyens totalement nuls. Au début des années 70 il y avait des « messes rocks », batterie, guitares électriques, Ah que Yéé !

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